L’action civile se prescrit suivant des durées différentes en fonction de la matière considérée, par exemple par deux ans en droit de la consommation, par trente ans en matière immobilière ou encore par cinq ans en droit commun (article 2224 du code civil).
Dans tous les cas de figure, il peut arriver que la transmission de l’assignation au défendeur prenne du temps ou que le demandeur s’y soit pris tardivement, par exemple la veille du jour où la prescription est acquise.
La date de remise effective au défendeur est alors potentiellement située après le couperet prescrivant l’action du demandeur.
L’enjeu est donc de savoir si la prescription est valablement interrompue dès lors que l’assignation a été envoyée (à la date qui figure sur l’expédition) ou si elle ne l’est qu’au moment où l’assignation a été signifiée, c’est-à-dire à la date de remise au défendeur ou à la date de remise à l’autorité centrale compétente lorsque le défendeur réside à l’étranger.
En effet, la Convention relative à la signification et à la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, signée le 15 novembre 1965 à La Haye, prévoit que chaque Etat contractant « désigne une autorité centrale » qui reçoit les actes à signifier et y donne suite.
Une question supplémentaire surgit alors : si la date à retenir n’était pas celle de l’expédition, s’agirait-il de la date de réception par l’autorité étrangère ou de la date de remise au défendeur ?
L’article 2241 du code civil énonce que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion » et qu’il « en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».
La Cour de cassation en a déduit que l’enrôlement est sans effet sur la question de l’interruption de la prescription : la date de remise au greffe est indifférente (Cass. Civ. 3e, 27 novembre 2002, pourvoi n°01-10.058). Les juges du fond ont fait application de ce principe en considérant que « c’est donc la date de cette assignation, indépendamment de la date de mise au rôle au greffe de la juridiction, qu’il convient de prendre en compte pour déterminer si l’action introduite est ou non prescrite » (Douai, 19 décembre 2008, RG 29/02014).
Toutefois, le demandeur ne dispose que d’un bref délai pour effectuer cette remise au greffe à peine de caducité, par exemple dans le délai de quatre mois pour ce qui est des procédures devant le Tribunal de grande instance (article 757 du Code de procédure civile).
Si ce demandeur a assigné au dernier moment et que la date de prescription de son action se situe dans la période au cours de laquelle il doit placer l’affaire, et si par ailleurs ce demandeur n’enrôle pas son assignation, celle-ci devient caduque et la prescription de l’action est acquise : « une assignation, dont la caducité a été constatée, ne peut avoir interrompu la prescription » (Cass., ass. plén., 3 avr. 1987, pourvoi n° 86-11.536).
Reste à déterminer si la date à laquelle la prescription est valablement interrompue est celle de l’expédition ou celle de la signification à partie. La réponse est la même, que le défendeur soit domicilié en France (1), dans un autre pays de l’Union européenne (2) ou dans un des 73 pays membres de la Convention de La Haye (3) : c’est la date d’envoi qui interrompt valablement la prescription.
1. Lorsque le défendeur est domicilié sur le territoire de la République.
La jurisprudence a décidé que la date d’envoi, et non la date de réception, interrompt la prescription.
Cela résulte tout d’abord d’un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation daté du 11 décembre 1985 (pourvoi n°84-14.209). Il ne s’agissait pas là d’une assignation au sens strict mais d’une demande d’arbitrage.
La solution est toutefois générale : « l’article 2244 du code civil [dont le principe est repris aujourd’hui par l’article 2241], sans exiger que l’acte interruptif soit porté à la connaissance du débiteur dans le délai de la prescription, entend seulement préciser qu’un tel acte doit s’adresser à celui qu’on veut empêcher de prescrire et non pas à un tiers ».
Cela résulte ensuite d’arrêts plus récents, rendus notamment au visa de l’article 647-1 du code de procédure civile créé en 2005. Selon cet article, « la date de notification, y compris lorsqu’elle doit être faite dans un délai déterminé, d’un acte judiciaire ou extrajudiciaire, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ainsi qu’à l’étranger est, à l’égard de celui qui y procède, la date d’expédition de l’acte par l’huissier de justice ou le greffe, ou, à défaut, la date de réception par le parquet compétent ».
La Cour d’appel de Chambéry a ainsi jugé que « la date de la notification de l’acte interruptif de la prescription est donc bien, conformément à l’application littérale des dispositions précitées [l’article 647-1], celle de l’expédition du dit acte », soit celle de l’envoi et non celle de la remise à partie, contrairement à ce que prétendait la défenderesse (8 septembre 2016, RG 15/02090).
Le principe est le même dans de nombreux types de procédure. Ainsi, en matière de lettre recommandée (code de procédure civile, article 688), la prescription affectant l’action du demandeur est interrompue à la date de l’envoi du courrier et celle qui peut éventuellement courir contre le récipiendaire débutera à la date de réception de la lettre. De même, dans le domaine des baux commerciaux, le mémoire en fixation du nouveau loyer interrompt la prescription au jour de son envoi : « la cour d’appel en a déduit à bon droit que la notification du mémoire le 30 octobre 2007, complétée par sa remise ultérieure à son destinataire, avait interrompu le délai de prescription de l’action en fixation du prix du bail renouvelé, peu important que la remise du mémoire au bailleur soit intervenue après l’expiration du délai de prescription » (Cass. 3e civ., 17 octobre 2012, pourvoi n°11-21.646). Enfin, en procédure fiscale, la solution est la même en ce qui concerne les propositions de rectification fiscale : « la date d’interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l’adresse du contribuable ; qu’il en va de même lorsque le pli n’a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l’a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer » (Conseil d’Etat, 14 octobre 2015, n°378503).
2. Lorsque le défendeur est résident d’un Etat membre de l’Union européenne.
En application du Règlement CE 1393/2007 du 13 novembre 2007, l’huissier français expédie l’assignation à son correspondant étranger, dans le pays membre où réside le défendeur. La procédure est donc décentralisée.
Selon l’article 9 du Règlement, « la date de la signification ou de la notification d’un acte effectuée en application de l’article 7 est celle à laquelle l’acte a été signifié ou notifié conformément à la législation de l’État membre requis. Toutefois, lorsque, conformément à la législation d’un État membre, un acte doit être signifié ou notifié dans un délai déterminé, la date à prendre en considération à l’égard du requérant est celle fixée par la législation de cet État membre ».
En d’autres termes, lorsqu’il y a un délai de prescription dans lequel un demandeur français doit assigner un défendeur ressortissant d’un autre Etat de l’UE, la date pertinente à l’égard du demandeur sera celle prévue par le droit français, donc celle de l’expédition. Inversement, aucun délai, comme celui prévu pour constituer avocat, ne saurait courir contre le défendeur si ce n’est à compter de la date de remise à partie.
3. Lorsque le défendeur est résident d’un Etat contractant de la Convention de La Haye.
Contrairement au droit européen, le droit international prévoit des procédures de notifications internationales centralisées autour d’une autorité désignée, comme nous l’avons vu supra. Néanmoins, le principe général est le même, comme le confirme un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris rendu aux visas de la Convention de La Haye et de l’article 647-1, relativement à une assignation délivrée en Suisse : « en l’espèce, il ressort de l’attestation d’accomplissement des formalités de signification d’acte étranger hors communauté européenne que la SCP X a transmis l’assignation devant le tribunal de commerce de Paris le 4 janvier 2013 au tribunal cantonal de Lausanne, autorité cantonale suisse agissant en qualité d’autorité centrale au sens de la convention de La Haye précitée. Cette date est confortée par l’attestation délivrée à monsieur Y par le tribunal cantonal de Lausanne qui précise avoir remis l’assignation à monsieur Z le 10 janvier 2013 et avoir reçu l’acte à notifier le 7 janvier 2013. La date d’interruption de la prescription est le 4 janvier 2013 » (8 décembre 2016, RG 15/18138).
La date d’interruption de la prescription est donc la date portée par l’huissier sur l’acte et non la date de remise à partie ou la date de réception par l’autorité centrale à l’étranger. La solution est logique : la prescription ne saurait courir contre le demandeur si des éléments indépendants de sa volonté retardent la remise à partie alors qu’il a assigné dans les temps ; inversement, aucun délai de prescription ne saurait commencer à courir contre le défendeur s’il ne s’est pas encore vu remettre l’acte à l’origine de ce délai.
Le principe a été conforté par une décision de la Cour de cassation relative aux délais impartis pour se pourvoir en cassation lorsque le défendeur est domicilié en-dehors de l’Union européenne, mais qui vaut pour l’ensemble des notifications internationales, selon les commentateurs.
L’ancien droit prévoyait que la date de signification à parquet interrompait valablement la prescription du pourvoi formé contre le destinataire de la signification de l’arrêt d’appel, même à l’égard du destinataire (ancien article 653 du code de procédure civile, Cass. Civ. 2e, 30 avril 2003, pourvoi n°01-13.329).
Désormais, la date à retenir à l’égard du destinataire est celle de la remise effective ou, à défaut, celle de la tentative de remise de l’acte par l’autorité étrangère. (Civ. 1e, 23 juin 2011 pourvoi n°09-11.266 ; pour approfondir : « Signification internationale et délai du pourvoi en cassation », Fanny Cornette, Rev. crit. DIP 2012. 102).
L’exigence du droit à un procès équitable pour la partie destinataire de la notification est assurée notamment par des dispositions de la Convention de La Haye qui, en cas d’absence de preuve de la remise à partie, imposent au juge saisi de surseoir à statuer tant qu’il n’est pas établi que la signification a été effectuée ou que l’acte a été remis suivant un autre mode de notification, et que le destinataire a eu suffisamment de temps pour préparer sa défense, à savoir au moins six mois (article 15).
La Convention garantit également les droits de la défense en ce qu’elle impose une possibilité de relevé de forclusion au bénéfice du défendeur contre qui une décision a été rendue et dont le délai de recours est expiré : il pourra démontrer son absence de faute, l’insuffisance du temps de préparation de sa défense et le caractère sérieux de ses moyens de défense (article 16).
Remarquons enfin qu’il existe une autre Convention de La Haye, datée du 1er mars 1954, qui s’applique aux quelques Etats non parties à celle de 1965 : pour ces Etats, la date interrompant la prescription à l’égard du destinataire est celle de la signification par l’autorité étrangère (Cass. Civ. 1e, 18 décembre 2014, pourvoi n°13-25.745). Il n’est pas douteux qu’à l’égard de la partie qui signifie l’acte, la date pertinente soit celle de l’expédition.
Discussions en cours :
S’agissant des infractions relatives au droit de la presse, plus communément appelées diffamations et prescrites dans les trois mois à compter de la première "publication" au sens large (portée à la connaissance d’autrui de propos supposés diffamatoires), la Cour de cassation s’est prononcée de manière plus stricte s’agissant des actes introductifs d’instance déclarés nuls en l’espèce, notamment en ce qu’ils obéissent à un strict formalisme, à peine de nullité de droit (ce qui signifie par ailleurs qu’ils ne peuvent être requalifiées en cours d’instance, ni par le demandeur ni par le juge qui ne pourra que prononcer la nullité), régi par la loi du 29 juillet 1881 (spécialement par son article 53 : élection de domicile par le demandeur - éventuellement chez son conseil - dans la ville où siège la juridiction devant statuer, transmission de l’assignation ou de la citation pénale au prévenu et au ministère public, qualification et précision du ou des faits incriminés au regard du droit de la presse et énonçant l’article de la loi du 29 juillet 1881 trouvant application ; voyez les décisions de la Cour de cassation : assemblée plénière, 15 février 2013, no 11-14637 ; première chambre civile, 6 avril 2016, no 15-10.552 ; 2e chambre civile, 19 février 1997 - no 94-13.877 ; du 10 mars 2004 - no 00-16.934). Ainsi, une assignation déclarée nulle, que ce soit au fond ou sur la forme, n’a pas empêché le délai de trois mois en l’espèce de courir : une assignation datée (avant enrôlement) du cinq janvier par exemple et déclarée nulle le 6 avril suivant vaudra prescription et donc extinction d’une possible action civile ou pénale (sauf actes pénaux autres en cours, à étudier de près même si une enquête après une plainte simple n’interrompt pas en soi le court délai prescriptif de trois mois ). Cela vaut tant pour une action viciée en la forme selon les éléments susmentionnée que sur le fond qui s’attache plutôt au défaut du droit ou de la capacité d’ester (exemple : un tiers qui prétendrait représenter un ami au tribunal lors même qu’il ne serait avocat, aussi : un mineur, un majeur sous curatelle ou tutelle qui attrairait, une personne qui agirait pour le compte d’une autre sans droit).
pour commencer, on ne dit pas in acte "introducteur d’instance, mais INTRODUCTIF d’instance.
Enfin, pontifier sur Internet semble devenu de la part de avocats, entre uatres, un moyen de mieux vendre leur camelote.
Il est pourtant toujours plus sérieux de se défendre seul mais, pauvres victimes du privilège des prébendes instituées en règle de droit, vulgum pecus que nous sommes, il faut se résigner à subir le système mis en place par le lobby des barreaux...