De quelques rappels sur le paiement de la prestation compensatoire en cas de décès du débiteur, par Sabine Haddad, Avocat

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Le code civil en ses articles 270 à 281 du code civil envisage la prestation compensatoire en matière de divorce.

L’article 270 du code civil dispose :

« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture »

Cette indemnité est destinée à compenser les différences de niveau de vie que le divorce entraînera …la perte dans la qualité de vie, pour permettre à l’époux le moins aisé d’être dédommagé Elle sera fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. (271 du code civil)
Ses vertus correctrices et réparatrices liées aux différences de situations financières sont donc indéniables.
L’indemnitaire, relayant ici l’alimentaire (pension fixée dans l’ordonnance de non conciliation pour l’époux, devenue caduque avec le divorce). La prestation devant être payée, lorsque le divorce aura pris un caractère définitif. (délai d’appel expiré, ou, en cas d’appel, arrêt signifié).

A cet effet, le juge prend en considération notamment : article 271 du code civil :

- la durée du mariage ;

- l’âge et l’état de santé des époux ;

- leur qualification et leur situation professionnelles ;

- les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

- leurs droits existants et prévisibles ;

- leur situation respective en matière de pensions de retraite.

Si le principe de son attribution reste celui d’un capital en nature ( ex usufruit…) ou en argent, payable en 8 annuités maximum, elle pourra être fixée sous forme de rente. Un versement mixte serait aussi envisageable (partie capital et partie rente).

L’article 276 du code civil envisage, aussi une possibilité exceptionnelle décidée par le juge sous forme d’une décision spécialement motivée d’un, versement sous forme de rente viagère , lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permettra pas de subvenir à ses besoins.
Dans tous les cas, le juge aura le dernier mot pour la fixer.

Ainsi, lorsqu’une convention amiable en divorce ne respectera pas suffisamment les intérêts des époux, il pourra refuser de l’homologuer.
De la même façon, dans les divorces, autres que ceux par consentement mutuel et en dehors d’un accord satisfaisant entériné, il sera amené à la fixer dans le cadre d’un jugement définitif, sans pouvoir cependant statuer « ultra petita » outre la demande.

Dans cet article, nous nous interrogerons sur le sort de cette prestation compensatoire en cas de décès du débiteur. Qui sera tenu de la verser ? Peut-on s’y soustraire, ou la faire réviser ?

Les articles 280, 280-1 et 280-2 du code civil, issus de la Loi N° 2004-439 du 26 mai 2004, entrée en vigueur le 1 er janvier 2005 nous renseignent.

I- Le Principe : la transmission de la prestation dans le passif successoral de l’ex conjoint décédé

Antérieurement à la Loi précitée, les héritiers qui acceptaient une succession, devaient payer celle-ci, y compris sur leur biens personnels. Cette obligation était vécue comme injuste par ces derniers.

Depuis la Loi N° 2004-439 du 26 mai 2004, entrée en vigueur le 1 er janvier 2005, les choses ont changé. La prestation incombe désormais à la succession, aux héritiers du débiteur ; elle sera payée sur le patrimoine du défunt et ne sera plus à la charge des héritiers sur leur patrimoine personnel.

A) la transmission d’une dette successorale…

Cette prestation compensatoire entre dans le passif du patrimoine d’un des époux et de ce fait oblige ses héritiers (ex enfants, nouvelle épouse) ; lesquels peuvent se voir contraints de la verser en cas de décès à l’ex-conjoint dès lors qu’ils recueillent la succession.
La prestation compensatoire est prélevée sur la succession, avant tout partage.

En cas d’insuffisance d’’actif successoral, tous les héritiers et légataires particuliers, y sont tenus proportionnellement à leur part dans la succession.

Pour échapper à cette obligation, il conviendrait purement et simplement de renoncer à l’héritage.

B) Une dette qui sera évaluée (capitalisée) au moment du décès avant tout prélèvement sur la succession, mais dans les limites de l’actif successoral.

Les héritiers, depuis le 1 er janvier 2005 ne sont donc plus tenus personnellement, sur leurs biens propres de régler la dette que représente la prestation compensatoire, si le montant de la succession ne permet pas d’en solder son montant.

Le solde de la prestation sera considéré et évalué, avant d’être prélevé sur la succession de l’époux débiteur, mais dans la limite de l’actif successoral.
Les dispositions de l’article 280 du Code civil modifié prévoient :

« A la mort de l’époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession. Le paiement est supporté par tous les héritiers, qui n’y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l’actif successoral et, en cas d’insuffisance, par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument, sous réserve de l’application de l’article 927. Lorsque la prestation compensatoire a été fixée sous forme d’un capital payable dans les conditions de l’article 275, le solde de ce capital indexé devient immédiatement exigible. Lorsqu’elle a été fixée sous forme de rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible. La substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. »

Ainsi la prestation versée sous forme de rente, se transformera en un capital exigible immédiatement, après capitalisation de la rente.
A préciser que si le créancier perçoit une pension de réversion, celle-ci sera déduite du capital calculé pour remplacer la rente, selon un barème fixé par décret et après déduction de la pension de réversion voire II-B) .
S’il avait été prévu, dans la décision de divorce définitive, un échelonnement de paiement du capital de 8 ans, le solde du capital devient immédiatement exigible après indexation.

II- Les atténuations au principe

A) l’engagement personnel des héritiers contenu dans un acte notarié

Par dérogation à l’article 280 du Code civil précité, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l’époux débiteur, en s’obligeant personnellement au paiement de cette prestation.
Que pourront décider ces héritiers tenus de payer une rente viagère ?

En l’état de la législation, ils pourront :

- soit, demander la conversion de la rente en capital (ce que nous avons exposé ci-dessus) ;
- soit, poursuivre le paiement de ladite rente mensuellement.

Dans cette dernière éventualité, ils toucheront l’intégralité de leurs droits dans la succession, sans déduction de la prestation, mais en assureront son paiement, sur leur patrimoine personnel, en cas d’insuffisance de l’actif pour couvrir l’intégralité des sommes.

Leur accord unanime devra respecter les modalités de l’article 280-1 du code civil, qui prévoit que :

A peine de nullité, l’accord est constaté par un acte notarié. Il devient opposable aux tiers à compter de sa notification à l’époux créancier lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.

Lorsque les modalités de règlement de la prestation compensatoire ont été maintenues, les héritiers du débiteur disposent des actions ouvertes au débiteur de la prestation compensatoire de demander en justice c’est-à-dire de demander au Juge aux Affaires Familiales :

- la révision des modalités de paiement du capital en cas de changement important dans leur situation ;

- étalement plus important du paiement du capital ;

- suspension, suppression de la rente ;

- la substitution d’un capital à tout ou partie de la rente viagère ou temporaire.

Enfin , les héritiers pourront aussi se libérer à tout instant du solde du capital indexé si la prestation a été envisagée sous forme d’un capital payable en plusieurs versements périodiques avec un étalement.

B) L’article 280-2 du code civil : la déduction des pensions de réversion du montant de la prestation compensatoire versée sous forme de rente.

« Les pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé sont déduites de plein droit du montant de la prestation compensatoire, lorsque celle-ci, au jour du décès, prenait la forme d’une rente. Si les héritiers usent de la faculté prévue à l’article 280-1 du Code civil et sauf décision contraire du juge, une déduction du même montant continue à être opérée si le créancier perd son droit ou subit une variation de son droit à pension de réversion. »

Il s’agit de la partie de la retraite dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier l’assuré décédé, qui est reversée, au conjoint survivant sous certaines conditions : ex dès 55 ans, en fonction des conditions de ressources…
Demeurant à votre disposition, pour tous renseignements.

Maître HADDAD Sabine
Avocat au barreau de Paris

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