Extrait de : Droit administratif

La bonne gouvernance à la lumière du droit public marocain.

Par Ayoub Haddi, Etudiant.

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Explorer : # bonne gouvernance # transparence financière # contrôle financier # gouvernance territoriale

La bonne gouvernance est devenue une condition sine qua non de la vie publique que ce soit sur le plan national ou encore territorial. A cet effet, l’exécution des politiques publiques du royaume passe sous le radar de plusieurs acteurs en vue de contrôler son efficacité et son efficience et par conséquent, de renforcer la philosophie de l’État de droit.

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Dès sa montée sur le trône, le Roi Mohamed VI a posé les jalons d’un nouvel esprit de la chose publique qui trouve son ampleur dans la bonne gouvernance et ses principes, notamment la reddition des comptes, la responsabilisation, la transparence, la probité, la participation, la concertation, etc.

Dès lors, la bonne gouvernance est devenue une condition sine qua non de la vie publique que ce soit sur le plan national ou encore territorial. À cet effet, l’exécution des politiques publiques du royaume passe sous le radar de plusieurs acteurs en vue de contrôler son efficacité et son efficience et par conséquent, de renforcer la philosophie de l’Etat de droit.

En ce sens, le droit constitutionnel souligne : « Le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire, et sociale. Elle est fondée sur la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative, et les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes, en mettant l’accent sur le fait que l’organisation territoriale du royaume est décentralisée basée sur la régionalisation avancée » [1].

Plus que jamais, la réorganisation publique structurelle du Maroc était un bouclier contre la vague d’instabilité qu’a connue le monde arabe ainsi qu’un levier de légitimité du Souverain.

La problématique soulevée dans cet article peut se formuler en ces termes : Quels sont les apports de la Constitution de 2011 et des lois organiques en termes de bonne gouvernance financière ?

La Constitution de 2011 : locomotive du contrôle financier public.

L’article 147 précise que la Cour des comptes est une institution supérieure indépendante du contrôle financier public. En effet, elle se charge du contrôle d’exécution des lois de finances, de vérification de la comptabilité budgétaire des organismes publics, du suivi des déclarations du patrimoine et d’audit des comptes des parties politiques.

Dans ce sillage d’idées, l’article 148 ajoute que la Cour des comptes assiste le Parlement, le gouvernement ainsi que les autres instances judiciaires dans leurs besoins à caractère financier. Evidemment, ces compétences ont un dénominateur commun : la diffusion d’une information financière sincère.

En plus, la Constitution de 2011, a doté le Parlement d’un pouvoir financier inédit. L’article 75 de ladite Constitution stipule que : « Le Parlement vote la loi de finances, déposée par priorité devant la Chambre des Représentants, dans les conditions prévues par une loi organique. Celle-ci détermine la nature des informations, documents et données nécessaires pour enrichir les débats parlementaires sur le projet de loi de finances ». A cela s’ajoute l’évaluation des politiques publiques [2]. Ces compétences représentent le franchissement d’une étape importante sur le chemin de la Constitution démocratique [3]. A ce propos, le contrôle budgétaire parlementaire est une fonction essentielle pour renforcer la gouvernance des finances publiques qui constitue un élément essentiel pour les Etats qui voudraient renforcer leurs capacités nécessaires pour le développement économique [4].

La loi organique n°130-13 (Constitution financière) : levier de comptabilité et de performance.

La comptabilité publique constitue - une pièce maîtresse - de transparence financière dans la mesure où elle s’appréhende comme un système d’informations décrivant et révélant l’ensemble des opérations ayant un caractère financier. Aux termes des articles 31, 32 et 33 de la LOF, l’Etat est dans l’obligation de tenir une comptabilité budgétaire mettant l’accent sur les recettes et les dépenses ainsi qu’une comptabilité générale centrée sur le concept des droits et des obligations.

En ce sens, le législateur souligne que l’esprit de la comptabilité générale publique ne se distingue pas de celui de la comptabilité générale privée. Les principes de base (indépendance des exercices, clarté, coût historique, etc.) restent les mêmes. Pour ce qui est de comptabilité de gestion (analytique), elle est facultative. En outre, le législateur n’a pas épargné sa volonté de concilier les comptes de l’Etat avec le principe d’image fidèle qui est, bel et bien, un élan de transparence dans la gestion financière publique.

D’ailleurs, la Constitution financière a posé les édifices d’une logique qui a contribué à l’éclosion de la notion de performance. Désormais, la loi de finance doit être accompagnée, entre autres, d’un rapport synthétisant les rapports de performance des départements ministériels et des autres institutions ainsi que d’un autre rapport servant de base à l’audit de performance. Ces pratiques trouvent leur légitimité dans le concept de la gestion par résultat (GPR). Il s’agit d’un mode de gestion qui incarne l’amélioration de la performance publique par le progrès du service rendu au citoyen [5].

Elle vise à atteindre l’efficacité et l’efficience à travers l’adoption d’un système de performance basé sur des indicateurs essentiellement quantifiables et financiers [6]. C’est un mode de gestion dont le contenu ne diffère guère des principes du contrôle de gestion classique vu comme un système de régulation des comportements [7].

Les lois organiques des collectivités territoriales [8] : vecteur de gouvernance territoriale.

Akrich et Bassrih (2017) nous enseignent que les collectivités territoriales sont aujourd’hui confrontées à une dégradation de leur situation financière, l’inefficience et l’inefficacité de leur gestion. Elles se trouvent par conséquent, dans l’obligation de chercher par tous les moyens à optimiser leurs dépenses et leurs recettes, afin d’exercer leurs compétences au meilleur coût possible.

Dans ce cadre, les lois organiques des collectivités territoriales ont dessiné les contours d’une nouvelle gestion territoriale régionalisée « qui devrait profondément redéfinir les conditions d’exercice du pouvoir à l’échelle territoriale » [9]. Une gestion qui se réfère à la Constitution de 2011 tout en consolidant les mécanismes de bonne gouvernance dans les territoires. En d’autres termes, les nouveaux mécanismes de contrôle ne viennent pas suppléer ou faire obstacle à l’application des procédés classiques de contrôle, qui demeurent toujours en vigueur [10].

Bien entendu, cet arsenal juridique a fait le compromis entre contrôle interne, audit et contrôle populaire. Les trois lois organiques convergent toutes vers l’idée d’instaurer des systèmes d’audit et de contrôle.

Dorénavant, le contrôle interne relève des obligations des collectivités territoriales. Ainsi, les acteurs territoriaux doivent superviser. L’extension de ce mode de contrôle au secteur public local constitue, donc, une innovation en matière de décentralisation et permet aussi d’instaurer une culture de conformité [11].

L’audit des collectivités territoriales, quant à lui, est conféré à trois corps financiers, à savoir la cour des comptes, l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale de l’administration territoriale (IGAT). Lesdits corps veillent à ce que les affaires locales se font dans de bonnes circonstances. Ledit audit apparaît comme une nécessité incontournable permettant aux collectivités de mener à bien le processus de développement économique et social auquel aspire notre Royaume [12].

Pour ce qui est du contrôle populaire, les collectivités territoriales sont, aujourd’hui, dans l’obligation de partager avec les citoyens, entre autres, les rapports d’audit et d’évaluation, les états financiers, les délibérations. Le citoyen est devenu donc au cœur de la chose publique.

In fine, la vague du - normativisme - qu’a connue le Maroc lui a permis de passer à un nouveau palier de réflexions financières qui sont, en fait, en harmonie avec celles des pays développés. Dans ce contexte, la révision constitutionnelle de 2011 a conduit à un authentique changement de dimension de la Constitution marocaine, qui pour la première fois depuis l’indépendance investit pleinement l’ensemble des champs du droit constitutionnel contemporain [13].

La nouvelle Constitution marocaine a couronné le processus de renforcement de démocratie locale et de gouvernance territoriale dans la mesure où elle a instauré le système d’élection au suffrage universel direct pour les conseils régionaux, et le transfert du pouvoir d’exécution des délibérations des collectivités territoriales à leurs présidents [14].

Références :
- Article 1 de la Constitution de 2011.
- Article 70 de la Constitution de 2011.
- Chami, M. et Salmi, N. (2016). « Audit des collectivités territoriales au Maroc à la lumière de la régionalisation avancée : défis et perspectives », Revue D’Etudes en Management et Finance D’Organisation, p : 1-11.
- Cherkaoui, K. (2018). « Le pouvoir financier du Parlement ». EcoActu, Le 11/11/2018.
- Melloni, D. (2013). « La Constitution marocaine de 2011 : une mutation des ordres politique et juridique marocains », Revue Pouvoirs, p :5-17.
- Sidki, M. (2017). « Les nouveautés de la gestion financière des collectivités territoriales : Le cas de la Région », Revue TGR, p :10-14.
- Seghir, K. et Gallouj, N. (2012). « Pilotage de la performance des collectivités.
territoriales au Maroc à l’ère de la gestion par résultats : proposition d’indicateurs socioéconomiques
 », p : 1-27.

Ayoub HADDI - Master MSTCF - ENCG de SETTAT.

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Notes de l'article:

[1Article 1 de la Constitution de 2011.

[2Article 70 de la Constitution de 2011.

[3Guiri, 2014, cité par Cherkaoui, 2018.

[4Cherkaoui, 2018.

[5Biondi et al, cité par Seghir et Gallouj, 2018.

[6Seghir et Gallouj, 2018.

[7Burlaud et Simon, cité par Seghir et Gallouj, 2012.

[8Loi n°111-14, loi n°112-14 et loi n°113-14.

[9Melloni,2013.

[10Sidqi, 2017.

[11Sidqi, 2017.

[12Chami et Salmi, 2016.

[13Melloni, 2013.

[14Chami et Salmi, 2016.

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