Le compte bancaire et le secret.

Par Dominique Ducourtioux, Avocat.

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Explorer : # secret bancaire # confidentialité # législation bancaire # droits des clients

Un bailleur peut-il demander à son futur locataire de lui transmettre des informations sur son compte bancaire ?
Un organisme ou une administration peut-elle aussi demander au demandeur d’une aide, telles que des aides familiales ou une bourse d’études, de fournir des informations sur son compte bancaire ?
Enfin, le banquier gestionnaire du compte peut-il être délié du secret professionnel auquel il est tenu en vertu de la loi ?

Cet article a pour objet de faire le point sur le droit au secret bancaire, dont bénéficie un particulier face aux demandes d’informations concernant son compte.

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1°) En principe le compte bancaire bénéficie d’un secret total :

Le secret bancaire s’oppose à ce que des informations concernant le compte puissent être transmises à des tiers.

Ce principe est affirmé par l’article L 511-33 du Code monétaire et financier, qui institue le secret professionnel du banquier.

Le secret concerne tant l’existence des comptes, leurs soldes, ou les mouvements des comptes.

D’autres textes de loi confirment l’exigence de respecter le secret des comptes bancaires, dans la mesure où il s’est avéré nécessaire de protéger ce droit face aux intrusions de tiers. Ainsi l’article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989 interdit au bailleur de demander au candidat locataire la moindre information concernant l’existence et la situation de son compte bancaire.

2°) Le titulaire du compte peut renoncer au secret de ses comptes :

Le secret bancaire a été instauré pour protéger le titulaire des comptes, et naturellement celui-ci peut renoncer à cette protection et transmettre librement des informations aux tiers qui lui en feraient la demande.

Le droit au secret n’est donc pas absolu, c’est un droit relatif.

Ainsi, hors les cas où la loi instaure une interdiction de s’intéresser aux comptes bancaires ( comme la loi du 6 juillet 1989 précitée pour le bailleur envers le locataire ), les tiers peuvent régulièrement demander au titulaire du compte des informations, et celui-ci décidera s’il doit les donner ou non.

Seul le titulaire des comptes pourra aussi autoriser son banquier à le délier de son obligation de secret pour des informations déterminées. C’est ce que rappelle l’article L 511-33 du Code monétaire et financier : « Outre les cas exposés ci-dessus, les établissements de crédit peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel au cas par cas et uniquement lorsque les personnes concernées leur ont expressément permis de le faire ».

3°) Le secret bancaire peut être totalement levé par la loi :

L’article L 511-33 reconnaît que le secret peut être totalement levé, sans que l’accord du client soit requis, lorsque des impératifs d’intérêt public, voire privé, le requièrent.

« Outre les cas où la loi le prévoit, le secret professionnel ne peut être opposé ni à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ni à la Banque de France ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale, ni aux commissions d’enquête créées en application de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. »

Dans ces cas, toutes les informations concernant les comptes, que ce soit leur existence, leur solde ainsi que les mouvements, peuvent être communiquées par le banquier.

Les levées du secret bancaire sont d’interprétation stricte, ce qui signifie qu’en dehors des cas limitativement prévus, aucune entorse au secret ne serait être admise.

L’article L. 511-33 autorise donc la transmission des informations couvertes par le secret aux autorités parlementaires et bancaires, ainsi qu’à l’autorité judiciaire uniquement dans le cadre d’une procédure pénale.

En revanche, dans le cadre d’une procédure civile, le banquier n’a pas à transmettre d’informations concernant son client, et s’il le faisait il violerait le secret auquel il reste tenu et serait sanctionnable pénalement.

Des lois spéciales peuvent aussi, comme le rappelle l’article L 511-33, lever le secret bancaire. L’inopposabilité du secret vise l’administration fiscale, lorsqu’elle fait valoir son droit de communication, et l’administration des douanes.

Le secret cède aussi totalement en matière de divorce, sachant que l’article 259-3 du Code civil ouvre la faculté au juge d’interroger le banquier des époux sans que celui-ci ne puisse opposer le secret professionnel.

Il en est de même en matière de procédures collectives, que ce soit en matière de prévention des difficultés, de sauvegarde et de redressement, ou de faillite des dirigeants.

La Commission de surendettement a aussi le droit d’obtenir toutes les informations utiles concernant les comptes bancaires de la personne dont elle est saisie.

Enfin, les dispositions du code monétaire et financier en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux, obligent les banquiers à déclarer à TRACFIN toutes les opérations effectuées sur les comptes dont ils ont la gestion, et dont l’origine serait douteuse. Le banquier a dans ce cas l’obligation de rompre avec le secret.

4°) Le secret bancaire peut être partiellement levé :

Le Fichier National des Comptes Bancaires et Assimilés ( FICOBA ) recense les comptes bancaires en France, et sert à fournir aux personnes habilitées des informations sur les comptes détenus par les personnes, physiques ou morales.

Les informations que contient le fichier portent uniquement sur l’identité du titulaire du compte et du banquier gestionnaire, ainsi que la date d’ouverture du compte, sa clôture ou sa modification.

Le fichier ne fournit aucune information sur les mouvements du compte et sur son solde.

Le secret bancaire n’est donc levé auprès des personnes habilitées à consulter le fichier, que très partiellement, sachant que les informations seront limitées à l’existence ou non d’un compte ouvert par une personne déterminée.

Le fichier FICOBA peut être consulté par les huissiers chargés d’une demande de paiement direct d’une pension alimentaire contre un débiteur, ou d’exécuter un titre exécutoire.

Le banquier a aussi l’obligation de fournir à l’huissier chargé d’effectuer une saisie-attribution, le montant du solde des comptes appartenant au débiteur.

L’information s’arrête à la situation du solde.

En conclusion :

Le secret bancaire, dont profite le client, est en réalité le secret professionnel auquel est tenu le banquier. Ce secret a été instauré dans l’intérêt du client, et celui-ci est maître de décider s’il doit ou non délier le banquier de son obligation, ou s’il doit de lui-même délivrer les informations couvertes par le secret.

Concernant les exceptions prévues par la loi, le client n’est même pas appelé à donner son avis et le banquier doit donner les informations qui lui sont réclamées.

Dominique Ducourtioux Avocat.
Barreau de Strasbourg

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Discussions en cours :

  • par Krystel Thiré , Le 14 décembre 2018 à 10:15

    Bonjour,
    Il y a un mois Sofinco m a contacté pour un rachat de prêt que j avais chez eux.15 jours plus tard,je reçois sur mon compte une somme de 10000 Euros.au départ il était convenu 8000.a ce jour je reçois des mails d une personne du crédit agricole m indiquant que l argent n est pas pour moi et qu il s’agit d une erreur.sofinco n est pas au courant.de plus en allant a ma propre banque j apprend que le crédit agricole a appelé ma banque pour savoir si j avais bien les 10000 sur mon compte.oui bien sûr !que penser de ma banque ? Et suis obligé de rembourser cet argent ? Cordialement

  • Dernière réponse : 1er octobre 2018 à 22:54
    par Dupuy , Le 5 janvier 2016 à 23:23

    Cet article est très bien construit :synthétique.

    • par ducourtioux , Le 6 janvier 2016 à 10:50

      merci, cela me fait plaisir.

    • par Tahri , Le 29 mars 2017 à 02:43

      Un agent assermenté de la CAF souhaite effectuer un contrôle à mon domicile. Suis-je obligée de lui fournir les 12 derniers relevés bancaires de mon compte ?
      Cordialement.

      merci pour vos réponses.

    • par marie , Le 1er octobre 2018 à 22:54

      Bonjour
      Je suis beneficiaire du rsa socle soit 484 euros..Mon assurance vie me verse un complement de revenu de 400 euros..ai-Je droit de le faire ??? Merci de votre reponse

  • par Descatoire , Le 7 septembre 2018 à 08:06

    Bonjour,
    J’ai fait passé un courtier qui ma été conseiller par l’agence immobilière pour obtenir un prêt. Et le courtier a été divulguer mes comptes bancaires à l’agence.
    J’aurai voulu savoir s’il avait le droit de faire cela et si non quels sont mes recours. Puis je dire que le compromis de vente que j’ai signé est caduque.

  • Dernière réponse : 2 février 2018 à 18:55
    par DOMAGE JEAN- CLAUDE , Le 1er février 2017 à 18:44

    Maître ,

    Je viens de lire votre article que je trouve intéressant .
    Seulement ma banque a diffusé par écrit , à l’huissier la totalité des mes avoir ( DEPOTS , CSL,LIVRET A ,
    PEL , LDD ) Et non l’ information de situation du solde .
    Qui l’huissier a transmis à son Mandant , toutes ses informations ...
    Qui en a profiter , pour me demander des dommages et interets ...
    Quel est mon recourt , vis à vis de la banque et de l’huissier ?
    Merci de me répondre .
    Cordialement
    J.C.D

    • par alaincollet , Le 2 février 2018 à 18:55

      Pouvez vous expliciter cela ?
      Si je comprend bien
      les juges au pénal ont accès mais pas les juges au civil

      Dans quels textes de lois voyez vous cela ?

      Merci

  • par belita , Le 14 juillet 2017 à 11:44

    Entièrement d’accord avec vous,et avec ça,j’ai encore consulté d’autres articles sur le net, et, voilà ce qui suit :
    "CHRISTOPHE BOUTIN VOUS RÉPOND

    Pas plus un propriétaire en quête de locataire (1) solvable qu’un organisme quelconque n’a de justification légale à demander un relevé de compte bancaire. Le Comité français d’organisation et de normalisation bancaires (CFONB) et la Fédération bancaire française (FBF) s’accordent sur le caractère privé d’un compte bancaire, les banques étant soumises à la loi « informatique et libertés ». Elles ne peuvent utiliser leurs fichiers que pour la gestion des clients et ne doivent en divulguer leur contenu à des tiers.
    Le relevé de compte mensuel, sur lequel figurent les dépenses et rentrées d’argent, soldes, frais bancaires est la trace légale des opérations effectuées sur un compte bancaire. La tentation est grande pour un propriétaire inquisiteur ou un organisme peu scrupuleux, mais exigeant de solvabilité de demander une attestation d’employeur, une carte d’assuré social, un extrait de casier judiciaire, un dossier médical personnel, un jugement de divorce, ou un relevé de comptes : toutes ces pièces n’ont pas à être réclamées par qui que ce soit (article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989).
    Si ces abus de pouvoirs se présentent à vous, et qu’une aide, un logement, un contrat, vous sont refusés pour cette raison, vous serez en droit de saisir la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), pour discrimination. Il n’est hélas ! pas rare, de recevoir des demandes de personnels de centre communal d’action sociale, avec l’objectif de connaître les versements de retraites. Le relevé de compte est plus rapide à obtenir qu’en le demandant auprès de plusieurs organismes, mais totalement abusif. Au minimum, les pièces peuvent être communiquées, en cachant au feutre noir toutes les opérations autres que celle intéressant le demandeur.
    Il existe des cas où le secret bancaire, et notamment la production de relevé de compte, est levé : toute action en justice, en particulier motivée par commission rogatoire d’un juge.

    Savoir dire " non "

    La sécurité des comptes bancaires est donc protégée à ses sources, au titulaire ensuite d’être vigilant sur les informations qu’il divulgue, en les limitant, les ciblant, voire les refusant, de bon aloi et dans le cadre légal précisé plus haut. Toute décision négative consécutive à un refus de production de ce document, hors démarche judiciaire, peut être attaquée.

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