Du congé maternité à la réalité de l’entreprise
Chacun sait que les Eurodéputés viennent de se prononcer pour un allongement du congé maternité à une durée minimale de 20 semaines, ce qui représente une absence de cinq mois de la salariée de son poste de travail au sein de l’entreprise. Par la voix de sa secrétaire d’Etat à la famille, le Gouvernement français vient d’exprimer son scepticisme, si ce n’est son hostilité à cette mesure. Selon l’article L. 1225-17 du Code du travail, le régime de base français est de 16 semaines de congé partagées comme suit : 6 semaines avant l’accouchement, 10 semaines ensuite. Cette durée est substantiellement allongée en cas de naissances multiples.
Sauf convention collective plus favorable, la durée du congé de maternité français semble très modeste au regard de l’âge du bébé (à peine deux mois et demi) quand la salariée doit regagner l’entreprise. Cette durée n’est pas non plus à l’honneur de la France en comparaison avec nos voisins britanniques où le congé maternité ‘maternity leave’ est de 26 semaines renouvelable une fois, c’est-à-dire un an ! C’est sans doute pour atténuer la rigueur d’un congé maternité si bref qu’en France, toute salariée disposant d’au moins une année d’ancienneté peut, à la fin de son congé maternité, recourir à un congé parental d’éducation d’une année (renouvelable une fois en cas de nouvelle naissance).
Toutefois, au-delà d’une nécessaire réflexion sur l’allongement du congé maternité, il conviendrait de se pencher un jour prochain sur les droits de la salariée de retour dans l’entreprise. En effet, il résulte de l’article L. 1225-25 et L. 1225-55 du Code du travail qu’à l’issue du congé maternité ou du congé parental d’éducation, ‘la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente’. Des dispositions identiques existent en droit du travail anglais.
Ce droit à réintégration à un poste ‘au moins similaire’ peut-il continuer à recevoir une application effective et concrète à une heure où les organisations d’un service, d’un département ou même de l’entreprise tout entière sont très changeantes dans un monde économique précaire et instable ? En d’autres termes, quelle chance la salariée a-t-elle de retrouver son poste à son retour de congé ? Plus longtemps la salariée aura été absente de l’entreprise, plus fort elle risque de voir son poste remanié, partagé ou déplacé à son retour de congé. Certes, la salariée est protégée par un certain nombre de sanctions pénales et civiles qui frappe impitoyablement l’employeur français récalcitrant. Mais la réalité de l’entreprise demeure.
Une solution d’équité semble s’imposer : l’allongement du congé maternité devrait s’accompagner avec une adaptation des garanties juridiques de réintégration de la salariée au sein de l’entreprise. D’une part, ce serait un gage d’équilibre avec les efforts consentis par l’entreprise qui maintient la rémunération totale de la salariée pendant son absence. D’autre part, ce serait enfin faire preuve de réalisme pratique.
Alain MONKAM
Avocat au Barreau de Paris et de Londres
Certificat de spécialité en droit social - LL.M. in employment law