Par trois récentes jurisprudences, la Cour de cassation approuve trois nouvelles situations ouvrant droit à réparation automatique :
- non-respect du temps de pause quotidien [1] ;
- employeur qui fait travailler un salarié pendant son arrêt maladie [2],
- ou employeur qui fait travailler un salarié durant le congé maternité [3].
Pour rappel, depuis sa jurisprudence du 3 avril 2016, la Haute assemblée a fixé le principe suivant lequel : « l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond » [4].
En clair, le salarié demandant la réparation d’un préjudice, causé par un manquement de l’employeur, doit prouver l’existence de ce préjudice.
Or, l’exigence de la preuve à été assouplie.
C’est ainsi que la Cour régulatrice a reconnu la réparation automatique dans trois cas susvisés, sanctionnant les manquements de l’employeur.
Non respect du temps de pause quotidien.
Le seul constat du non-respect du temps de pause quotidien ouvre droit à réparation.
En effet, pour la Haute assemblée, au visa de l’article L3121-33, alinéa 1, du Code du travail : « dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes ».
Dès lors, « le seul constat du non-respect du temps de pause quotidien ouvre droit à réparation » [5].
En l’espèce, les premiers juges déboutent la salariée de sa demande de dommages-intérêts, estimaient que la salarié n’avait bénéficié d’aucun temps de pause les lundis, travaillant en continu pendant 10h30. Néanmoins, elle ne justifiait du moindre préjudice dès lors qu’elle ne s’était jamais plainte, tout au long de la relation contractuelle, de ne pas avoir pu bénéficier de sa pause de 20 minutes le lundi.
Selon le pourvoi, le seul constat que la salariée avait été privée de tout temps de pause les lundis lui ouvrait droit à réparation, « la cour d’appel a violé l’article L3121-16 du Code du travail, l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, interprétés à la lumière de l’article 4 de la directive n°2003/88/CE du Parlement et du Conseil du 4 novembre 2003 ».
Raisonnement censuré par la Chambre sociale. En vertu de l’article L3121-33, alinéa 1, du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l’article 4 de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 : « dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes. Le seul constat du non-respect du temps de pause quotidien ouvre droit à réparation ».
La seconde circonstance a trait à l’arrêt maladie.
Faire travailler un salarié pendant son arrêt maladie.
Le seul constat du manquement de l’employeur en ce qu’il a fait travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie ouvre droit à réparation.
Au cas d’espèce, la cour d’appel ne fait pas droit à la demande de dommages-intérêts de la salariée, jugeant que, après avoir constaté que l’employeur avait manqué à ses obligations en faisant venir la salariée trois fois pendant son arrêt maladie de 2014-2015 pour accomplir ponctuellement et sur une durée limitée une tâche professionnelle, retient que l’intéressée ne démontre aucun préjudice spécifique en découlant et se contente d’indiquer à tort que le manquement de l’employeur occasionne nécessairement un préjudice.
De nouveau, l’arrêt d’appel est cassé par la Haute cour. En application des articles L4121-1, L4121-2 et L4121-4 du Code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, le second dans sa rédaction antérieure à la loi n° 1088-2016 du 8 août 2016, interprétés à la lumière des articles 5 et 6 de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 : « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Lorsqu’il confie des tâches à un travailleur, l’employeur doit prendre en considération les capacités de ce travailleur en matière de sécurité et de santé. Le seul constat du manquement de l’employeur en ce qu’il a fait travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie ouvre droit à réparation, la cour d’appel a violé les textes susvisés » [6].
En substance, le manquement à l’obligation de sécurité et la protection de la santé physique et mentale du salarié, donne lieu à une réparation automatique, en ce qui concerne l’interdiction de faire travailler un salarié pendant l’arrêt de travail.
Faire travailler un salarié durant le congé maternité.
Suivant la même logique, le seul constat que l’employeur a manqué à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité ouvre droit à réparation.
En application des articles L1225-17, alinéa 1, et L1225-29 Code du travail :
« La salariée a le droit de bénéficier d’un congé de maternité pendant une période qui commence six semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci, et qu’il est interdit d’employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement, ainsi que dans les six semaines qui suivent son accouchement ».
Ainsi, « le seul constat de ce manquement ouvrait droit à réparation » [7].
En somme, ces trois arrêts, publiés au Bulletin, clarifient la portée du droit à réparation, consécutivement aux manquements de l’employeur transgressant des droits protégés du salarié.
Néanmoins, notons que la réparation automatique n’intègre pas le droit à un rappel de salaire en paiement des heures de travail effectuées : « En application de l’article 1231-1 du Code civil, l’exécution d’une prestation de travail pour le compte de l’employeur au cours des périodes pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie, d’accident ou d’un congé de maternité engage la responsabilité de l’employeur et se résout par l’allocation de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice subi » [8].
En somme, au travers de cette évolution notable de la jurisprudence, de nouveaux manquements ouvrent droit à réparation automatique. Ce qui signe l’abandon progressif du principe aux termes duquel, il appartient au salarié demandant réparation du préjudice causé par un manquement d’en rapporter la preuve.
Ainsi donc, lorsque notamment les droits fondamentaux du salarié sont méconnus, il y a nécessairement un préjudice impliquant, de fait, réparation. D’où la dispense, au profit du salarié, de prouver l’existence d’un préjudice.