Le décret du 30 décembre 2019 relatif à la simplification du contentieux de la sécurité sociale. Par Clotilde Michelet, Docteur en droit.

Le décret du 30 décembre 2019 relatif à la simplification du contentieux de la sécurité sociale.

Par Clotilde Michelet, Docteur en droit.

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Le décret n°2019-1506 du 30 décembre 2019 relatif à la simplification du contentieux de la sécurité sociale poursuit la mise en œuvre de la réforme des juridictions sociales.

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Pris en application de la loi nº2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le décret n°2019-1506 du 30 décembre 2019, qui a été publié au journal officiel du 31 décembre, poursuit, en matière de recours préalable obligatoire, la suppression, amorcée dès le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, de la distinction du contentieux technique ou général au profit de la distinction du contentieux médical ou non-médical.

Le décret comporte quatre chapitres. Le premier, objet de la présente note, est intitulé « Dispositions modifiant le code de la sécurité sociale » et comporte cinq articles.

L’article 1 du décret modifie notamment les règles de désignation du médecin expert dans le cadre de l’expertise médicale technique diligentée par la Caisse à la suite d’une contestation d’ordre médical. Le médecin expert n’est plus désigné par accord entre le médecin traitant et le médecin conseil mais par le service du contrôle médical de la caisse. Le médecin traitant peut y faire opposition. Dans ce cas, le médecin expert est désigné par le directeur général de l’Agence régionale de santé. Sont aussi modifiés, les délais de désignation du médecin expert, de communication du dossier et l’examen de l’assuré.

L’article 2 du décret précise notamment les modalités de transmission des données à caractère médical ainsi que les pièces devant figurer au rapport médical transmis au médecin conseil des parties et au médecin ou consultant désigné par la juridiction dans le cadre des articles L142-6 et L142-10 du Code de la sécurité sociale.

L’article 3 du décret allonge la liste des litiges qui ne sont pas soumis à obligation de saisine préalable de la commission de recours amiable en y intégrant les contestations médicales soumises à la commission médicale de recours amiable (C.M.R.A.). Il ramène également à deux le nombre de médecins composant la C.M.R.A.
Il élargit le champ de compétences de la C.M.R.A. en lui conférant la faculté de déléguer l’examen médical de l’assuré à un praticien spécialisé qui lui enverra son rapport, lequel ne s’impose pas à la C.M.R.A.
Enfin, il prévoit des dispositions de coordination pour les recours qui relèvent à la fois de la compétence de la commission de recours amiable et de la compétence de la C.M.R.A.

L’article 4 vise particulièrement la procédure juridictionnelle. Il simplifie considérablement les règles de compétence territoriale puisque désormais seul le tribunal judiciaire du ressort duquel demeure le demandeur est territorialement compétent. Cette disposition ne devrait avoir que peu d’impact car les hypothèses qui dérogeaient à ce principe étaient extrêmement résiduelles.

Il offre également à toute partie à l’instance la faculté de ne pas se présenter à l’audience dès lors qu’elle expose ses moyens par lettre adressée au juge et justifie de ce que la partie adverse en a eu connaissance. Il convient cependant de noter que les parties disposaient déjà de cette faculté par le jeu du renvoi à l’article 446-1 du Code de procédure civile. Compte tenu du public concerné, l’exigence d’un écrit peut être dissuasif et cette faculté est pour l’instant peu mise en œuvre par les parties.

La Maison départementale des personnes handicapées (M.D.P.H.), qui pour l’instant ne se fait pas représenter aux audiences et n’est pas présente, pourrait sans doute se saisir de cette faculté. Il faudrait cependant qu’elle adresse, avant l’audience, ses moyens par écrit au Tribunal ainsi qu’aux assurés et qu’elle en justifie de l’envoi à ces derniers par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cette alternative à la présence à l’audience a déjà été évoquée avec la M.D.P.H. pour laquelle l’envoi par recommandé semble déjà susciter une difficulté.

Le juge conserve la faculté d’ordonner la comparution personnelle des parties. Il convient de prévoir d’ordonner une telle convocation pour les audiences avec expertise à l’audience pour que le contenu du rapport puisse être utilement discuté.

L’article 4 introduit un article R142-10-9 offrant au juge la faculté de décider d’office, à la demande d’une partie ou des médecins présents, que les débats ont lieu ou se poursuivent en chambre du conseil s’il doit résulter de leur publicité une atteinte à l’intimité de la vie privée. Le contentieux M.D.P.H. pourrait être le terrain privilégié de la mise en œuvre de cette dernière disposition compte tenu de la nature des litiges pouvant toucher à l’intimité de la vie privée.

Il réintroduit également dans le code de la sécurité sociale la péremption de l’instance lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans, les diligences expressément mises à leur charge par la juridiction. Elle peut être soulevée d’office par le juge.

Il prévoit enfin la possibilité pour l’expert de décider qu’il n’est pas nécessaire de procéder à l’examen clinique de l’assurer et de statuer sur pièces. Cette possibilité n’est offerte que si le tribunal n’en décide autrement. Il conviendra d’adapter les missions d’expertise pour laisser ouverte cette possibilité qui pourrait permettre de faciliter la mise en œuvre des mesures d’expertise.

Un terme est mis au recours aux experts spécialisés en matière de sécurité sociale. Ils doivent désormais être choisis parmi la liste des experts inscrits sur la liste des Cours d’appel. Il était déjà recouru à cette liste auparavant compte tenu des difficultés à trouver un expert.

En définitive, le décret n°2019-1506 du 30 décembre 2019 relatif à la simplification du contentieux de la sécurité sociale paraît davantage être un texte d’ajustement. Il paraît impacter à la marge le Pôle social du Tribunal judiciaire.

Clotilde Michelet, Docteur en droit.
Docteur en droit privé, Juriste au Pôle social du ressort de la Cour d’appel de Paris.

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