I. Détachement de salariés avant le Brexit (31 janvier 2020).
Pour les détachements intra-Union européenne (incluant jusqu’à il y a peu le Royaume-Uni) l’’employeur devait obtenir le document « A1 » auprès de l’organisme national compétent (en France la caisse primaire d’assurance maladie du siège de l’entreprise, au Royaume-Uni le HM Revenue & Customs).
Ce formulaire devait, dans un premier temps, mentionner une durée de détachement de 24 mois au maximum (le détachement étant sauf cas particuliers possible pour une durée maximale de deux années).
Par la suite (lorsque le détachement se prolongeait au-delà du délai de deux ans), il revenait à l’employeur d’adresser à l’organisme national compétent une demande de maintien d’affiliation au régime habituel de protection sociale, que cet organisme est compétent pour transmettre à l’organisme compétent du lieu d’exécution de la prestation de travail.
Le salarié restait affilié à son régime habituel de protection sociale en cas d’entente des deux organismes nationaux. A défaut, l’employeur devait à la suite du délai de 24 mois cotiser auprès des caisses de protection sociale de l’état dans lequel était effectué le travail.
Il s’agissait des règles applicables entre Etats Membres de l’Union européenne (UE) ou de la Communauté économique européenne (CEE).
La France est néanmoins partie à de nombreux accords bilatéraux (avec des Etats ne faisant partie ni de l’UE ni de la CEE) encadrant ce régime, et prévoyant tous des documents nécessaires et délais maximums de détachement différents.
Pour le cas particulier du détachement d’un salarié d’une entreprise française (ou d’un autre Etat Membre de l’UE ou de la CEE) au Royaume-Uni, ou de celui d’un salarié d’une entreprise du Royaume-Uni en France (ou dans un autre Etat Membre de l’UE ou de la CEE), la situation a néanmoins été amenée à évoluer du fait :
De la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, intervenue le 31 janvier 2020 à minuit (II),
De la fin de la période de transition post-Brexit qui aura lieu le 31 décembre 2020 à minuit (III).
En effet, le Royaume-Uni et l’Union européenne ne sont au 1er décembre 2020 pas parvenus à s’entendre sur un accord devant réglementer les relations entre le Royaume-Uni et le marché commun européen après la fin de la période de transition (post-Brexit).
Aucun accord bilatéral France-Angleterre détachement des salariés n’a non plus été conclu.
Un accord de retrait a néanmoins été trouvé entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Il prévoit les premières modalités de sortie de cet état de l’Union européenne et est applicable jusqu’au 31 décembre 2020 à minuit.
II. Détachement de salariés pendant la période de transition (post-Brexit) (1er février au 31 décembre 2020).
L’accord de retrait prévoit expressément que, pendant la période de transition, la totalité du droit de l’Union, dans l’ensemble des domaines d’action, continuera d’être applicable au Royaume-Uni et sur son territoire (à l’exception des dispositions des traités et des actes qui ne liaient pas le Royaume-Uni et n’étaient pas contraignantes sur son territoire avant l’entrée en vigueur de l’accord de retrait).
La situation reste donc la même pour détacher des salariés : il faut obtenir le document « A1 » auprès de l’organisme national compétent et limiter le détachement à 24 mois.
Les autres règles (documents à présenter, élection d’un représentant, etc.) restent elles aussi applicables.
III. Détachement de salariés après le 31 décembre 2020 (après la période de transition).
Selon l’article 31 de l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne :
« 1. Les règles et les objectifs énoncés par l’Article 48 du TFUE, le règlement (CE) no 883/2004 et le règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil s’appliquent aux personnes couvertes par le présent titre ».
Or le règlement (CE) n°883/2004 est celui qui prévoit la possibilité d’un détachement (à l’aide du formulaire A1) pour une durée maximale de 24 mois, exceptionnellement prolongeable par accord commun.
Les dispositions précédentes continuent donc de s’appliquer aux personnes couvertes par le titre III de l’accord de retrait.
L’Union européenne et le Royaume-Uni ont en effet réussi à s’entendre quant aux droits des (ex-)citoyens de l’UE.
Selon l’article 30 de l’accord de retrait :
« 1. Le présent titre [le Titre III] s’applique aux personnes suivantes :
a) les citoyens de l’Union qui sont soumis à la législation du Royaume-Uni à la fin de la période de transition, ainsi que les membres de leur famille et leurs survivants ;
b) les ressortissants du Royaume-Uni qui sont soumis à la législation d’un État membre à la fin de la période de transition, ainsi que les membres de leur famille et leurs survivants ;
c) les citoyens de l’Union qui résident au Royaume-Uni et sont soumis à la législation d’un État membre à la fin de la période de transition, ainsi que les membres de leur famille et leurs survivants ;
d) les ressortissants du Royaume-Uni qui séjournent dans un État membre et sont soumis à la législation du Royaume-Uni à la fin de la période de transition, ainsi que les membres de leur famille et leurs survivants ;
e) les personnes qui ne relèvent pas des points a) à d), mais qui sont :
i) des citoyens de l’Union qui exercent une activité salariée ou non salariée au Royaume-Uni à la fin de la période de transition et qui, sur la base du titre II du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil (13), sont soumis à la législation d’un État membre, ainsi que les membres de leur famille et leurs survivants ; ou
ii) des ressortissants du Royaume-Uni qui exercent une activité salariée ou non salariée dans un ou plusieurs États membres à la fin de la période de transition et qui, sur la base du titre II du règlement (CE) no 883/2004, sont soumis à la législation du Royaume-Uni, ainsi que les membres de leur famille et leurs survivants ;
(…)
3. Le présent titre s’applique également aux personnes qui ne relèvent pas ou qui ne relèvent plus du paragraphe 1, point a) à e), du présent Article, mais qui relèvent de l’Article 10 du présent accord, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants ».
Or selon l’article 10 de cet accord :
« 1. Sans préjudice du titre III, la présente partie s’applique aux personnes suivantes :
a) les citoyens de l’Union qui ont exercé leur droit de résider au Royaume-Uni conformément au droit de l’Union avant la fin de la période de transition et qui continuent d’y résider par la suite ;
b) les ressortissants du Royaume-Uni qui ont exercé leur droit de résider dans un État membre conformément au droit de l’Union avant la fin de la période de transition et qui continuent d’y résider par la suite ; (…) ».
La plupart des personnes physiques qui pouvaient bénéficier d’un détachement depuis un Etat Membre de l’UE (ou de la CEE) ou du Royaume-Uni, à destination d’un Etat Membre de l’UE (ou de la CEE) ou du Royaume-Uni peuvent donc toujours en bénéficier sous les mêmes conditions, même postérieurement au 31 décembre 2020.
Tel est par ailleurs le cas des citoyens français qui résidaient habituellement au Royaume-Uni et qui souhaitent se faire détacher en France au 31 décembre 2020 (Situation assez répandue en raison du Brexit et des périodes de confinement liées à la Covid 19).
En effet, si de tels ressortissants ne sont pas directement désignés par les articles 30 ou 10 de l’accord de retrait, celui-ci prévoit néanmoins en son article 24 :
« 1. Sous réserve des limitations prévues à l’Article 45, paragraphes 3 et 4, du TFUE [raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique, emplois de l’administration publique], les travailleurs salariés dans l’État d’accueil et les travailleurs frontaliers dans l’État ou les États de travail jouissent des droits garantis par l’Article 45 du TFUE et des droits accordés par le règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil (8). Ces droits sont notamment :
a) le droit de ne pas faire l’objet d’une discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail et d’emploi ;
b) le droit d’accéder à une activité et de l’exercer conformément aux règles applicables aux ressortissants de l’État d’accueil ou de l’État de travail (…) ».
L’absence de bénéfice des dispositions de l’article 31 de cet accord à un citoyen français salarié d’une entreprise du Royaume-Uni qui souhaiterait le détacher en France créerait une discrimination à raison de la nationalité entre ce salarié et un ressortissant du Royaume-Uni ou d’un Etat Membre de l’Union européenne détaché en France par une société du Royaume-Uni.
Ces dispositions lui sont donc applicables.
Ceci est l’état du droit sous réserve de la conclusion avant le 31 décembre 2020 d’un accord devant réglementer les relations entre le Royaume-Uni et le marché commun européen après la fin de la période de transition (peu probable), ou de celle d’un accord bilatéral France-Angleterre sur le détachement de salariés.