Le droit de communication concernant l’accès aux données de connexion (art. 65 quindecies du Code des douanes).

Par Marie-Paule Dionisi-Naudin, Avocat.

Outre le droit de communication général, qui permet aux agents des douanes d’exiger des papiers et documents de toute nature auprès des particuliers et des entreprises (A), les douanes disposent d’un droit de communication spécifique concernant les données de connexion, particulièrement encadré et visiblement non encore applicable à défaut de décret fixant les modalités d’application (B).

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A/ Le droit de communication général (art. 65 du Code des douanes).

Les agents des douanes disposent d’un droit de communication, prévu à l’article 65 du Code des douanes, qui leur permet d’exiger de toutes personnes physiques ou morales, directement ou indirectement intéressées à des opérations régulières ou irrégulières relevant de la compétence du service des douanes, la communication des papiers et documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant leur service, quel qu’en soit le support.

Ce droit n’est pas subordonné à l’existence de soupçons préalables à l’encontre de la personne ciblée ou d’un certain degré de gravité des infractions recherchées. Il est ainsi permis à l’administration des douanes de l’exercer à l’encontre de la personne faisant précisément l’objet de l’enquête douanière comme d’une personne non visée par une telle enquête.

La mise en œuvre du droit de communication tend à le rapprocher d’un pouvoir de visite et de saisie puisqu’il peut aussi bien s’exercer à distance (par correspondance, y compris par voie électronique) que sur place.

Il permet aux agents des douanes de procéder à la saisie ou à la copie des documents de toute nature, propres à faciliter l’accomplissement de leur mission.

Il faut souligner que si le droit de communication permet d’avoir accès à tout document, de toute nature, il ne s’applique en aucun cas aux marchandises elles-mêmes [1], même remises volontairement par son propriétaire [2].

Il ne permet pas davantage d’effectuer des prélèvements d’échantillons de marchandises en vue de les soumettre à une analyse [3].

D’autre part, la saisie faisant suite au droit de communication suppose que le document ait été volontairement remis par son détenteur.

Le caractère volontaire de la remise n’a pas besoin d’être constaté dans le procès-verbal de saisie pour que celui-ci soit valable [4].

Cependant le refus de communication est constitutif d’une opposition à fonction, contravention de cinquième classe prévue à l’article 413 bis du Code des douanes, pouvant s’accompagner d’une astreinte, ce qui tempère le principe selon lequel la communication doit être « volontaire et librement consentie ».

En l’absence de remise volontaire, la saisie forcée s’apparente à une perquisition illégale, susceptible d’entraîner l’annulation du procès-verbal de saisie et de la procédure subséquente.

B/ Le régime spécifique aux données de connexion [5].

Afin de lutter contre la cyberdélinquance, les agents de Cyberdouane dispose d’un droit de communication auprès des acteurs de l’internet, telles que les plates-formes de vente en ligne, de manière à identifier les personnes morales ou physiques se livrant à des pratiques illégales.

Ce droit de communication était initialement prévu au i) du 1° de l’article 65 du code des douanes issue de la loi finances rectificative pour 2016 n° 2016-1918 du 29 décembre 2016.

Par une décision n° 2018-764 QPC du 15 février 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré ce dispositif contraire à la Constitution.

Pour le Conseil, "le législateur n’a pas entouré la procédure prévue par les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre, d’une part, le droit au respect de la vie privée et, d’autre part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions".

Toutefois, considérant que sa décision « méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives », le Conseil a décidé que ces mesures ne pourraient être contestées dans les procédures en cours sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

Au 1er janvier 2019, les dispositions prévues au i) du 1° de l’article 65 du Code des douanes ont été abrogées et remplacées, à compter de la même date, par les dispositions de l’article 65 quindecies du même code.

Ce droit de communication se distingue du droit général de communication par :
- sa finalité limitée à la constatation d’infractions douanières d’une particulière gravité, en l’occurrence les délits prévus aux articles 414, 415 et 459 du Code des douanes (tels que la contrebande de produits stupéfiants ou d’armes, le délit de blanchiment douanier ou la violation d’un embargo financier) ;
- la nécessité pour les agents titulaires de ce droit, ayant au moins le grade de contrôleur des douanes, d’être spécialement habilités par le directeur de leur service d’affectation ;
- l’exigence d’une autorisation préalable du procureur de la République, qui peut être donnée par tout moyen et est mentionnée ou versée au dossier de la procédure ;
- la rédaction d’un procès-verbal de constat relatant la mise en œuvre du droit de communication dont une copie sera transmise au magistrat ayant autorisé le recueil des données ainsi qu’aux opérateurs et prestataires sollicités ;
- la destruction des données obtenues à l’extinction de l’action pour l’application des sanctions fiscales.

L’article 65 quindecies dispose en toute fin : « Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article ».

Il convient de noter qu’à ce jour, ce décret n’a pas encore été pris. Soumis à l’examen du Conseil d’Etat, les dispositions de l’article 65 quindecies ont en effet révélé une difficulté juridique en ce qui concerne la protection des données personnelles [6].

Marie-Paule Dionisi-Naudin
Spécialiste en droit fiscal et droit douanier
www.dionisi-naudin-avocat.fr

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Notes de l'article:

[1CA Paris 15 fev. 1990.

[2Cass. crim. 10 juil. 1995, Bull. crim. n° 25099.

[3Cass. crim. 19 juil. 1995, JCP, p. 1257.

[4Cass. crim., 24 janvier 2001, n°99-87685.

[5Art. 65 quindecies du Code des douanes.

[6Rép. min. à QE n° 19363, JOAN Q. 5 nov. 2019, p. 9752.

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