Les arguments, connus de longue date et abondamment relayés par différents canaux, peuvent être résumés ainsi : les entraves au licenciement, les protections accordées aux travailleurs, la complexité du Code du travail, sans oublier les interventions intempestives du juge, dissuadent les entreprises d’embaucher car elles les empêchent de réagir rapidement face aux fluctuations du marché. Et c’est cela qui favoriserait un chômage de masse persistant.
On assiste ainsi à un changement de rôle du droit du travail dont une des vocations premières était de protéger le salarié, considéré comme plus vulnérable et engagé dans une relation par nature déséquilibrée, en raison du lien de subordination inhérent au contrat de travail.
L’objectif aujourd’hui, c’est l’emploi. Entendu ici comme une finalité chiffrée. Et pour y parvenir, on diminue le statut auquel il donne accès. Il s’agirait, en effet, de la seule façon possible de permettre aux entreprises de recruter davantage et de mettre fin à la segmentation actuelle entre les « insiders », salariés en CDI, et les « outsiders », jeunes, seniors, chômeurs, qui peinent à accéder à un emploi stable.
Mais au fait, est-ce que ça marche ?
L’OCDE étudie de près ces mécanismes à travers des indicateurs mesurant le degré de rigueur de la Législation sur la Protection de l’Emploi (LPE) des pays membres. Pour ce faire, elle analyse l’ensemble des règles relatives à l’embauche et au licenciement en tenant compte de l’ensemble des sources du droit du travail.
Premier enseignement, la législation française n’est pas toujours la plus rigide. Par exemple, en matière de licenciement, l’indice de rigidité est plus élevé en Allemagne qu’en France alors que son taux de chômage est plus bas.
Surtout, ces travaux nous renseignent sur les effets produits par les réformes engagées chez nos voisins en mesurant le niveau de corrélation entre le taux de chômage et la flexibilité du travail. Les études menées depuis 10 ans montrent que l’on ne constate pas de corrélation entre le taux de chômage et la flexibilité du marché du travail. En France, il est constaté que plus la flexibilité du travail est grande, plus le taux de chômage a grimpé. C’est le cas également en Grèce, en Espagne ou au Portugal. Certains pays ont été confrontés à une augmentation de leur taux de chômage alors même que leur indice de rigidité est plus faible qu’en France, c’est le cas notamment de la Finlande et de la Suède.
Olivier Blanchard et Jean Tirol, deux éminents économistes, ont d’ailleurs souligné que l’effet global sur le taux de chômage d’une protection élevée des salariés face au licenciement n’est pas démontré [1].
Pour la littérature existante, la dérégulation du marché du travail, à travers l’assouplissement de la législation, conduit seulement à une augmentation des flux d’entrée et de sortie de l’emploi mais le stock d’emplois à pourvoir, et par là même le niveau de chômage, ne varie pas. Les salariés ont donc plus de chances de trouver un emploi car ils ont plus de risques de le perdre, et les jeunes, catégorie que l’on souhaite accompagner vers l’emploi, risquent au final de prendre l’emploi de leurs parents.
Pourtant c’est en vertu de ce dogme que l’on pense pertinent économiquement de considérer que le licenciement d’un salarié peut être justifié dès lors qu’une entreprise est confrontée à une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, sur 1 trimestre dans une entreprise de moins de 11 salariés, voire 2 trimestres consécutifs dans une entreprise de 11 à 50 salariés.
Pour ces situations, qui traduisent des difficultés réelles mais ponctuelles des entreprises, il est regrettable que le recours au chômage partiel ne soit pas plus mobilisé. Ce dispositif, allié à des négociations sur la baisse de la durée du travail et de la rémunération qui n’ont été que temporaires, a permis à l’Allemagne de contenir la montée du chômage pendant la crise.
Discussions en cours :
Le Code de travail est une aberration qui devrait être supprimée. Le droit des contrats pourvoirait très bien aux relations qui s’instaurent entre celui qui vend sa force de travail et celui qui l’achète temporairement.
En Suisse, ni Code du travail, ni smic, ni 35 heures ; pourtant la paix sociale règne et le chômage est au plus bas.
Vous n’avez rien compris à l’article commenté Amblard puisqu’il est expliqué que faciliter le licenciement ne réduit pas le chômage...
La Suisse n’est pas un exemple avec ses banques qui permettent de frauder des milliards d’impôts. Leur argent est mal acquis.
Bien cordialement.
Hamon, contrairement à ce que vous avancez, je n’ai que trop bien compris l’article. En revanche, vous semblez ne pas avoir saisi mon intervention.
Je suggère à l’auteure et vous-même de vous intéresser de près à l’économie. Il y a bien une relation de cause à effet entre la rigidité juridique du travail et le chômage. Toutefois, il ne s’agit que d’un paramètre qui, pris isolément, ne peut résoudre toutes les difficultés.
D’autres variables interviennent comme : les débouchés anticipés par les chefs d’entreprise, les dépenses publiques et surtout le coût du travail.
Il suffit d’observer les politiques des pays qui affichent un taux de chômage bas pour comprendre que la France cumule toutes les tares pour tuer peu à peu l’emploi (marchand, pas public évidemment)
Cette loi va permettre des embauches par le mécanisme des licenciements facilités, mais elle ne permettra pas la création de nouveaux emplois. De plus imaginer que les employeurs vont plus facilement créer des emplois parce que le licenciement sera facilité c’est donner une image bien négative de l’entreprise. Tous les employeurs vont donc pouvoir sans complexe et légitimement se comporter en despotes ...ça fait peur !!!!!
En Suisse, on respecte le salarié,
En France, on le prend pour un imbécile ; (Le patron, comme la juridiction prudhommale de PARIS), les lois sont bien là mais elles sont méprisées comme les salariés eux même et les "pseudo raisonnements économiques" selon lesquels pouvoir licencier permettent d’embaucher sont une insulte à la raison. C’est tellement pitoyable autant qu’à dire qu’à entendre.
La France doit sortir de ses archaïsmes et apprendre à aimer une fois pour toutes ses salariés, le reste suivra.
Donc, assouplissement=dérégulation=suppression de toute règle, ce qui appliqué au droit du travail signifierait l’abandon de la protection des "travailleurs" livrés aux griffes de leurs employeurs.
les raisons du développement de la délocalisation, de l’externalisation dont le plus récent avatar est "l’ubérisation"
l’insécurité juridique qui peut être fatale aux petites entreprises, notamment dans l’application du droit du travail, face aux aléas des décisions de certains juges qui disent leur droit et non pas le droit.
Ce raisonnement sous-tend effectivement le discours de certaines organisations syndicales et sous partis politiques en recherche de représentativité perdue. Il m’apparait plutôt réducteur, sinon simpliste.
C’est un truisme d’énoncer que la dérégulation ( pour reprendre votre terme ) du droit du travail diminuerait le "stock d’emplois à pourvoir", mais n’est ce pas également dogmatique de laisser penser qu’à contrario le verrouillage dudit droit empêche ce "stock" d’augmenter ?
La réponse se trouve me semble t-il dans l’évolution de la courbe du "stock d’emplois à pourvoir" au cours des dix dernières années.
Il serait intéressant de connaître l’avis des éminents experts et économistes sur
En tant qu’économistes ils ont sûrement appris qu’en matière d’économie, contrairement au domaine du droit, la variable temps est essentielle, et que les difficultés ponctuelles ont vite fait de devenir "définitives". Ceci est bien entendu plus vrai pour les petites entreprises (mais savent-ils ce qu’est une petite entreprise ?)
Le traitement social du chômage, car c’est de cela dont il est question, n’a jamais réussi à développer l’emploi. Il trouve sa justification dans l’atténuation du coût social lié à la perte d’emploi, et doit être pris en charge par l’état et non pas délégué aux entreprises dont ce n’est pas la fonction.
La véritable création d’emploi met en œuvre biens d’autres leviers, et passe par un changement profond des mentalités, des pratiques corporatistes, tout en assurant aux
"travailleurs" une légitime protection.
Mais ceci est un autre débat.
Ce qui fait hésiter également l’entrepreneur ce n’est pas toujours les impossibilités de licencier mais les décisions financières souvent surprenantes des Conseils de Prud’hommes. Un dossier qui peut durer plus de deux ans avec les frais d’avocat et le temps perdu pour une PME. Les grosses entreprises ayant des juristes ces frais sont des frais fixes. Le contrat de travail prévoit les conditions d’embauche pourquoi ne pas prévoir les conditions de sortie dans un cadre légal bien défini. Un patron de PME a d’autres choses à faire que de gérer toutes les "inventions" des négociateurs syndicaux bien souvent inexploitables (exemple le travail à temps partiel pour lesquels les branches ont été obligés de revoir les fameuses 24 heures ....)
Mais il faudrait des négociateurs qui se respectent de part et d’autre et qui en font leur carrière.