La protection de la santé et de la sécurité au travail a été un élément fondateur pour l’édification du droit du travail. En effet, pour parer une révolution industrielle trop brusque, des lois sont tout d’abord venues prohiber le travail des enfants de moins de 8 ans, puis ont réglementé le travail des femmes et des enfants de moins de 18 ans. Peu après, la loi du 12 juin 1893 posait les premières règles de protection collective dans l’industrie. Au fil du temps, le dispositif de prévention s’est amélioré, notamment sous l’impulsion du droit européen.
Le chef d’entreprise se trouve au cœur de cette réglementation en raison du pouvoir de direction qu’il exerce. Il est ainsi responsable de la préservation de la sécurité et de la santé, physique ou morale, des travailleurs placés sous son autorité, préservation qui passe par la mise en œuvre de mesures de sécurité concrètes, mesures qui, si elles ne sont pas accomplies, viendront alors engager la responsabilité du chef d’entreprise.
I) les mesures de sécurité mises en œuvre par le chef d’entreprise :
L’employeur est tenu en vertu de l’obligation générale de sécurité qui lui incombe, d’évaluer les risques éventuels et de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés de son entreprise.
A cette fin, en application des articles L 4121-1 à 3 et R 41216-1 et 2 du code du travail, il doit élaborer et tenir à jour un document unique d’évaluation des risques qui recense l’ensemble des risques pour la santé et la sécurité du personnel dans l’entreprise. Cette opération d’évaluation consistera alors pour l’employeur à établir un « inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement ».
Une fois ce document établi, le chef d’entreprise doit mettre en place les mesures concrètes répondant à ces risques. Ces mesures sont diverses et variées et peuvent concerner aussi bien la sécurité et la santé physique des salariés que la santé mentale de ces derniers.
La sécurité physique des salariés :
Des mesures peuvent être mises en place lorsque les conditions de travail l’exigent ou bien encore lorsque cela découle de l’environnement de travail.
En effet, depuis le 1er février 2007, il est interdit de fumer dans l’ensemble de l’entreprise, y compris dans les bureaux individuels. Seule exception au principe, l’aménagement d’un local fumeur qui doit répondre à des normes techniques très contraignantes. En cas de non respect de cette interdiction, l’employeur pourra être sanctionné dès lors qu’il :
Aura mis en place des emplacements fumeurs non conformes
N’aura pas mis en place la signalisation prévue
Aura favorisé sciemment le non-respect de cette interdiction
De même, en présence de zones de danger, l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour que seuls les salariés autorisés puissent accéder aux zones de danger. De plus, des mesures appropriées devront être prises pour protéger ces salariés.
La sécurité mentale des salariés :
En 2002, dans le cadre de la loi de modernisation sociale, la lutte contre le harcèlement sexuel a été renforcée par l’aménagement d’un dispositif préventif et la notion de harcèlement moral a fait son apparition dans notre code du travail.
Juridiquement, il y a harcèlement sexuel lorsqu’une personne fait subir à un salarié ou à un candidat à l’embauche des contraintes ou pressions en vue d’obtenir des faveurs de nature sexuelle. Les victimes ou témoins de tels actes bénéficient alors d’une protection.
Outre le harcèlement sexuel, la loi envisage également le harcèlement moral. Le harcèlement moral a toujours existé mais sa dénomination juridique est récente. Le législateur est intervenu en janvier 2002 en introduisant la notion de harcèlement moral dans le code du travail et sa répression dans le code pénal. Cette situation est alors définie comme étant « des agissements répétés à l’encontre des salariés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Contrairement au harcèlement sexuel, le harcèlement moral nécessite des agissements répétés, le distinguant alors des situations de stress ou des dysfonctionnements ponctuels de l’entreprise. Ainsi une Cour d’appel qui a constaté qu’une salariée avait fait l’objet d’un retrait sans motif de son téléphone à usage professionnel, de l’instauration d’une obligation nouvelle et sans justification de se présenter tous les matins au bureau de sa supérieur hiérarchique, de l’attribution de tâches sans rapport avec ses fonctions, faits générateurs d’un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail, a par une appréciation souveraine, estimé que la conjonction et la répétition de ces faits constituaient un harcèlement moral.
Toutefois, comme pour le harcèlement sexuel, le harcèlement moral ne nécessite aucun rapport d’autorité hiérarchique. Ainsi, les agissements de harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel, peuvent être le fait de toute personne dans l’entreprise, collègues, subordonnés…
Face à ses situations de harcèlement, l’employeur en vertu de l’obligation de sécurité qui le lie à son salarié par le contrat de travail, se doit de réagir.
Il doit en outre accompagner la personne harcelée, mener un entretien avec la victime et l’agresseur, et si nécessaire, prendre une sanction disciplinaire à l’encontre de la personne coupable de harcèlement.
Au-delà de la mise en place de mesures concrètes pour protéger la santé physique et mentale des salariés, un travail d’information et de formation des salariés doit être réalisé en amont, pour donner entière efficacité aux mesures mises en place.
Cette information passe avant tout par la mise en place d’un règlement intérieur dont les dispositions porteront notamment sur la réglementation en matière de sécurité et de santé dans l’entreprise et les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer au rétablissement des conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité dès qu’elles apparaîtraient compromises (article L 1321-1 al 1 et 2 du code du travail.)
Cette information passe également par la mise à disposition aux salariés du document unique d’évaluation des risques professionnels.
Pour plus d’efficacité, elle doit être complétée par une formation pratique et appropriée du salarié aux risques auxquels il est exposé (article L 4141-2 du code du travail).
II) la responsabilité du chef d’entreprise en matière de sécurité et de santé :
La responsabilité de l’employeur à l’égard de la santé et de la sécurité des salariés relève de deux mécanismes distincts : la responsabilité pénale d’une part, et la responsabilité civile d’autre part.
La responsabilité pénale du chef d’entreprise :
La responsabilité pénale est un mécanisme de répression qui vise à punir l’auteur d’une infraction. En matière de sécurité au travail, les principales infractions sont définies par le code du travail et les textes pris pour son application ; ou par le code pénal, pour ce qui concerne les infractions d’atteintes involontaires aux personnes.
Les infractions définies par le code pénal :
Le code pénal prévoit différentes infractions d’atteinte involontaire aux personnes telles que le délit d’homicide involontaire, le délit de violences involontaires ou bien encore le délit de mise en danger d’autrui qui réprime toute « violation manifestement délibérée qui expose autrui à un risque de mort ou de blessures pouvant entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ».
Pour chacune de ces infractions, la responsabilité du chef d’entreprise pourra être recherchée, sachant que les peines prévues sont aggravées si les dommages trouvent leur origine dans un manquement délibéré aux règles de sécurité.
Les infractions définies par le code du travail :
Ces infractions, qui sont le fait du non respect de la réglementation en matière de santé et de sécurité sont diverses.
Il peut s’agir par exemple de l’absence de formation à la sécurité que l’employeur doit dispenser à tout salarié.
Toutefois, le chef d’entreprise ne peut assumer seul la conduite d’une entreprise, il se doit de déléguer une partie de son travail. Cette délégation permettra alors au chef d’entreprise de s’exonérer de toute responsabilité pénale. Dans ce cas précis, pour que la délégation puisse avoir des effets, il faudra alors vérifier que la personne qui a reçue délégation soit pourvue de la compétence, des moyens et de l’autorité nécessaire pour veiller efficacement à l’observation des dispositions protectrices de la sécurité des travailleurs.
La responsabilité civile du chef d’entreprise :
La responsabilité civile est un mécanisme de droit commun de réparation permettant l’indemnisation de la victime d’un dommage. Toutefois ce régime s’avère être spécifique en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
En effet, ce dernier, crée en 1898, pose le principe d’une responsabilité pour risque de l’employeur, et non pour faute.
Tout salarié victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle bénéficie donc automatiquement d’une indemnisation forfaitaire qui est lui est directement versée par sa caisse primaire d’assurance maladie, sans qu’une quelconque faute de l’employeur ne soit recherchée.
Toutefois, le code de la sécurité sociale prévoit une possibilité d’indemnisation complémentaire du salarié, dans le cas où il existe une faute inexcusable de l’employeur.
La faute inexcusable est caractérisée par les critères retenus par la chambre sociale de la cour de cassation à l’occasion d’une série d’arrêts rendus le 28 février 2002. Constitue une faute « tout manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu envers le salarié, en vertu du contrat de travail qui les unit. »
Ce manquement a le caractère d’une faute inexcusable « lorsque l’employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. ».
L’employeur doit donc faire preuve d’une vigilance constante en matière de santé et de sécurité de ses salariés, si il ne veut pas voir sa responsabilité, pénale ou civile, mise en œuvre.
Fabien KOVAC