L’employeur peut valablement prendre l’initiative de proposer une rupture conventionnelle au salarié.

Par Marie-Paule Richard-Descamps, Avocat.

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Explorer : # rupture conventionnelle # consentement vicié # pression de l'employeur # statuts protecteurs

L’employeur peut valablement prendre l’initiative de proposer une rupture conventionnelle au salarié.
Irrecevabilité d’un syndicat dans son action volontaire : le litige relatif à la rupture conventionnelle ne porte pas atteinte à l’intérêt collectif de la profession.

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Le contentieux de la rupture conventionnelle est très abondant depuis quelques mois et se focalise plus particulièrement sur les vices du consentement et la possibilité de conclure un accord de rupture conventionnelle avec certains salariés bénéficiant de statuts protecteurs tels que la maternité, l’accident du travail, la maladie professionnelle ou encore un mandat de représentant du personnel ou autres.

La Cour de cassation a admis la validité d’une rupture conventionnelle homologuée conclue dans un contexte conflictuel pour autant que le salarié n’a subi aucune pression, menace ou contrainte (morale ou économique) et que son consentement n’est pas vicié. (Cass. soc. 23 mai 2013 n°12-13865) :

« Mais attendu que, si l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties ;
Et attendu qu’après avoir relevé que l’employeur avait menacé la salariée de voir ternir la poursuite de son parcours professionnel en raison des erreurs et manquements de sa part justifiant un licenciement et l’avait incitée, par une pression, à choisir la voie de la rupture conventionnelle, la cour d’appel qui, exerçant son pouvoir souverain d’appréciation, a fait ressortir que le consentement de la salariée avait été vicié, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.
 »

Dans un arrêt rendu le 15 janvier 2014, la Haute Cour casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 13 juin 2012 (donc avant l’arrêt du 23 mai 2013 ) au visa de l’article L. 1237-11 du Code du travail (créé par la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5) qui dispose que :
«  L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
 »

Pour la première fois, à notre connaissance, cette décision admet que l’employeur puisse prendre l’initiative de proposer une rupture conventionnelle au salarié, pour autant que celle-ci intervient en l’absence de menaces ou pressions en vue d’obtenir sa signature. (Cass. soc. 15 janvier 2014 n°12-23942)

La solution est logique dès lors que l’article précité précise que l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail, sans en limiter l’initiative au seul salarié.

En l’espèce, le salarié, peintre automobile, avait conclu avec son employeur une convention de rupture du contrat de travail, homologuée par l’autorité administrative le 22 décembre 2009. Il avait, ensuite, saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes.

« Attendu que pour faire droit à la demande du salarié de requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient qu’il existait un différend entre les parties sur l’exécution du contrat de travail, l’employeur ayant infligé au salarié deux avertissements en raison, selon lui, de la mauvaise qualité de son travail six mois et trois mois avant l’établissement de la convention de rupture et ayant formulé de nouveaux reproches à l’encontre du salarié sur l’exécution des tâches qui lui étaient confiées avant de le convoquer à deux entretiens aux fins d’évoquer l’éventualité d’une rupture conventionnelle du contrat de travail et de définir les termes de la convention de rupture ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
 »

Ainsi donc l’employeur peut valablement prendre l’initiative de convoquer un salarié à un ou plusieurs entretiens en vue d’évoquer l’éventualité d’une rupture conventionnelle du contrat de travail et de définir les termes de la convention de rupture ; peu important l’existence d’un différend au moment de la signature de l’accord de rupture conventionnelle.

Par ailleurs, la Cour de cassation, au visa l’article L. 2132-3 du Code du travail, considère, dans cette affaire, qu’un syndicat n’est pas recevable dans son action s’agissant d’un litige portant sur une rupture conventionnelle car il ne porte pas en lui-même atteinte à l’intérêt collectif de la profession.

Ce texte prévoit, en effet, que :
« Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.
Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
 »

La Cour a estimé, en la matière, qu’il n’y avait pas atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
« Attendu que pour condamner l’employeur à verser à l’union locale CGT de Rambouillet une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l’arrêt retient que le syndicat, qui n’a pas signé l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008 créant la rupture conventionnelle, est recevable à intervenir pour obtenir réparation du préjudice subi par l’intérêt collectif de la profession qu’il représente en raison de la violation par l’employeur des dispositions du code du travail relatives à ce mode de rupture ;
Attendu cependant que le litige relatif à la rupture conventionnelle du contrat de travail d’un salarié ne porte pas en lui-même atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
 »

Marie-Paule Richard-Descamps
Avocat spécialiste en droit du travail
Présidente de la Commission sociale du Barreau des Hauts de Seine
https://www.cabinetrichard-descampsavocat.fr

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