1/ Entretien d’évaluation et entretien professionnel.
En application de son pouvoir de direction, l’employeur a la faculté d’évaluer le travail de ses salariés [1].
Les dispositifs d’évaluation doivent reposer sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie [2].
L’entretien d’évaluation ne doit pas être confondu avec l’entretien professionnel.
En effet, ce dernier constitue un rendez-vous obligatoire entre le salarié et l’employeur, à échéance bisannuelle, destiné à envisager les perspectives d’évolution professionnelle du salarié et les formations qui peuvent y contribuer.
Le Code du travail prévoit qu’à l’occasion de son embauche, le salarié doit être informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur « consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi » [3].
Le texte précise expressément que l’entretien professionnel ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié.
Dans un arrêt du 5 juillet 2023 [4], la Cour de cassation a jugé que les dispositions de l’article L6315-1, I du Code du travail ne s’opposent pas à la tenue à la même date de l’entretien d’évaluation et de l’entretien professionnel pourvu que, lors de ce dernier, les questions d’évaluation ne soient pas évoquées.
2/ Modalités de l’entretien d’évaluation.
L’évaluation peut être imposée à l’employeur par la convention collective applicable.
Dans ce cas, ce dernier doit respecter les dispositions prévues (entretien d’évaluation obligatoire, périodicité imposée, contenu déterminé, etc.) sous peine d’indemnisation des salariés.
En toute hypothèse, les méthodes et techniques d’évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie [5].
Un système d’évaluation reposant sur un classement des salariés en fonction de quotas préétablis impératifs (« forced ranking ») est illicite [6].
Si le « benchmark », outil de management fondé sur la performance des salariés, est licite, ses modalités d’application dans l’entreprise ne doivent pas être source de souffrance au travail mettant les salariés en concurrence perpétuelle [7].
Par ailleurs, est licite le dispositif comportant une autoévaluation par le salarié de ses propres performances professionnelles [8].
L’employeur peut demander aux salariés des renseignements les concernant personnellement si ceux- ci présentent un lien direct et nécessaire avec le travail, et les salariés sont tenus de fournir ces informations de bonne foi.
Des données personnelles peuvent être collectées dans le cadre de l’évaluation du salarié, si le dispositif a été porté préalablement à sa connaissance.
Si les données personnelles collectées sont enregistrées dans un fichier informatique, elles sont protégées dans le cadre du règlement général de protection des données (RGPD).
De son côté, le salarié ne peut pas refuser d’être évalué par l’employeur, s’il a préalablement été informé des méthodes et techniques d’évaluation professionnelles utilisées dans l’entreprise.
Le salarié a le droit de consulter les résultats de son évaluation et d’en demander une copie [9].
Ces résultats sont confidentiels (seul le salarié concerné peut en avoir connaissance) [10].
Pour la CNIL, les supérieurs hiérarchiques peuvent néanmoins accéder aux données d’évaluation des salariés dont ils sont responsables [11].
3/ Conditions de mise en place du système d’évaluation.
Avant de mettre en œuvre un dispositif d’évaluation, l’employeur doit consulter le CSE [12].
Le défaut de consultation constitue un trouble manifestement illicite justifiant la suspension en référé du dispositif [13].
En outre, les méthodes et techniques utilisées pour l’évaluation ou le recueil des informations doivent être portées préalablement à la connaissance des salariés.
En effet, « le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’évaluation professionnelles mises en œuvre à son égard » [14].
4/ Formalisation de l’entretien d’évaluation.
Généralement, l’évaluation prend la forme d’un entretien annuel entre le salarié et son supérieur hiérarchique, afin de faire le point sur le travail accompli et la réalisation des objectifs.
Une grille d’appréciation peut servir de support à l’entretien.
Elle comporte généralement des critères permettant de mesurer l’adéquation des aptitudes professionnelles du salarié à l’exigence du poste.
L’employeur n’est pas contraint de remettre un compte-rendu écrit au salarié, sauf si la convention collective le prévoit.
Il est toutefois recommandé d’établir et de remettre un compte-rendu écrit à l’intéressé.
En effet, ce document peut être utile et constituer une preuve en cas de contentieux, notamment (à la suite d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, à titre d’exemple).
Si un compte-rendu lui est remis, le salarié n’est pas obligé de le signer.
En effet, le refus par un salarié de signer le compte rendu de son entretien annuel d’évaluation et la manifestation de son désaccord avec les observations qui lui ont été faites ne sont pas fautifs et ne justifient ni une mise à pied [15] ni un licenciement [16].
Enfin, le salarié n’est pas en droit d’être assisté par un représentant du personnel pendant l’entretien d’évaluation, sauf dispositions conventionnelles contraires.
5/ Suites et conséquences de l’entretien d’évaluation.
L’employeur peut proposer, s’il le souhaite, une augmentation de la rémunération ou une promotion, en cas d’évaluation positive.
Attention : une ou plusieurs mauvaises évaluations (par exemple, non réalisation des objectifs) ne permettent pas à l’employeur de rétrograder le salarié, ni de baisser sa rémunération sans son accord.
De même, une ou plusieurs mauvaises évaluations ne suffisent pas, à elles seules, à justifier un licenciement.
Cependant, elles peuvent constituer un élément (parmi d’autres) pouvant justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle.
Enfin, en cas de licenciement économique, l’employeur peut s’appuyer sur les résultats de l’évaluation professionnelle des salariés [17] parmi les critères d’ordre visés à l’article L1233-5 du Code du travail.