L'état de calamité naturelle exceptionnelle déclaré à Mayotte : quelles conséquences ? Par Patrick Lingibé, Avocat.

Extrait de : Jurisguyane

L’état de calamité naturelle exceptionnelle déclaré à Mayotte : quelles conséquences ?

Par Patrick Lingibé, Avocat.

1532 lectures 1re Parution: 5  /5

Ce que vous allez lire ici :

Le ministre des Outre-mer a déclaré l'état de calamité naturelle exceptionnelle à Mayotte, suite au cyclone Chido. Cette décision, valable un mois (renouvelable), permet de mobiliser rapidement les ressources de l'État et d'accélérer l'aide aux sinistrés, facilitant ainsi les démarches d'indemnisation des victimes.
Description rédigée par l'IA du Village

Cet article commente le décret n° 2024-1184 du 18 décembre 2024 déclarant l’état de calamité naturelle exceptionnelle à Mayotte.

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Par un décret n° 2024-1184 du 18 décembre 2024, publié au Journal Officiel du jeudi 19 décembre 2024, le ministre auprès du premier ministre chargé des Outre-mer a déclaré l’état de calamité naturelle exceptionnelle à Mayotte.

Ce texte intervient sur la base de deux dispositions juridiques : l’une d’ordre constitutionnel, l’autre d’ordre législatif.

Le premier résulte de l’article 72-3 de la Constitution qui dispose :

« La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité.
La Guadeloupe la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis-et-Futuna et la Polynésie française sont régis par l’article 73 pour les départements et les régions d’outre-mer et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l’article 73, et par l’article 74 pour les autres collectivités.
Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII.
La loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton
 ».

Il est rappelé que Mayotte [1] est devenue par la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte une collectivité territoriale qui prend le nom de « collectivité départementale de Mayotte ».

Elle partage par principe le régime dit de l’identité législative qui veut que les lois et règlements adoptées dans l’hexagone sont applicables de plein droit, sauf dispositions contraires, même si l’application de la départementalisation rencontre des retards conséquents sur l’île.

Le deuxième a trait à l’article 239 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale qui dispose :

« I. - L’état de calamité naturelle exceptionnelle peut être déclaré par décret dans une collectivité mentionnée à l’article 72-3 de la Constitution lorsqu’un aléa naturel d’une ampleur exceptionnelle a des conséquences de nature à gravement compromettre le fonctionnement des institutions et présentant un danger grave et imminent pour l’ordre public, la sécurité des populations, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la santé publique.
II. - Le décret mentionné au I du présent article détermine les parties de territoire auxquelles l’état de calamité naturelle exceptionnelle s’applique ainsi que sa durée, qui ne peut excéder un mois.
Il peut être renouvelé dans les mêmes formes par période de deux mois au plus, si les conditions mentionnées au même I continuent d’être réunies.
La déclaration de l’état de calamité naturelle exceptionnelle ne fait pas obstacle au déclenchement de la procédure de constatation de l’état de catastrophe naturelle mentionné à l’article L125-1 du Code des assurances.
Dans un délai de six mois à compter de la fin de l’état de calamité naturelle exceptionnelle, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur sa mise en œuvre. Ce rapport énumère notamment les dispositions prises sur le fondement du décret mentionné au I du présent article, fait état de toutes les difficultés observées à l’occasion de sa mise en œuvre et évalue son efficacité.
III. - La déclaration de l’état de calamité naturelle exceptionnelle permet de présumer la condition de force majeure ou d’urgence pour l’application des dispositions légales et réglementaires nationales mises en œuvre par les autorités publiques pour rétablir le fonctionnement normal des institutions, l’ordre public, la sécurité des populations et l’approvisionnement en biens de première nécessité ainsi que pour mettre fin aux atteintes à la santé publique.
IV. - Sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, la déclaration de l’état de calamité naturelle exceptionnelle a pour effet de suspendre, jusqu’au terme de celui-ci, les délais fixés par les lois et règlements nationaux à l’issue desquels une décision, un accord, un agrément ou un avis relevant de la compétence des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs ainsi que des organismes et personnes de droit public et privé chargés d’une mission de service public, y compris les organismes de Sécurité sociale, peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement, lorsque ces délais n’ont pas expiré avant la date d’entrée en vigueur du décret prévu au I.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période de l’état de calamité naturelle exceptionnelle est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.
V. - Le présent article est applicable à titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi.
L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation au plus tard six mois avant son terme.
VI. - Le présent article s’applique sans préjudice du 29° de l’article 91 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ni du 5° du III de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
 ».

Pour l’application du IV du présent article en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie :
1° Les mots : « des collectivités territoriales » sont remplacés par les mots : « des communes ou de leurs groupements ».
2° Les mots : « y compris les organismes de Sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « relevant de la compétence de l’Etat, des communes ou de leurs groupements ».

L’état de calamité naturelle exceptionnelle est donc un dispositif juridique qui peut être déclaré en cas de catastrophe naturelle d’une ampleur particulièrement grave.

Il s’agit donc d’une situation de crise provoquée par un événement naturel d’une intensité anormale (cyclone, inondation, séisme, etc.) causant des dommages importants, ce qui a été le cas du cyclone Chido qui a tout détruit sur l’île mahoraise.

L’état de calamité naturelle exceptionnelle est déclaré par décret en Conseil des ministres, sur proposition généralement du ministre chargé de la sécurité civile. Dans le cas présent, c’est le ministre en charge des Outre-mer qui l’a déclenché dans la mesure où ce dernier dispose de compétences particulières qui relèvent ordinairement d’autres ministres lorsqu’il s’agit de régler de questions régaliennes spécifiques se posant en outre-mer.

Cette déclaration est nécessairement limitée dans le temps et dans l’espace, généralement pour une durée maximale d’un mois, renouvelable. En l’espèce, l’article 1er du décret prévoit que l’état de calamité naturelle exceptionnelle est déclaré à compter du jeudi 19 décembre 2024, à zéro heure, sur l’ensemble du territoire du Département de Mayotte, pour une durée d’un mois.

La déclaration de cet état de calamité naturelle exceptionnelle entraîne plusieurs effets plus forts que l’état de catastrophe naturelle durant cette période d’un mois :

  • la mobilisation exceptionnelle des moyens de l’État et des collectivités territoriales, notamment au niveau des communes et des maires qui sont au premier chef concerné par les catastrophes naturelles
  • la possibilité de réquisitionner des biens et services afin de permettre de faire face aux conséquences du cyclone Chido
  • la mise en place de mesures d’aide d’urgence aux sinistrés
  • les dérogations possibles à certaines procédures administratives afin d’apporter des réponses rapides aux situations provoquées par le cyclone Chido.

Comme l’indique l’article 239 précité de la loi 3 D S la déclaration de l’état de calamité naturelle exceptionnelle permet de présumer la condition de force majeure ou d’urgence pour l’application des dispositions légales et réglementaires nationales mises en œuvre par les autorités publiques pour rétablir le fonctionnement normal des institutions, l’ordre public, la sécurité des populations et l’approvisionnement en biens de première nécessité ainsi que pour mettre fin aux atteintes à la santé publique.

Le Gouvernement devra remettre au Parlement dans un délai de six mois à compter de la fin de l’état de calamité naturelle exceptionnelle, un rapport sur sa mise en œuvre.

Plus précisément, ce rapport doit notamment :

  • énumérer les dispositions prises sur le fondement du décret portant déclaration de l’état de calamité naturelle
  • mentionner toutes les difficultés observées à l’occasion de sa mise en œuvre
  • évaluer l’efficacité du dispositif mis en place.

Concernant l’indemnisation, l’état de calamité naturelle exceptionnelle, permet de faciliter l’indemnisation des victimes par les assurances, en accélérant les procédures auprès des compagnies.

Cependant, cette indemnisation suppose qu’une évaluation soit faite par un expert délégué par l’assureur et que les conditions de son intervention soit possible dans un temps particulièrement contraint.

Cela suppose également que les personnes qui demandent l’indemnisation soient assurées, ce qui n’est pas le cas malheureusement pour la majorité des habitants de Mayotte.

C’est pour cela que les dons et aides [2] ouverts notamment par des organismes d’intérêt général ne seront pas de trop pour un territoire français, dont 77% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté nationale.

Patrick Lingibé
Membre du Conseil National des barreaux
Ancien vice-président de la Conférence des bâtonniers de France
Avocat associé Cabinet Jurisguyane
Spécialiste en droit public
Diplômé en droit routier
Médiateur Professionnel
Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM)
www.jurisguyane.com

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