Un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat et de diverses demandes.
Il a été débouté en appel de sa demande d’indemnité de sujétion au motif qu’il ne démontre pas que l’employeur n’a pas mis de bureau à sa disposition et ne communique aucun élément probant démontrant, pour la période non prescrite, qu’il travaillait à son domicile.
Le salarié forme un pourvoi en cassation et soutient qu’il appartenait à l’employeur de démontrer qu’il avait effectivement mis à disposition du salarié un local professionnel pour les besoins de son activité professionnelle, quand bien même l’essentiel de son activité s’exerçait à l’extérieur de l’entreprise par la visite des clients.
La Cour de cassation devait donc examiner les conditions de l’octroi de l’indemnité d’occupation due au salarié à défaut pour l’employeur d’avoir apporté la démonstration de la mise à disposition effective d’un local professionnel au salarié pour y exercer son activité.
En premier lieu est visé l’article 1315 du Code civil en vertu duquel celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En deuxième lieu, la Cour de cassation rappelle qu’en application de l’article L1121-1 du Code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
En dernier lieu, l’article L1221-1 du Code du travail est visé : le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et qu’il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.
La Cour de cassation rappelle ensuite la règle selon laquelle
« l’occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée du salarié et n’entre pas dans l’économie générale du contrat et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition ».
Ce principe avait été clairement édicté dans un arrêt de principe du 12 décembre 2012 :
« le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition » (Cass. Soc., 12 décembre 2012, n° 11-20.502).
Le cadre étant posé, il convenait pour la Cour de cassation d’en examiner l’application concrète au regard de la question suivante : à qui revient la charge de la preuve de la mise à disposition effective au salarié du local professionnel pour l’exercice de son activité ?
Pour rejeter la demande du salarié tendant au paiement d’une indemnité pour occupation du domicile, l’arrêt d’appel a retenu que le contrat de travail fixe le lieu d’activité du salarié au siège de la société et que le salarié ne démontre pas que l’employeur n’a pas mis de bureau à sa disposition et ne communique aucun élément probant démontrant qu’il travaillait à son domicile.
En d’autres termes, la cour d’appel faisait reposer la charge de la preuve de la mise à disposition du bureau au salarié qui, en l’occurrence, ne parvient pas à démontrer qu’il travaillait effectivement à son domicile.
L’arrêt d’appel a ajouté que la demande de l’employeur de souscription d’une ligne ADSL, aux frais de l’entreprise, afin d’améliorer la fluidité des échanges de données est insuffisante à rapporter cette preuve, alors que l’essentiel de l’activité du salarié s’exerçait à l’extérieur de l’entreprise par la visite des clients, que si le versement au profit des commerciaux d’une indemnité d’occupation du domicile pour usage professionnel a effectivement été évoqué par les délégués du personnel lors d’une réunion, il n’est pas justifié que la demande ait été acceptée par l’employeur.
Enfin, l’arrêt d’appel a relevé que le quantum de la demande n’est justifié par aucune pièce probante, le salarié se contentant d’affirmer qu’il a aménagé à son domicile une pièce de 10 m² consacrée à son activité professionnelle et qu’il a dépensé 10 euros par mois d’électricité, sans le démontrer.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en ce qu’il a rejeté la demande du salarié en paiement d’une indemnité pour occupation du domicile.
La solution retenue est claire : il incombe à l’employeur, qui conteste devoir une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles, de démontrer avoir mis effectivement à la disposition du salarié un local professionnel pour y exercer son activité.
À défaut d’un tel local mis à disposition, il appartient au juge d’évaluer le montant de l’indemnité d’occupation due de ce chef au salarié.
Inversement, aucune indemnité n’est due au salarié s’il demande à travailler à domicile alors qu’un local professionnel est effectivement mis à sa disposition par l’employeur (Cass. Soc., 4 décembre 2013, n° 12-19.667).
Il faut donc retenir que la charge de la preuve de la mise à disposition du local professionnel permettant de déterminer l’octroi d’une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles repose sur l’employeur et non le salarié.