Les apports américain et européen au droit de la concurrence.

Par François Campagnola, Juriste.

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La relation entre les droits de la concurrence respectivement américain et européen est autant une affaire de filiation que de confrontation.

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Au plan diachronique, le droit européen a initialement puisé dans le droit américain ses principes et ses méthodes.
Au plan synchronique, les deux droits divergent toutefois par la place qu’ils donnent à l’économie et au juridique et, partant de là à la loi du marché et au politique.
Le droit américain est en effet résolument tourné vers le marché et donne une place considérable à l’approche économique du fait concurrentiel là où le droit européen inspiré par l’ordolibéralisme allemand prône l’équilibre concurrentiel et le primat du juridique sur l’économique.
Il en ressort que les fondamentaux doctrinaux sont différents et influent fortement sur les pratiques du droit de la concurrence.

Même si la tendance est au rapprochement, il en est notamment ainsi dans la confrontation qui s’opère entre interdiction per se et Rule of reason qui traite les cas d’espèce économiquement in situ. Au delà, les deux droits divergent également en raison de la divergences de leurs sources économiques et juridiques.

I) Les apports américains au développement du droit de la concurrence.

Deux facteurs caractérisent le droit américain de la concurrence qui sont les emprises, respectivement, de la common law et de la pensée économique.
Le droit de la concurrence moderne est né aux Etats-Unis avec le Sherman Act et le Clayton Act qui bouleverse l’ordre de la common law mais n’en restent pas moins tributaires. En outre, parce qu’il est profondément imprégné de loi du marché, le droit américain de la concurrence est puissamment déterminé par les débats économiques qui l’anime. Aussi, son évolution est-elle intimement associée à celle de la doctrine économique.

1) L’impact de la pratique concurrentielle des autorités américaines.

Lorsqu’en 1890 le sénateur Sherman posa la première pierre d’une loi moderne sur la concurrence, il déclara ne pas promouvoir un nouveau principe de droit, mais appliquer des principes de Common law bien établis.
Il en est ainsi parce que la Common law a très longtemps été la première source juridique du droit appliqué à la concurrence.
Dans l’Angleterre féodale, un système complexe de guildes réglementait en effet les relations entre maître, compagnon et apprentis dans lesquelles les périodes de service et les prix étaient définis par le droit coutumier.
Dans le contexte de son adaptation à l’industrialisation du XIXème siècle, le rappel de cette filiation apparut probablement d’autant plus nécessaire que le droit commun des restrictions commerciales était alors ambiguë et encore très instable.
Sur le fond, il s’est agi de pouvoir distinguer les bonnes restrictions commerciales des mauvaises sur le fondement des principes de la nullité des restrictions commerciales générales et de la validité de certaines restrictions particulières.
En pratique, se posait également la question de savoir si les tribunaux devaient condamner les restrictions commerciales une fois leur existence effectivement prouvée ou s’il devait les évaluer par des test de faisabilité. A cet égard, on notera qu’il était déjà considéré que la restriction devait être raisonnable sur le fondement d’une règle de raison qui sert aujourd’hui de principal référent à la matière.

En remontant aux sources de la Common law, la loi Sherman posait donc les fondements de la méthode qui devait être celle du système antitrust américain. Dans le même temps, la loi Sherman permit à la Common law d’opérer un saut qualitatif de grande ampleur. En pratique, ce saut était rendu nécessaire par les besoins de la première révolution industrielle au Royaume-Uni et aux États-Unis. Dans ce cadre, la loi Sherman de 1890 introduisit dans la loi américaine une double interdiction.
Premièrement, il s’est agit de l’interdiction de toute action collective visant à restreindre le commerce au moyen d’un contrat ou d’un accord secret.
Deuxièmement, il fut interdit à toute personne de monopoliser ou de tenter de monopoliser une partie du commerce. Le premier cas plaça le Sherman Act sous le feu des critiques d’une intervention de l’État dans l’économie parce qu’il entravait la liberté contractuelle. Dans le deuxième cas, il en est notamment résulté en 1897 une Affaire États-Unis c. Trans-Missouri Freight Ass’n dans laquelle la Cour suprême retira de son interprétation du Sherman Act la distinction entre l’entente qui doit être interdite parce que donnant lieu à des pratiques commerciales anticoncurrentielles et les fusions qui pouvaient être tolérées parce que consolidant la capacité productive du pays.

Puis, l’arrivée au pouvoir en 1901 du Président Theodore Roosevelt impulsa une nouvelle direction à la politique concurrentielle des Etats-Unis dans un sens plus restrictif qui mit fin à la vague de fusion précédente connue aux Etats-Unis. Dans sa décision de 1904 Northern Securities Co. V. États-Unis, la Cour suprême considéra dans le prolongement que la fusion des deux compagnies ferroviaires concurrentes en question dans une même entité restreignait la liberté du commerce. Ensuite, cette tendance s’est trouvée consolidée dans de nombreux autres secteurs de l’économie nationale notamment dans l’industrie sidérurgique et pétrolière. A cet égard, la décision de la Cour Suprême de 1911 Standard Oil Co v. États-Unis est emblématique de l’histoire du devenir du Sherman Act à la veille de l’élection de W. Wilson. Enfin, la loi Clayton du 15 octobre 1914 complétant la loi Sherman introduisit un dispositif de sanction de certaines pratiques anti-concurrentielles. Sur le fond du droit, la loi Clayton définit quatre pratiques illégales per se. Dans le premier cas, la discrimination par les prix consiste à vendre un produit à des prix différents à des acheteurs situés dans des conditions similaires. La seconde est l’interdiction des contrats de vente exclusive empêchant l’acheteur de traiter avec le concurrent du vendeur. La troisième interdit les fusions d’entreprises lorsqu’il y a acquisition de sociétés concurrentes. La quatrième interdiction est celle des directions interdépendantes où siègent des sociétés concurrentes.

A partir de la même époque, la Cour suprême américaine a néanmoins commencé à estimer que le Sherman Act n’interdisait pas toutes les restrictions au commerce mais seulement celles dont le caractère ou l’effet était déraisonnablement anticoncurrentiel. Ce faisant, la Cour suprême consolida le rôle premier du Rule of reason en tant que méthode d’analyse concurrentielle. En pratique toutefois, le primat du Rule of reason prive les entreprises de solides lignes directrices et donne aux tribunaux un pouvoir quasi discrétionnaire d’appréciation. Dans ce cadre, le juge de Common law joue en effet un rôle central dans l’interprétation notamment des faits. S’y ajoute que la justice antitrust est très décentralisée aux États-Unis au niveau de 94 tribunaux de district et treize Cours d’appel qui fait courir le risque d’un émiettement jurisprudentiel si ce n’est le rôle unificateur de la Cour suprême. Pour limiter tous ces risques, W. Wilson décida également de créer une agence fédérale ad hoc et une commission fédérale de cinq membres nommée par le Président et confirmé par le Sénat dédiés à la fixation des lignes directrices.

2) L’évolution de la doctrine concurrentielle américaine.

Du point de vue doctrinal, le paradigme de la science économique moderne est, depuis Adam Smith, que la concurrence économique conduit au bien-être respectivement des consommateurs et de la société économique. Y fut par la suite agrégé un principe de concurrence parfaite que le marché pouvait atteindre par le truchement du prix d’équilibre des biens mis sur le marché. Il s’agit de la fameuse main invisible du marché libre. Il en est ainsi lorsque la rivalité entre entreprises pour la conquête des marchés de consommateurs est expurgée de toute intervention étatique et de toute organisation de producteurs en corporation comme c’était le cas à l’époque de l’Ancien Régime. Selon cette théorie, la conséquence en est l’efficience économique de l’activité de production se matérialisant dans l’optimisation de l’affectation des ressources de production au profit du consommateur.

Par la suite, la science économique du XIXème siècle y agrégea avec V. Pareto une théorie des prix par laquelle le lieu d’exercice de cette concurrence parfaite est le prix du bien mis sur le marché qui, du fait de la rivalité, est poussé vers le montant de son coût de production. Dans ce cadre, le monopole qu’exerce une entreprise sur un marché a pour effet de maintenir les prix à un niveau élevé et de détourner une partie des ressources de production au détriment des consommateurs. Le monopole y est également considéré comme freinant l’innovation dans la mesure où une situation de rente économique et financière n’incite pas l’entreprise à investir dans de nouvelles technologies et dans l’amélioration des conditions de production en vue de faire baisser les coûts. Dans ce cadre, le rôle de la puissance publique n’est donc pas tant de s’immiscer dans l’activité de production que de veiller à ce que des monopoles n’émergent pas sur les marchés. Du point de vue de la science économique, la conséquence de l’omnipotence de cette main invisible est toutefois qu’elle procède d’une approche statique du fait concurrentiel par la seule analyse des prix et des coûts de production.

De la fin des années 1930 jusqu’aux années 1970, l’école de Harvard y a apporté certains aménagements. Le paradigme économique suivi y fut que les entreprises sont dépendantes de la structure du marché pour ce qui est de la détermination de leur performance économique. Sur le fond, cette approche se fonde donc sur une conception structurelle de l’organisation industrielle. Sur cette base, des principes ont été dégagés selon lesquels les industries peuvent être séparées en deux groupes selon leur niveau de concentration et le taux de rendement est plus élevé pour les industries les plus concentrées.
Dans le prolongement, les études empiriques ont déterminé que : le taux de profit est plus élevé pour de fortes concentrations et avec de fortes barrières à l’entrée - la relation entre concentration et rentabilité est particulièrement importante là où les barrières sont substantielles – les grandes firmes avec des barrières à l’entrée élevées ont un taux de rendement supérieur à celles exerçant leurs activités dans un cadre où les barrières à l’entrée sont plus faibles - les barrières élevées à l’entrée sont associées à une plus grande rentabilité pour les grandes entreprises que pour les autres.

Sur cette base, l’école de Havard bouleversa le mode de raisonnement même de la pensée économique classique. Tout en continuant à fixer l’équilibre des prix comme finalité, cette école infléchit la pensée économique classique lorsqu’elle prend acte que le principe de la concurrence parfaite ne correspond pas à la réalité des marchés parce que ceux-ci sont en fait imparfaits. Le standard du parfait équilibre par les seuls prix devient donc inopérant pour analyser les vraies conditions de fonctionnement du marché dans lequel la concurrence entre entreprises rivales s’exerce. Les tenants de cette école en tirent alors le principe selon lequel les imperfections du marché font partie de la nature du marché et qu’il convient donc d’en neutraliser les effets en restreignant le pouvoir de marché des entreprises. A partir de là, l’objectif que devrait viser la loi antitrust n’est pas tant la concurrence parfaite que la concurrence réalisable sur la base d’une analyse factuelle des mécanismes du marché pertinent. Au plan méthodologique, la conséquence en est donc un glissement de l’analyse du domaine des prix à celui des barrières à l’entrée du marché en vue de mesurer les situations de monopole et d’oligopoles.

Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale émergea aux Etats-Unis une nouvelle école dite école de Chicago sur la base du rejet de l’interventionnisme étatique que connut le pays dans les années 1930 et qui promeut un retour à la théorie néo-classique des prix en vue du développement d’une théorie du profit maximum. Cette théorie qui influence encore profondément le droit américain de la concurrence part du constat qu’en l’absence de preuve contraire, la maximisation du profit peut être considérée comme le produit d’un comportement concurrentiel dont les marchés sont par eux-mêmes capables de corriger les éventuelles imperfections. Ceci part du principe que les entreprises qui se comportent de manière économiquement rationnelle cherchent à maximiser leurs profits et les entreprises qui ne se comportent pas de la sorte ne survivent pas. Dans ce cadre, la plupart des marchés sont compétitifs même s’ils ne contiennent que peu d’entreprises et si la concurrence par les prix est réduite.
Du point de vue juridique, la conséquence en est que : la maximisation des bénéfices doit être considérée comme licite en soi - la compétitivité du marché ne doit pas être vue à partir de son analyse structurelle mais du point de vue de l’efficacité de la conduite des entreprises - les profits élevés des entreprises dominantes attirent par définition de nouveaux concurrents qui érodent les positions dominantes.

Sur le fond, l’objectif concurrentiel de l’Ecole de Chicago est la poursuite de l’efficience économique en éliminant les inefficacités résultant des hausses de prix liées aux collusions et aux restrictions à la production. De ce point de vue, elle contesta la politique américaine de protection des petits concurrents ainsi que la vision négative des niveaux élevés de concentration sur le marché qui, pour elle, ne sont pas synonymes d’abus de pouvoir de marché. Elle considéra à l’inverse que les bénéfices économiques sont essentiellement le produit de la réduction des coûts et de l’amélioration des produits.

Dénonçant les approches simplistes du rôle du droit antitrust, cette école de pensée rejointe notamment par M. Friedman, place donc la question de l’efficience entrepreneuriale au coeur de sa démarche juridique concurrentielle. Pour elle, les atteintes au droit du marché réside moins dans les entraves qu’il est susceptible de connaître que dans les comportements économiques inefficients impactant négativement les consommateurs. En raison de la confiance qu’elle met dans la capacité du marché à corriger ses propres imperfections, l’école de Chicago milite enfin pour une réduction substantielle du recours aux interdictions Per se au profit du Rule of reason. Dans ce cadre, elle assigne en outre au droit de la concurrence l’objectif de recourir plus systématiquement à l’analyse économique plutôt qu’à une analyse strictement juridique en vue d’identifier les comportements inefficients et leurs causes.

3) L’affinement du concept de compétition dynamique.

Dans le contexte d’après-guerre, Joseph Schumpeter a introduit son concept de destruction créatrice et initié une vision dynamique de la compétition économique qui l’oppose à la vision statique de l’école de Havard.
Schumpeter considère en effet que les entreprises pionnières introduisent sur le marché de nouveaux produits et de nouvelles méthodes de production et produisent donc de nouveaux marchés. Leur dynamisme initial leur confère un monopole temporaire sur leur marché mais stimule en même temps d’autres entreprises à innover et à entrer sur le nouveau marché. De ce fait, les monopoles y sont considérés comme jouant un rôle décisif dans la promotion de la concurrence car nécessaires au financement des frais de recherche et de développement.
Sur le fond, il estime donc qu’un marché fragmenté est moins efficace pour l’innovation même s’il est plus efficient du point de vue de la concurrence. Cette théorie a fortement influencé une partie de la doctrine économique jusqu’à maintenant, même si, dans la pratique, rien ne prouve qu’il existe un lien réel entre concentration du marché et dynamique de l’innovation. A cet égard, le prix nobel K. Arrow a en effet montré que l’entreprise en situation de monopole a une moins grande tendance à investir dans l’innovation qu’un nouvel entrant sur le marché ou qu’une firme s’insérant dans le jeu compétitif.

Dans le prolongement des travaux des écoles de Harvard et de Chicago, un courant dit libertaire issu de l’école de Chicago et appuyée par le prix nobel 1974 F.A. Van Hayek s’attacha notamment à prôner le principe d’un primat absolu de la régulation naturelle par le marché sur toute forme d’interventionnisme de l’Etat en économie.
A l’opposé, à partir des années 1990, une école dite post Chicago apparut sur la base d’une critique de l’évolution très libérale de l’école de Chicago. S’appuyant sur l’adaptation de la théorie des jeux à l’économie ainsi que sur l’importance du rôle concurrentiel que joue l’information des acteurs économiques, certains de ses tenants introduisirent le principe du caractère irrationnel de certains comportements des consommateurs en contradiction avec les doctrines néo-classiques. Allant au bout de la théorie de l’efficience entrepreneuriale, d’autres défendirent une extension du champ d’application du droit de la concurrence au domaine de l’amélioration de la productivité de l’économie.
D’autres enfin introduisirent dans leur lecture du rôle du droit de la concurrence les préoccupations nouvelles de raréfaction des ressources, de risque environnemental et de protection des droits du consommateur

A partir des années 1980, 4 autres écoles ont développé de nouveaux concepts dynamiques en droit américain de la concurrence. La première option est celle de la théorie des marchés contestables qui fut active pour justifier la dérèglementation du marché américain. À l’opposé du point de vue structurel de l’école de Havard, il y est considéré que la performance du marché doit être jugée sans référence à la structure du marché et que la concentration des marchés ne dit rien sur le degré d’efficacité économique des entreprises. De ce point de vue, même avec un haut degré de concentration, l’efficacité allocative n’est pas exclue car les entrants potentiels exercent une action de pression sur les monopoles et les oligopoles. Dans les marchés contestables, des profits anormalement élevés ne sont par ailleurs pas forcément atteints et les inefficacités ne sont pas possibles sur le long terme. De ce point de vue, la contestabilité parfaite produit un résultat similaire à l’optimalité obtenue dans une compétition parfaite. Par conséquent, la contestabilité parfaite peut être une nouvelle perspective pour l’économie du bien-être. Dans le cas extrême d’un marché parfaitement contestable, la performance des entreprises historiques est en effet la même que celle des entreprises qui opèrent dans un marché parfaitement concurrentiel. Pour cette raison, l’intervention des autorités antitrust est donc superflue.

Au plan des modalités, un marché parfaitement contestable se caractérise par la libre entrée des acteurs sur un marché et des coûts de sortie proches de zéro qui offrent aux entrants aucun désavantage par rapport aux participants déjà actifs sur le marché. Dans ce cadre, la théorie du marché contestable fait une distinction importante entre les coûts fixes et les coûts irrécupérables. Les premiers ne varient pas avec la production mais sont récupérables si l’entreprise quitte le marché. Les seconds sont des coûts qui ne peuvent être récupérés si l’entreprise quitte le marché impliquant que la libre sortie équivaut à des coûts irrécupérables proches de zéro. En pratique, selon cette théorie, si le prix du marché dépasse le coût marginal, un entrant potentiel peut entrer, réaliser des profits importants en fixant son prix en dessous du prix du marché et quitter le marché avant que les entreprises dominantes s’adaptent à la nouvelle situation du prix du marché. Cette perspective réduit donc considérablement la possibilité de profits supérieurs à la normale dans un marché monopolistique.

Une seconde école promeut aujourd’hui une approche par les coûts de transaction qui distingue les coûts de recherche et d’information, les coûts de négociation et les coûts de mise en œuvre et d’application des accords qui en résultent. Ici, le montant des coûts de transaction explique pour une part le choix fait par l’entreprise entre le contrat de marché qui coordonne les activités entre entités distinctes et le contrat de fusion qui les intègre dans un même ensemble organisé. Lorsque la transaction de marché est plus coûteuse que la fusion des structures, l’entreprise peut faire le choix de l’intégration qui permet l’internalisation des coûts de transaction au sein de l’entreprise. En conséquence, le montant des coûts de transaction détermine pour une part l’extension ou non de l’entreprise. Sur cette base, le coût de transaction varie en fonction notamment du nombre des intermédiaires nécessaires, de la fréquence des transactions et du degré d’incertitude des transactions externes à l’entreprise. Dans ces coûts, nous trouvons également le gain à tirer de la libre entrée dans un marché que permet une fusion avec une entreprise qui est déjà sur ce marché. En conséquence, la structure du marché peut effectivement être influencée par les différentiels de coûts de transaction.

En troisième lieu, la théorie des jeux appliquée au domaine de la concurrence économique a connu un fort développement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle se présente comme étant une théorie mathématique de la négociation et du comportement humain. Elle offre notamment des outils aidant à comprendre l’interaction stratégique entre structure de l’industrie, concentration des entreprises et degré de concurrence sur un marché oligopolistique. Dans ce cadre, la théorie des jeux a montré, en opposition aux thèses de l’école de Chicago, que les entreprises jouissant d’un pouvoir de marché pouvaient ériger des barrières privées à l’entrée en augmentant les coûts de transaction de leurs concurrents. De même, par rapport à la théorie traditionnelle des prix, la théorie des jeux permet une analyse plus précise et différenciée des différentes formes de marché. Sur le fond, le concept d’équilibre dégagé par la théorie des jeux ne se rapporte enfin pas à la structure du marché à proprement parler mais à la conduite des entreprises dont elle cherche à dégager la maximisation des gains permise par la combinaison des stratégies des joueurs. Elle en dégage notamment l’idée que l’instabilité des cartels est causée par l’incitation des membres du cartel à s’écarter du prix collusif.

Enfin, les tenants de l’économie comportementale se présente comme l’étape ultime de l’évolution des approches économiques du droit de la concurrence. Dans l’approche économique néo-classique, les firmes et les consommateurs sont considérés comme bien informés et comme étant des agents rationnels qui cherchent notamment à maximiser leur profit ou à réduire les contraintes économiques qui s’imposent à eux. Pour ce qui les concerne, les tenants de cette approche affirment que les consommateurs et les entreprises ne sont pas toujours bien informés et qu’ils peuvent se comporter de manière irrationnelle. De ce point de vue, la rationalité n’est pas nécessairement pleine et entière qui oblige à intégrer l’irrationalité des comportements dans l’analyse. La tâche de l’économie comportementale est donc d’identifier dans quels marchés et à quelles conditions des biais comportementaux particuliers se produisent. Dans ce cadre, il y est toutefois souvent considéré que les entreprises irrationnelles sont chassées du marché par leurs concurrents rationnels de telle sorte que l’intervention des autorités de la concurrente peut apparaître redondante.

II) Les éléments discriminants du droit européen de la concurrence.

Le droit européen de la concurrence puise une partie de ses racines dans le droit américain de la concurrence tout en lui donnant une trajectoire distincte. La matrice du droit européen de la concurrence est en effet davantage politique qu’économique.
Pour la doctrine ordolibérale qui l’imprègne dès l’origine, l’excès de concentration économique est l’ennemi des libertés publiques. D’où le primat initial manifeste de l’interdiction per se sur toute autre considération. Il en résulte un système juridique spécifique où la prise en considération de ce qui fait le Rule of reason américain est relégué à l’article 101 paragraphe 3 du TFUE.
Enfin, comme le droit européen de la concurrence est un droit de la construction du marché européen au sein d’un conglomérat de nations distinctes, sa régulation fait encore aujourd’hui très largement appel à la soft law.

1) La prégnance théorique de l’école de Fribourg.

En Europe, les règles de fond du droit de la concurrence repose encore aujourd’hui sur les apports de l’école Ordolibérale qui développa sa théorie dans les années 1930 en Allemagne et fut par la suite influencée par les paradigmes de l’école de Harvard. Les travaux de l’Ecole de Fribourg sont tout d’abord induits par l’idée que la liberté du marché passe par une certaine intervention de l’autorité publique en ce que public et privé ne constituent pas des sphères étanches et que les relations économiques de marché se déroulent toujours dans un cadre juridique organisé. Dans ce cadre, l’Ecole de Fribourg milite dès l’origine pour le maintien de la distinction entre les sphères publique et privée parce que, pour elle, rien n’est plus à craindre que la réunion, entre les mêmes mains du pouvoir économique et du pouvoir politique. Elle se fixa donc pour objectif de mettre les mécanismes du marché à l’abri de la tentation politique et de proposer un système qui garantisse l’indépendance du marché vis-à-vis de la sphère politique. Pour ce faire, l’école appela de ses vœux la création de garanties constitutionnelles aux libertés économiques et d’une instance juridictionnelle indépendante pour en assurer le respect.

Le principe de base de cette théorie est que la concurrence est l’instrument principal permettant de construire une société libre par l’économie de marché présentée à l’époque comme étant une sorte de troisième voie entre capitalisme et socialisme. En cela, elle est imprégnée de principes humanistes plutôt que par des considérations de simple efficience économique au regard desquels la liberté économique est le pendant de la liberté politique. Cette liberté est alors, pour les ordolibéraux, garantie par l’existence d’un cadre légal qui protège la liberté économique individuelle face respectivement à l’Etat et à la puissance des pouvoirs économiques privés. De ce point de vue, l’Ecole de Fribourg considère qu’une économie libre de marché ne peut survivre longtemps dans un Etat totalitaire et qu’un Etat de droit ne peut survivre longtemps avec un pouvoir économique fortement concentré. A la concentration des pouvoirs de marché, elle tend donc à opposer la diffusion de ces mêmes pouvoirs de marché.

Dans ce cadre, l’objectif principal du droit de la concurrence prônée par les tenants de cette école y est notamment la protection du processus de mise en concurrence au sein du pouvoir économique privé. En cela, cette doctrine à caractère néo-libéral put apparaître en rupture avec la théorie libérale classique de l’autorégulation du marché par le laissez-faire. Pour ce faire, elle considère en effet que la rivalité concurrentielle est l’instrument idoine qui permet d’atteindre les objectifs dédiés de la concurrence en vue, respectivement, de l’accroissement du produit social, de la différenciation optimale des produits en résultant et de la transparence des marchés. Elle considère également que cette rivalité concurrentielle doit être organisée. En pratique, elle s’oppose à tout pouvoir coercitif d’un acteur économique sur un autre et prône l’interdiction des cartels horizontaux ainsi que l’établissement d’un contrôle des concentrations des entreprises avec capacité de sanctions pouvant aller jusqu’à la dissolution des cartels afin de réprimer l’abus de pouvoir économique qui en résulte. Dans ce cadre également, la doctrine ordolibérale allemande établit une distinction entre deux types de concurrence opposés. D’un côté, la concurrence sur les performances cherche à attirer les consommateurs en améliorant les caractéristiques des produits et en baissant leurs prix. De l’autre, la concurrence par les restrictions se développe essentiellement en cherchant à empêcher la bonne performance des concurrents.

Au niveau européen, l’influence du droit allemand de la concurrence tiré des enseignements de l’école de Fribourg est à la racine du développement du droit européen de la concurrence. Au moment des premiers développements européens, le droit allemand de la concurrence était déjà bien établi et les représentants allemands participant à la gestation des traités des Communautés européennes très fortement imprégnés de la pensée de l’école de Fribourg. Le premier élément renvoie à la dimension économique de la politique de dénazification d’après-guerre et au mouvement économique constitutionnel qui l’accompagna. A cet égard, les cartels et les monopoles étaient considérés comme ayant été à l’origine de la puissance militaire allemande des années 1930. D’autre part, en pratique, il y eu synchronie de dates et d’acteurs entre la gestation du Traité de Rome de 1957 et les lois allemandes de décartélisation de l’époque. A cet égard, un des rédacteurs du Rapport Spaak de 1956 et futur premier Commissaire européen à la concurrence fut un allemand rattaché à l’école de Fribourg. En outre, le Plan Marshall de l’époque conditionnait également l’aide américaine au démantèlement des barrières au commerce.

Par la suite, alors que le droit de la concurrence américain se caractérisait par une adaptation des règles à la perception de l’évolution des processus concurrentiels à travers notamment l’emprise du Rule of reason, le droit européen sembla longtemps figé dans ses fondamentaux ordolibéraux. Ainsi est-ce en Europe l’utilisation même du pouvoir monopolistique qui est condamné alors qu’en droit américain c’est la tentative de l’opérateur puissant d’acquérir une position de dominance qui l’est. Dans le cas de l’article 101 TFUE, la concurrence est en effet essentiellement conçue comme un instrument de liberté d’action de l’opérateur économique qui prime sur l’objectif économique d’une meilleure allocation des ressources. De la même manière, contrairement au droit américain de la concurrence qui, dans son Sherman Act Section 2, établit un lien de causalité entre la pratique contestée et la manière dont le pouvoir monopolistique a été acquis, le droit européen de la concurrence s’en tient à sanctionner la pratique de l’abus sans se préoccuper de la manière dont le pouvoir dominant a été acquis. De ce point de vue, sa démarche peut effectivement apparaître comme plus formelle et moins économique que la démarche américaine. A cet égard, il est considéré en Europe qu’un opérateur économique en situation de position dominante doit pratiquer les prix qui auraient été ceux d’un marché pleinement concurrentiel. Enfin et jusqu’à aujourd’hui, la pratique juridique européenne tirée de l’ordre économique ordolibéral s’est montrée peu soucieuse de la cause de l’adaptation de l’outil entrepreneurial aux nécessités de la concurrence internationale.

2) Les spécificités européennes de mise en œuvre du droit de la concurrence.

La première caractéristique du droit européen de la concurrence que le droit américain ne connaît pas est qu’il a pour mission première de participer à la construction du marché intérieur européen qui est un acquis aux Etats-Unis. A cette fin, l’article 3 du TFUE établit une compétence exclusive de l’Union aux fins d’établir les règles nécessaires au fonctionnement du marché intérieur. Pour ce faire, le 27e Protocole du Traité de Lisbonne prévoit que, pour une concurrence non faussée sur le marché, l’Union prend, si nécessaire, des mesures dans le cadre des dispositions des traités, y compris l’article 352 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. S’y ajoutent le pouvoir exceptionnel dont jouit la Commission européenne dans la mise en oeuvre du droit de la concurrence européen ainsi que le rôle catalyseur de la Cour de justice de l’Union européenne dans ce domaine. Dans ce cadre, le droit de la concurrence a néanmoins connu au cours des dernières années, avec notamment le Règlement 1/2003, des transformations importantes au niveau tant de sa régulation que de ses modes de gouvernance.

Concernant le domaine juridique stricto sensu de la concurrence, les articles 101 à 106 TFUE regroupent l’ensemble des dispositions applicables. Les articles 101 et 102 énoncent les règles antitrust tandis que l’article 106 prévoit que les règles du Traité portant sur la concurrence s’appliquent également aux entreprises publiques ainsi qu’aux entreprises chargées de la gestion des services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal. Dans ce cadre, l’article 101 TFUE interdit les accords entre entreprises, les décisions d’associations d’entreprises et les pratiques concertées susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché intérieur. Dans son troisième alinéa, l’article 101 fixe les exceptions à cette interdiction générale, dans les cas où l’accord, la décision ou la pratique concertée a des effets positifs pour la production et la distribution des marchandises, promeut le progrès technique ou économique et réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte. L’article 102 interdit les abus de position dominante sur le marché, tels que les pratiques imposant des prix d’achat ou de vente à des conditions non équitables, les pratiques limitant la production, les débouchés ou le développement technique ainsi que celles appliquant des conditions inégales à des prestations équivalentes ou imposant aux partenaires commerciaux des conditions contractuelles supplémentaires sans aucun lien avec l’objet du contrat principal.

Du point de vue procédural, le Traité de Rome se caractérise par la mise en place d’un système de prise de décision original qui est celui de la méthode communautaire qui doit permettre la mise en œuvre des politiques économiques européennes tout en garantissant le respect des principes constitutionnels économiques. Dans le prolongement, l’article 103 TFUE établit une procédure qui repose sur le monopole d’initiative législative de la Commission et donne au Conseil le pouvoir de décision quant aux directives et règlements pris en application des articles 101 et 102. En la matière, le Parlement européen se voit enfin cantonné à un rôle consultatif. Dans ce cadre, l’article 105 TFUE confère à la Commission la supervision de l’application des règles européennes de concurrence en liaison avec les autorités compétentes des États membres qui l’assistent. Enfin, l’évolution du rôle et des fonctions remplies par la Commission et la Cour de justice ont aujourd’hui des conséquences importantes sur l’évolution même du droit de la concurrence.

Dans un premier temps, la Cour a par ailleurs soutenu la Commission dans son travail d’établissement et d’articulation des règles de concurrence prévues par le Traité et le règlement 17/62. L’arrêt Grundig apporta ainsi un soutien jurisprudentiel à l’interprétation large de la notion d’affectation du commerce entre États membres ainsi qu’à l’interdiction des clauses contractuelles en matière de restriction des exportations. De même, dans son arrêt Continental Ca, la Cour a approuvé la façon dont la Commission interpréta l’ancien article 86 CE devenu l’article 102 TFUE comme base juridique du contrôle des concentrations en l’absence de cadre réglementaire spécifique. Cette jurisprudence a alors confirmé l’interprétation large que la Commission se faisait de ses propres compétences et lui a donc permis de s’imposer comme l’acteur central du processus décisionnel et de mise en oeuvre du droit européen de la concurrence. Par la suite toutefois, dans un contexte où l’argumentation économique devenait plus prégnante, le rôle prépondérant de la Cour s’est érodé au profit de la Commission. La Cour s’est alors peu à peu limitée dans son analyse à des arguments strictement juridiques en s’écartant de l’interprétation téléologique qui avait marqué sa jurisprudence initiale.

Enfin, le droit européen de la concurrence a connu une évolution marquée notamment par la forte décentralisation qu’elle connaît de l’application des règles de concurrence et par un accroissement proportionnel du rôle des autorités nationales de la concurrence. Concrètement, pour alléger le travail procédural de la Commission et décentraliser la prise de décision, il a notamment été décidé d’impliquer les autorités nationales de la concurrence et les instances judiciaires nationales dans l’application des articles 101 et 102 TFUE. Sur le fond, l’ensemble s’appuie sur le principe de la détermination de l’autorité la mieux placée pour s’occuper d’un cas de concurrence. Au final, il en résulte que les acteurs de la politique de concurrence sont désormais plus nombreux et plus décentralisés. Ceci est néanmoins générateur d’instabilité pour le système en matière d’application uniforme du droit au sein de l’Union européenne qui nécessite donc davantage l’intervention de la Cour de justice de l’Union européenne.

Du point de vue des entreprises, celles-ci n’ont aujourd’hui plus la possibilité de demander l’autorisation de la Commission pour conclure certains accords et il leur incombe de vérifier elles-mêmes soigneusement qu’elles respectent le droit de la concurrence quand elles s’engagent dans des relations d’affaires. Il s’est alors agi d’inciter les agents économiques à développer eux-mêmes des stratégies de conformité cohérentes. Dans le prolongement, la Commission s’est engagée dans la voie d’une protection davantage effective des victimes d’activités anti-concurrentielles. Ainsi, une directive a été proposée afin d’enlever tout obstacle à la compensation pour les victimes d’entraves au droit de la concurrence. Cette initiative a été complétée par des instruments de soft law relatifs notamment à la qualification des préjudices en droit de la concurrence.

3) Le poids de la soft law dans le développement du droit européen de la concurrence.

Sur le fond du droit, une grande partie de la formation du droit européen de la concurrence procède de la Soft law. A côté des Règlements européens, la majorité des textes européens de droit de la concurrence sont des instruments de soft law au statut similaire aux recommandations et avis prévus à l’article 288 TFUE, c’est-à-dire dépourvus de pouvoir contraignant mais pouvant produire des effets juridiques. Ils sont alors intitulées de diverses manières : communications, déclarations, rapports, lignes directrices, codes de conduite, etc. Ceci étant, le fait n’est pas totalement nouveau en la matière mais il a pris une ampleur croissant au cours des décennies. Ainsi aujourd’hui, la Commission européenne établit les amendes pour des comportements non concurrentiels en s’appuyant sur des Lignes directrices. Elle exonère les entreprises qui donnent des informations pertinentes pour la découverte des cartels conformément à une communication et c’est toujours conformément à une communication qu’elle mène l’analyse du marché pertinent. De même en est-il concernant le domaine de la qualification des concentrations. Enfin, les règlements par lesquels la Commission exclut des catégories entières d’accords de l’article 101 TFUE sont accompagnés de soft law détaillées expliquant les modalités de leur mise en œuvre par la Commission européenne. Le développement de la pratique des questions préjudicielles auprès de la Cour Européenne de Justice contribue également à la consolidation du phénomène. La Cour de justice se réfère par ailleurs de plus en plus fréquemment à la soft law de l’Union pour l’aide à l’interprétation des normes juridiques ainsi que comme standard pour vérifier la légalité des décisions de la Commission européenne.

Au bilan de ces évolutions, tout en permettant d’éclairer de manière classique la hard law, l’utilisation courante de la soft law est révélatrice d’une évolution marquée par une logique de régulation complexe du droit européen de la concurrence au détriment de la méthode communautaire classique fondé sur les principes de contrainte et de hiérarchie stricte des normes. Dans le même temps et contrairement aux institutions de l’Union qui s’y sentent liées, la Cour de justice ne reconnait toutefois encore aujourd’hui qu’une fonction consultative à la soft law européenne au niveau national. Dans ce type de situation, il appartient donc toujours aux Etats de faire valoir leurs législations nationales en l’absence de décisions contraignantes de l’Union comme c’est souvent le cas en matière de fixation de seuils. En pratique, ce qui relève donc de la Soft law tombe en dehors du champ d’application stricto sensu du droit européen de la concurrence. Dans l’affaire Pfleiderer qui concernait l’accès des tiers au dossier dans les affaires d’entente devant les autorités nationales de concurrence, la Cour a considéré que ni la communication relative à la coopération au sein du réseau des autorités nationales de concurrence ni la communication sur la clémence n’étaient contraignantes pour les États membres. Dans la même perspective, la Cour a noté que même si le Programme modèle du REC en matière de clémence visait à harmoniser certains éléments des programmes nationaux en la matière, il n’avait pas non plus d’effet contraignant à l’égard des juridictions des États membres. La Cour a tout au plus reconnu que les orientations exprimées par la Commission étaient susceptibles d’avoir des effets non contraignants sur la pratique des autorités nationales de concurrence.

De son côté, la Cour de cassation française a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne via une question préjudicielle de déterminer si les autorités nationales étaient obligées d’appliquer la soft law européenne dans leurs décisions. La haute juridiction française a reçu une réponse négative à cette question. En effet, la Cour de justice a décidé que les autorités et les juridictions nationales n’étaient pas tenues par la communication de minimis et étaient souveraines dans leurs décisions de se conformer ou non aux seuils mentionnés dans ledit texte. La Cour considère en outre que si les autorités et les juridictions nationales se départissent du contenu de la communication, cela ne serait pas de nature à mettre en cause des principes généraux du droit comme la protection des attentes légitimes de sécurité juridique. Il en résulte donc quand même une application relativement différenciée du droit de la concurrence au niveau des États membres avec des conséquences sur la cohérence du système de mise en œuvre au niveau européen.

François Campagnola
Juriste d’entreprise

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