La vente d’un bien immobilier, qu’il s’agisse d’un logement à usage d’habitation ou de locaux professionnels, est un acte important encadré par des garanties légales. Parmi celles-ci, la garantie des vices cachés occupe une place centrale. Cette garantie vise à protéger l’acquéreur contre les défauts non apparents du bien, antérieurs à la vente, et suffisamment graves pour en compromettre l’usage ou en diminuer significativement la valeur.
Cet article examine les fondements juridiques, les conditions, et les modalités procédurales de l’action en garantie des vices cachés, à la lumière de la jurisprudence constante de la Cour de cassation.
I. Le cadre juridique de la garantie des vices cachés.
L’article 1641 du Code civil impose au vendeur l’obligation de garantir les vices cachés affectant le bien vendu. Ces défauts doivent rendre la chose impropre à sa destination normale ou en diminuer tellement l’usage que l’acheteur n’en aurait pas donné le même prix, voire n’aurait pas contracté s’il les avait connus.
Dans un arrêt du 24 septembre 2002 [1], la Cour de cassation précise que l’appréciation de l’impropriété à l’usage doit se faire selon un critère objectif, indépendamment de la subjectivité de l’acheteur.
1.1 Conditions de mise en œuvre.
Trois conditions doivent être remplies pour que l’action en garantie des vices cachés puisse prospérer : le vice doit être caché, antérieur à la vente et d’une gravité suffisante. Par exemple, dans l’affaire du 5 janvier 2011 [2], la présence de termites rendant la structure de la maison dangereuse a été considérée comme un vice caché grave.
1.2 La vente d’immeubles et les clauses d’exclusion.
L’action est ouverte en matière immobilière aussi bien pour des maisons individuelles que pour des copropriétés ou des locaux professionnels. La clause d’exonération de garantie, souvent insérée dans les actes notariés, n’est pas opposable à l’acheteur en cas de dol ou lorsque le vendeur est un professionnel. Ce dernier est en effet présumé connaître les défauts affectant le bien [3].
II. La procédure judiciaire.
L’article 1648 du Code civil prévoit un délai de deux ans pour agir à compter de la découverte du vice. Ce délai est de prescription extinctive depuis la réforme de 2008. Dans un arrêt du 18 mai 2011 [4], la Cour a rappelé que ce délai commence à courir dès que l’acheteur a eu une connaissance certaine du défaut.
Le tribunal compétent est le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble, comme le prévoit l’article 44 du Code de procédure civile. Lorsque le montant du litige dépasse 10 000 euros, l’intervention d’un avocat est obligatoire.
2.1 Expertise judiciaire
Avant toute assignation, il est fortement recommandé de solliciter une expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile. Cette expertise permet d’établir la nature, la gravité et l’antériorité du vice. Dans l’arrêt du 12 avril 2018 [5], la Cour de cassation a reconnu que l’expertise interrompait valablement le délai de prescription.
2.2 Assignation et demandes.
Le demandeur peut choisir entre deux types d’action : l’action rédhibitoire, qui vise à faire annuler la vente, et l’action estimatoire, qui tend à obtenir une réduction du prix. Ces actions peuvent être accompagnées d’une demande de dommages et intérêts en cas de mauvaise foi du vendeur.
III. La preuve et les moyens de défense.
La charge de la preuve incombe à l’acheteur. Il doit démontrer que le vice existait antérieurement à la vente, qu’il était caché, et qu’il est suffisamment grave. Tous les moyens de preuve sont recevables, y compris les expertises, les photographies ou les témoignages.
Dans l’arrêt du 25 septembre 2002 [6], la cour a admis que la preuve du vice pouvait résulter d’éléments circonstanciels concordants.
Le vendeur peut se défendre en démontrant que le vice était apparent, que l’acheteur en avait connaissance, ou que celui-ci a fait un usage anormal du bien.
IV. Articulation avec d’autres garanties.
La garantie des vices cachés peut se cumuler avec la garantie décennale des constructeurs prévue par l’article 1792 du Code civil, ou encore avec la garantie légale de conformité, applicable aux ventes de biens neufs réalisées par des professionnels à des consommateurs [7].
V. Conséquences pratiques.
Outre les effets financiers potentiels, l’acheteur peut se trouver dans l’impossibilité d’occuper ou de revendre son bien pendant la durée du contentieux. La Cour de cassation, dans un arrêt du 30 novembre 2017 [8], a jugé que la revente du bien n’éteint pas nécessairement l’action en garantie si les conditions sont réunies.
Conclusion.
L’action en garantie des vices cachés constitue une voie de recours essentielle pour l’acheteur d’un bien immobilier. Sa réussite dépend toutefois du respect de conditions de fond et de forme rigoureuses.