Le législateur a introduit plusieurs bases de responsabilité particulière, comprenant la responsabilité de l’employeur à l’égard de la victime par la notion de faute dite « inexcusable ».
Aux termes des dispositions de l’article L452-1 du Code de la sécurité sociale, l’employeur commet une faute inexcusable lorsqu’il a eu connaissance d’un danger, ou aurait dû le connaître, et n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité de ses employés.
La faute inexcusable de l’employeur a été également définie par la jurisprudence.
Ainsi, la faute inexcusable correspond à tout manquement de l’employeur à l’obligation légale de sécurité dont il est tenu envers son salarié dès lors que :
- Il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié ;
- Et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver [1]
L’employeur aurait dû avoir connaissance du péril et n’a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir. La reconnaissance de la faute inexcusable découle d’un accord amiable entre le salarié (victime) et son employeur ou, à défaut d’une décision de la juridiction de Sécurité sociale.
Particularités de la faute inexcusable.
Pour qu’une faute inexcusable soit caractériser, de nombreux éléments doivent être réunis :
- Connaissance du danger : l’employeur doit avoir eu connaissance d’un risque ou d’un danger pour la santé ou la sécurité de ses salariés.
- Absence de mesures préventives : il doit être prouvé que l’employeur n’a pas mis en place des mesures de prévention adéquates face à ce danger.
- Lien de causalité : il doit exister un lien de cause à effet entre la faute de l’employeur et l’accident ou la maladie subie par le salarié.
L’intérêt pour la victime de faire constater la faute inexcusable de son employeur est d’obtenir une majoration de sa rente et la réparation de ses préjudicies. Bien que cela ait un véritable coût pour l’employeur.
Indemnisation de la perte d’avantages.
Lorsque l’employeur admet la faute (ce qui est rare en pratique) ou lorsque la faute est reconnue par le juge de la Sécurité sociale, la faute inexcusable permet en principe, au salarié victime de bénéficier de l’indemnisation de ses différents préjudices, et de faire peser sur l’employeur les conséquences financières de sa propre faute dite « inexcusable ».
Majoration de la rente :
En principe, l’article L452-3 du Code de la Sécurité sociale énonce que :
« Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de Sécurité Sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
De même, en cas d’accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n’ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l’employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ».
Il ressort de ces dispositions qu’au-delà du fait qu’en cas de faute inexcusable de son employeur il observe automatiquement une majoration de la rente qu’il percevait jusqu’alors (en conséquence de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle dont il a été victime), le salarié qui fait constater la faute inexcusable de son employeur peut solliciter la réparation des préjudices suivants, pour autant bien entendu qu’ils soient démontrés aussi bien dans leur existence que dans leur étendue [2].
L’article L452-1 du Code de la Sécurité sociale précise en effet que :
« lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ».
En plus de la rente majorée, le salarié peut demander une indemnisation pour les souffrances physiques et morales, les préjudices esthétiques et d’agrément, ainsi que la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle.
La Cour de cassation considère comme étant déjà indemnisées par la majoration de la rente au titre du déficit fonctionnel permanent. En effet, seules sont indemnisables les souffrances physiques ou morales non prises en charge à ce titre, lequel est déjà réparé par l’attribution de la rente majorée [3]
Selon le Code de la sécurité sociale, la rente assure l’indemnisation forfaitaire des préjudices suivants :
- les dépenses de santé actuelles et futures [4],
- les frais de déplacement [5],
- les dépenses d’expertise technique [6],
- les dépenses d’appareillage actuelles et futures [7],
- les incapacités temporaire et permanente [8], la rente versée par la caisse indemnisant les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité,
- les pertes de gains professionnels actuelles et futures [9],
- l’assistance d’une tierce personne après la consolidation [10].
Pour la Cour de cassation, il y a donc lieu de différencier les souffrances suivies pendant la période préalable à la consolidation de l’état de la victime (susceptibles d’être indemnisées) et les souffrances permanentes indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent réparé par la rente d’accident du travail majorée, qui ne peuvent donner lieu à une indemnisation supplémentaire par le juge de la Sécurité sociale [11]. Ces souffrances ne sont pas réparées par la rente d’incapacité.
Les préjudices esthétiques.
Selon la Cour de cassation, le salarié peut demander une indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire, qui diffère du préjudice esthétique permanent. Il doit être estimé en prenant en compte de son existence, avant la consolidation [12].
Les préjudices d’agrément .
Le préjudice d’agrément s’entend de « l’impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs » [13]. Il est donc, établi par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir [14].
Il ressort d’une décision de la Cour de cassation selon, qu’une cour d’appel ne saurait attribuer à la victime une indemnisation sur la base d’un préjudice d’agrément, sans rechercher si, au titre de ce préjudice, la victime justifiait d’une activité spécifique sportive ou de loisir [15], antérieure à la maladie [16].
Dans une affaire tranchée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 19 janvier 2017 [17], la Cour de cassation a jugé que le préjudice d’agrément était constitué en se basant sur une attestation de l’épouse du salarié relatant que ce dernier ne pouvait plus s’adonner, du fait de sa maladie, aux activités de bricolage, de pétanque et de tir à l’arc.
En outre, le salarié (victime) peut aussi demander des indemnisations complémentaires liées à la perte d’avantages.
Indemnisations complémentaires liées à la perte d’avantages
Lorsqu’un salarié est licencié au motif de son inaptitude suite à un accident de travail ou une maladie professionnelle imputable à une faute inexcusable de l’employeur, le salarié victime peut prétendre à une réparation pour la perte des avantages professionnels dont il bénéficiait.
Ces avantages peuvent comprendre :
- La prime d’ancienneté ou de performance si celles-ci étaient dues et supprimées suite au licenciement ;
- La perte d’un véhicule de fonction, téléphone, logement de fonction ;
- La perte de droits à une retraite complémentaire avantageuse ;
- L’accès à des formations financées par l’employeur ou à des perspectives d’évolution.
Concernant les primes d’ancienneté ou de performance : lorsque le salarié recevait constamment des primes liées à son ancienneté ou à ses performances, la perte de ces revenus peut être considérée comme un préjudice indemnisable.
Concernant les avantages en nature : la perte de l’usage d’un véhicule de fonction par exemple ou d’un téléphone professionnel ou encore d’un logement de fonction fait également partie d’un préjudice matériel pour le salarié.
La Cour a confirmé que la suppression ou la transformation d’un avantage en nature, tel qu’un véhicule de fonction, sans le consentement du salarié, peut être considérée comme une modification unilatérale du contrat de travail, donnant droit à une indemnisation pour le préjudice subi par le salarié. [18]
Concernant les droits à la retraite complémentaire : si le licenciement emporte une réduction des droits à la retraite complémentaire, cette perte peut être indemnisée. La chambre mixte de la Cour de cassation avait également admis cette idée en considérant que la perte de droits à la retraite complémentaire peut être considérée comme un préjudice indemnisable, notamment si elle résulte directement du licenciement lié à l’inaptitude [19].
Concernant les opportunités de formation et d’évolution professionnelle : la cessation d’emploi peut priver le salarié de panoramas de formation continue ou de promotions, ce qui remplace un préjudice en termes de développement de carrière [20].
La jurisprudence a davantage élargi l’interprétation des préjudices indemnisables au-delà des critères particulièrement mentionnés dans le Code de la sécurité sociale. De ce fait, la perte d’avantages professionnels tels que les primes d’ancienneté ou de performance, les avantages en nature (véhicule de fonction, logement), les droits à une retraite complémentaire avantageuse, ou l’accès à des formations et perspectives d’évolution, peut être considérée comme un préjudice indemnisable.
En revanche, pour la Cour de cassation, la réparation de ce préjudice ne peut intervenir qu’à la condition que l’intéressé apporte la preuve établissant que ses chances avaient un caractère sérieux et certain, et n’étaient pas seulement douteuses.
Il appartient donc au salarié ou à ses ayants droits le cas échéant d’apporter la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur. Les juges du fond disposent à cet égard d’un pouvoir souverain d’appréciation.
La Cour de cassation a également jugé dans un arrêt rendu le 3 juillet 2014 [21], que la perte ou la diminution des possibilités de promotions professionnelles constitue un préjudice indemnisable. La Cour de cassation a insisté sur le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a également ajouté que l’incidence professionnelle doit comporter la perte de retraite si elle n’est pas incluse dans la perte de gains professionnels future [22]
In fine, bien que les arrêts du 18 juin 2014 et du 3 juillet 2014 ne traitent pas directement de la faute inexcusable de l’employeur, ils partagent cependant, des principes similaires en matière de responsabilité et d’indemnisation des préjudices.
Conclusion.
La procédure de faute inexcusable de l’employeur est un mécanisme d’appui indispensable pour les salariés. Elle leur permet de faire valoir leurs droits face à des manquements en matière de sécurité au travail, et d’obtenir une indemnisation juste pour les préjudices subis. Pour cela, il est important que les salariés soient bien informés de leurs droits et des démarches à suivre. L’employeur, quant à lui, doit prendre conscience de ses responsabilités et s’efforcer de créer un environnement de travail sécuritaire. La prévention reste la meilleure stratégie pour empêcher que des accidents ne surviennent et pour simplifier le risque de reconnaître une faute inexcusable.
Discussion en cours :
Merci pour votre article !
Avec la nouvelle loi de finance 2025, j’avais entendu dire que la faute inexcusable serait pénalisée pour l’intégralité des dommages et préjudices !
J’attends avec impatience les prochains jugement et Arrêts.
Merci encore ❤️