Vidéo-surveillance : licéité de la preuve issue d’une caméra contrôlant le salarié hors de ses fonctions.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Sarah Bouschbacher, Juriste.

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Explorer : # vidéo-surveillance # preuve licite # licenciement pour faute grave # droit du travail

Par un arrêt du 22 septembre 2021 (n°20-10.843), la Cour de cassation s’est prononcée sur la recevabilité des preuves obtenues par un dispositif de vidéo-surveillance installé dans un autre objectif que celui de contrôler les salariés.

Sur le fondement de l’article L1222-4 du Code du travail, elle a jugé qu’un système de vidéo-surveillance ne constituait pas un mode de preuve illicite dès lors qu’il ne sert pas à contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions.

Cass.soc., 22 septembre 2021, n°20-10.843.

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I) Les faits.

Un salarié a été engagé le 20 novembre 1994 par une société en qualité de vendeur.

Le 5 mars 2015, le salarié a été licencié pour faute grave, accusé de se livrer à des pratiques de voyeurisme dans les toilettes pour femmes.

Pour justifier le licenciement, la société s’est fondée sur des images versées par une caméra vidéo-surveillance.

Le salarié a donc saisi la juridiction prud’homale le 8 décembre 2016, afin de faire dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, au motif que les preuves versées par la société pour justifier son licenciement étaient illégales du fait qu’elles proviennent d’un dispositif de contrôle non porté préalablement à sa connaissance.

Par un arrêt en date du 7 novembre 2019, la cour d’appel de Paris a fait droit aux différentes demandes du salarié, estimant que :

« les représentants du personnel auraient dû être consultés et que les salariés auraient dû être informés de façon à la fois globale et individuelle de la mise en place du dispositif litigieux ».

Ainsi, la cour d’appel a écarté les éléments de preuve rapportés par le dispositif de vidéo-surveillance et versés par la société.

De cette manière, la société s’est pourvue en cassation sur le fondement de l’article L1222-4 du Code du travail qui dispose que :

« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été portée préalablement à sa connaissance ».

II) Les moyens.

La société fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et de la condamner par-là à différentes indemnités afférentes.

A cet effet, la société soutient « que le système de vidéo-surveillance mis en place dans le but de sécuriser une zone de stockage de l’entreprise, non ouverte au public, et le couloir y donnant accès, et non dans le but de surveiller les salariés, ne constitue pas un dispositif de contrôle qui doit être porté à la connaissance du salarié ».

De cette manière, les images obtenues par la vidéo-surveillance constituaient des éléments de preuve recevables afin de justifier le licenciement du salarié pour faute grave.

III) Une preuve issue d’un dispositif de vidéo-surveillance non destiné à surveiller l’activité des salariés et dont l’existence n’a pas été portée à leur connaissance, est-elle recevable ?

La Cour de cassation répond par l’affirmative et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 7 novembre 2019.

Sur le fondement de l’article L1222-4 du Code du travail, la Cour de cassation admet dans un premier temps que si :

« l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéo-surveillance permettant le contrôle de leur activité, dont les intéressés n’ont pas été préalablement informés de l’existence ».

Toutefois, dans un second temps, la Cour de cassation considère que dans les faits, la vidéo-surveillance a été installée pour assurer la sécurité du magasin et non pour contrôler spécifiquement le salarié dans l’exercice de ses fonctions.

Ainsi, « si le système de vidéo-surveillance a été installé dans un but de sécurisation de la zone de stockage qui n’était pas ouverte au public, et du couloir y donnant accès » et si « les caméras étaient disposées de telle sorte qu’elles permettaient de visualiser les portes de toilettes », alors la société n’avait pas à informer le salarié de sa présence.

Par conséquent, non seulement l’information préalable du salarié n’était pas requise, mais aussi, les preuves obtenues par ce moyen sont recevables, et le licenciement justifié.

Source : cass.soc., 22 septembre 2021, n°20-10.843.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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