Moment de vulnérabilité à haute dimension humaine, l’inaptitude repose sur un cadre juridique mêlant droit du travail et droit de la Sécurité sociale, auquel la jurisprudence a apporté prolongements et déclinaisons - protégeant contre l’abus et la mauvaise foi des parties.
Substantiellement, lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, en application de l’article L1226-12 du Code du travail, il fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.
L’avis médical inaptitude s’impose à l’employeur.
Condition de fond tenant à la nature de la rupture consécutive à l’inaptitude, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que « s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi [1].
A cet égard, l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail ».
S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel de droit commun [2].
À la suite de l’avis d’inaptitude, l’employeur doit se conformer à l’obligation de recherche loyale de reclassement.
En effet, si le salarié est inapte à reprendre son poste, l’employeur, au titre des articles L1226-2 et L1226-10 Code du travail, est tenu de lui proposer un autre emploi :
- approprié à ses capacités, eu égard aux prescriptions du médecin du travail
- et comparable à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures adéquates : mutations, transformations de poste de travail, aménagement du temps de travail.
Au fond, cette proposition prend en compte : « les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise » [3].
Par ailleurs, s’agissant de l’obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement, le refus par la salariée du poste de reclassement proposé « n’implique pas à lui seul le respect de l’obligation de recherche de reclassement par l’employeur » [4].
De même, l’employeur ne peut imposer une mutation à un salarié pour permettre le reclassement : l’employeur doit rapporter la preuve qu’il n’existait pas d’autres postes disponibles [5].
En outre, en application du principe de non-discrimination [6], le salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son état de santé ou de son handicap. Si le véritable motif du licenciement est l’état de santé du salarié, le licenciement sera déclaré nul.
De même, "le médecin du travail peut constater l’inaptitude d’un salarié à son poste, à l’occasion d’un examen réalisé à la demande de celui-ci sur le fondement de l’article R4624-34 Code du travail, peu important que l’examen médical ait lieu pendant la suspension du contrat de travail" [7].
Qui plus est, il est inopérant que le salarié conteste devant les juges du fond la légitimité de son licenciement pour inaptitude au motif que le médecin du travail aurait utilisé un terme inexact pour désigner son poste de travail.
En vertu des articles L4624-2 et L4624-7 du Code du travail, si le salarié ou l’employeur conteste l’avis du médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale, le Conseil de prud’hommes pourra être saisi en la forme des référés. Lequel pourra confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent.
En l’absence d’un tel recours, l’avis du médecin du travail s’impose aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement.
Dans un arrêt du 25 octobre 2023, la Cour de cassation a jugé que l’analyse du poste de travail est une partie inhérente à l’avis d’inaptitude, laquelle est de nature médicale, l’avis d’inaptitude s’impose : « En statuant ainsi, alors que le salarié ne pouvait contester devant les juges du fond la légitimité de son licenciement pour inaptitude au motif que le médecin du travail aurait utilisé un terme inexact pour désigner son poste de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés » [8].
Sur ce point, les recherches de reclassement sont précisées par les dispositions de l’article L 1226-2 du Code du travail : « Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail » [9].
En clair, précise l’article L1226-2-1 Code du travail, lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il fait connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s’opposent à son reclassement.
Dès lors, le contrat de travail n’est rompu que si l’employeur justifie :
- soit de son impossibilité de proposer un emploi
- soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions
- soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi [10].
En ce sens, "ne constitue pas l’énoncé d’un motif précis de licenciement l’inaptitude physique du salarié, sans mention de l’impossibilité de reclassement" [11].
A cet égard, si lettre de licenciement ne vise que l’inaptitude de la salariée sans mention de l’impossibilité de reclassement, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse [12].
Du reste, l’employeur a l’obligation de reclasser ou, à défaut, de licencier le salarié déclaré inapte dans un délai raisonnable, tout en reprenant le paiement du salaire après un mois : « Le maintien prolongé du salarié dans une situation d’inactivité forcée, l’ayant contraint à saisir la justice, constitue un manquement de l’employeur » [13].
Toujours est-il que, tel que dit plus haut, l’employeur qui licencie un salarié pour inaptitude doit justifier soit de son impossibilité de proposer un emploi approprié aux capacités du salarié, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé.
Ici, la charge de la preuve incombe à l’employeur : rapporter la preuve que le reclassement du salarié est impossible et que les recherches ont été effectuées de bonne foi : “Le reclassement par mutation du salarié déclaré inapte par le médecin du travail auquel l’employeur est tenu de procéder en application des dispositions de l’article L. 122-24-4 du Code du travail doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l’entreprise ; que l’employeur ne peut être tenu d’imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail à l’effet de libérer son poste pour le proposer en reclassement à un salarié ;
Et attendu que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ayant constaté que ni le poste de magasinier ni le poste d’entretien aux espaces verts n’étaient disponibles, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision” [14].
Délai et procédure de licenciement pour inaptitude.
Lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois, le salarié qui a été déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou n’est pas licencié, l’employeur est tenu de lui verser le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Concrètement, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, "après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise” [15].
En ce sens, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L’emploi proposé “est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail“ [16].
Motif d’inaptitude et licenciement.
Le principe général en la matière est le suivant : aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son état de santé ou de son handicap. Si le véritable motif du licenciement est l’état de santé du salarié, le licenciement sera déclaré nul.
En cas d’inaptitude du salarié, le seul motif légitime de rupture du contrat de travail est l’impossibilité de reclassement.
Est-il possible de licencier un salarié pour faute, déclaré inapte en cours de procédure de licenciement ?
Non, juge la Haute assemblée : “il résulte des dispositions d’ordre public des articles L1226-2 et L1226-2- 1 Code du travail que,lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur ne peut prononcer un pour un motif autre que l’inaptitude,” peu important qu’il ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause [17].
La lettre de licenciement pour inaptitude doit comporter deux éléments qui doivent être précisés dans la lettre de licenciement. Il doit y figurer l’énonciation claire de l’inaptitude du salarié et l’impossibilité de reclassement du salarié.
Ici, ne constitue pas l’énoncé d’un motif précis de licenciement l’inaptitude physique du salarié, sans mention de l’impossibilité de reclassement : si la lettre de licenciement ne vise que l’inaptitude de la salariée sans mention de l’impossibilité de reclassement [18], le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse [19].
Les droits du salarié licencié pour inaptitude.
Au cas où le licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire en cas d’impossibilité de reclassement du salarié, l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est due.
Précisément, le salarié licencié en raison d’une impossibilité de reclassement ne peut, en principe, prétendre au paiement d’une indemnité pour un préavis qu’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter en raison d’une inaptitude à son emploi [20].
Ce faisant, le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement mais le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement.
Or, si l’inaptitude du salarié est justifié par un lien de causalité d’ordre professionnel, trouvant son origine dans un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur, en vertu de l’article L1226-14 du Code du travail, est tenu de verser au bénéfice du salarié :
- une indemnité compensatrice de préavis [21]
- une indemnité spéciale [22] égale au double de l’indemnité légale (et non de l’indemnité conventionnelle [23].
Pour finir, eu égard aux enjeux et répercussions, à la fois, sur la santé et l’avenir professionnel du salarié, le licenciement pour inaptitude, autorisé dans certains cas, exige prudence et anticipation. D’autant que le salarié déclaré inapte se doit de puiser de nouvelles ressources en vue de sa réinsertion.