Fini les procédures de passation de marchés publics annulées automatiquement en cas d’erreur dans les avis d’appel public à la concurrence.
Le Conseil d’Etat a rendu vendredi 3 octobre 2008 un arrêt (1) où il restreint les personnes habilitées à agir en référé précontractuel à celles « susceptibles d’être lésées » par un manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Se livrant à une relecture de l’article L. 551-1 du code de justice administrative relative au référé précontractuel, le Conseil d’Etat pose le principe « qu’il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ».
En l’espèce, le Conseil d’Etat a estimé que le juge des référés avait commis une erreur de droit et ainsi méconnu son office en annulant la procédure de passation litigieuse au motif que le pouvoir adjudicateur aurait indiqué à tort que dans les avis d’appel public à la concurrence que le marché était couvert par l’Accord sur les marchés publics sans rechercher si cette irrégularité, à la supposer établie, était susceptible d’avoir lésé ou risquait de léser un candidat français évincé du marché.
Vu la généralité des termes du considérant du Conseil d’Etat, la portée de l’arrêt excède de beaucoup le point de savoir si un candidat français est admis à se prévaloir d’une erreur d’indication dans la rubrique relative à l’accord international sur les marchés publics des avis d’appel public à concurrence. Ce sont à l’avenir tous les manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence qui devront être passés au crible de la solution nouvelle. En d’autres termes, les concurrents évincés d’un marché ne pourront plus obtenir du juge l’annulation de la procédure de passation en se plaignant de n’importe quelle irrégularité, il faudra qu’ils prouvent avoir été lésés ou qu’il existait pour eux un risque d’être lésé. Et cette preuve risque fort de devenir impossible dès lors que, comme en l’espèce le candidat aura pu déposer une offre et que celle-ci aura été écartée par le pouvoir adjudicateur pour un motif qui ne tient pas au manquement invoqué.
Avec cet arrêt, le Conseil d’Etat se dote de nouveaux critères qui lui permettront de se livrer à une relecture complète des décisions rendues ces dernières années en matière d’annulation de procédure au motif d’irrégularité dans les avis de marchés. Ce ne sont pas les acheteurs qui se plaindront de ce regain de pragmatisme, tant il pouvait être agaçant de voir un candidat écarté se plaindre d’une erreur sans conséquence pour lui pour obtenir l’annulation de la consultation.
Etienne Busson
Chargé des affaires juridiques du musée des arts asiatiques Guimet
(1) Conseil d’Etat, 3 octobre 2008, Syndicat mixte intercommunal de réalisation et de gestion pour l’élimination des ordures ménagères du secteur est de la Sarthe, no 305420. L’auteur remercie Aymeric Ruellan, juriste-conseil au Commissariat à l’énergie atomique, de lui avoir communiqué cette décision.