Membres du CSE, à vos avis ! Par Lena Dave, Juriste.

Membres du CSE, à vos avis !

Par Lena Dave, Juriste.

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Explorer : # comité social et économique (cse) # consultation des salariés # droit du travail # relations employeur-employé

Tant les élus au sein de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) que les membres de la direction nouvellement confrontés à la mise en place de cette nouvelle instance représentative du personnel s’interrogent sans doute sur le périmètre d’action du CSE.
Entre les craintes d’empiètement des compétences de la direction et l’omission de certaines prérogatives conférées par le Code du travail aux élus, il convient de faire le point sur les thèmes sur lesquels l’avis du CSE est attendu et nécessaire à la prise de décision de la direction.

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Le 31 décembre, tous les membres du CSE devront être élus dans les entreprises dont l’effectif a été au moins égal à 11 salariés pendant 12 mois consécutifs. Si la Direction générale du travail vient d’exprimer son avis sur l’absence de prorogation des mandats en cours à défaut de mise en place du CSE à la date butoir [1] nous tenterons de répondre dans cet article aux questions que suscitent le respect de l’obligation légale et l’élection de nouveaux élus.

L’une des questions cruciales que se posent tant les membres de la direction que les nouveaux membres du CSE et particulièrement ceux qui doivent pour la première fois se saisir de leurs fonctions représentatives tient à la place de leur "voix" d’élus. En effet, le fait de "donner son avis" va prendre un sens nouveau pour ces derniers, puisqu’il devra désormais être donné en application des dispositions légales, en vue de porter la voix de la collectivité des salariés qu’ils représentent.
Du côté de l’employeur, celui-ci doit s’acclimater avec le caractère constant de ces interlocuteurs, puisqu’il n’a plus à distinguer en fonction du thème envisagé, parmi les représentants du personnel : c’est l’avis de la majorité des membres de la délégation du personnel qui doit être recueilli par la direction sur certains sujets ou dans certaines situations.

Mais quand est-ce que l’avis du CSE est attendu ?

Il convient de distinguer les avis recueillis dans le cadre des informations et consultations récurrentes et ponctuelles des membres du CSE des entreprises d’au moins 50 salariés uniquement (C. trav., art. L.2312-8 et C. trav., art. L.2312-37), des cas dans lesquels le Code du travail subordonne la décision de l’employeur à l’avis préalable du CSE.

Le CSE des entreprises d’au moins cinquante salariés dispose, dans le cadre de ses attributions dites élargies, par comparaison avec les CSE des entreprises ne franchissant pas ce seuil, de fonctions consultatives. À ce titre, les membres de la délégation du personnel au sein du comité doivent être obligatoirement consultés sur les orientations stratégiques de l’entreprise (C. trav., art. L.2312-24), la situation économique et financière (C. trav., art. L.2312-25) et la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et de l’emploi (C. trav., art. L.2312-26).

Il faut savoir que si ce périmètre des consultations tel qu’il est précisé par les dispositions supplétives du Code du travail paraît inadapté à la structure ou à l’activité de l’entreprise, voire au rôle qu’entendent conjointement donner les membres de la direction et les membres du CSE au mandat représentatif, la possibilité leur est donnée de modifier par accord collectif le contenu et les modalités des consultations récurrentes du CSE (C. trav., art. L.2312-19). Une seule limite tient à la périodicité des consultations, qui ne peut être supérieure à trois ans. Il ne sera donc pas possible pour l’employeur de se passer de l’avis des membres du CSE pour une durée trop longue.

Ces dispositions devront faire l’objet d’un accord majoritaire dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux. En l’absence de délégué syndical, pour être valable, l’accord doit être signé par l’employeur et la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité.
Le maniement de cette négociation a un rôle important à jouer une fois l’instance mise en place, lorsqu’il est question de la répartition des rôles des membres de la délégation du personnel du comité, de la délimitation des attributions de ces derniers, et de l’organisation de son fonctionnement tout au long de l’exécution du mandat. Elle permettra aux élus et aux directions de dessiner des contours d’une action des représentants du personnel efficace et adaptée aux spécificités de l’entreprise.

L’information et la consultation du CSE ne vont pas seulement s’imposer périodiquement à l’employeur. Elles vont ponctuer la vie de la société en ce sens que le Code du travail impose à ce dernier d’informer voire de consulter le CSE sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise (C. trav. art. L2312-8 et L2312-17).
La parole est donnée au CSE pour certaines questions relevant de la gestion du personnel : conditions d’emploi, de travail, la durée du travail et formation professionnelle, mesures de mise, remise ou maintien au travail de certaines personnes listées et ce à travers l’aménagement de leur poste de travail, mise en œuvre des moyens de contrôle de l’activité des salariés (C. trav., art. L.2312-38 : le CSE est par ailleurs informé préalablement à leur utilisation des méthodes et techniques d’aide aux recrutements des candidats à l’emploi), licenciement pour motif économique (C. trav., art. L2312-40).

Dans cette lignée, le CSE des entreprises d’au moins cinquante salariés devra être consulté sur toutes les mesures affectant le volume ou la structure des effectifs, restructuration et compression des effectifs (C. trav., art. L2312-39).

L’avis du CSE devra enfin être recueilli préalablement au démarrage effectif de tous projets d’entreprise emportant modification de l’organisation économique ou juridique, à l’introduction de nouvelles technologies, ainsi qu’avant tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, mais encore en cas d’opération de concentration (C. trav., art. L.2312-41), d’offre publique d’acquisition (C. trav., art. L.2312-42), ou enfin en cas procédures collectives (C. trav., art. L 2312-53).

C’est une grande marge de manœuvre que l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 offre aux membres du CSE en se livrant à une énumération explicitement exhaustive des sujets sur lesquels le CSE peut être consulté. Le caractère latitudinaire des intitulés des sujets sur lesquels les représentants du personnel des entreprises d’au moins cinquante salariés doivent être consultés pourrait donner lieu à contentieux.
Aussi, c’est en principe aux juges qu’il appartiendra de trancher entre l’employeur persuadé de pouvoir agir en toute liberté, et les membres de la délégation du personnel au sein du CSE qui eux, espéreront être impliqués dans la prise de décision.
En vue d’éviter l’aléa judiciaire et anticiper la survenance de tels litiges, l’exploitation du champ de la négociation collective ouvert par le Code du travail (C. trav., art. L 2312-55) doit là encore être encouragé.

Outre leurs attributions économiques, les membres du CSE des entreprises d’au moins cinquante salariés ont encore leur mot à dire en cas de rupture par l’employeur du contrat de travail d’un salarié protégé (C. trav., art. L 2421-3, al. 1). Cet avis est attendu lorsque le projet de rupture du contrat à l’initiative de l’employeur concerne un membre de la délégation du personnel du CSE, qu’il soit titulaire ou suppléant. Sont également visés les représentants syndicaux au CSE, les représentants de proximité, ainsi que les représentants extérieurs au sein de la commission santé, sécurité et conditions de travail élargie des entreprises à haut risque industriel (C. trav., art. L 2421-4).

Au-delà des dispositions visant la définition des attributions élargies des CSE des entreprises d’au moins cinquante salariés, il existe enfin une multitude de dispositions éparses dans le Code du travail qui subordonnent la décision de l’employeur au recueil préalable de l’avis du CSE, "dès lors qu’il existe". Cette mention ainsi que l’emplacement dans le Code du travail des dispositions mentionnant ces cas de consultation invitent à considérer que la parole est donnée aux membres du CSE, cette fois sans considération de l’effectif de l’entreprise.
Il s’agit finalement de toutes les mesures et décisions prises par l’employeur après avis des instances représentatives du personnel telles qu’elles existaient avant l’entrée en vigueur des ordonnances. L’article 4 de l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 a pris le soin de remplacer par "comité social et économique" chacun des termes qui désignaient les instances sous leur ancienne dénomination.
Pour délimiter ces attributions, le CSE d’une entreprise de moins de cinquante salariés pourra se référer aux articles qui mentionnaient anciennement les délégués du personnel et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Tous ces cas de consultation doivent être considérés dès le début du mandat dont doivent se saisir les membres de la délégation du personnel. Néanmoins là encore, l’inévitable énigme que doivent résoudre les nouveaux élus tient à la portée de l’avis ainsi rendu. Si les domaines de consultations sont nombreux, ce qui peut dans certaines circonstances effrayer les membres de la direction, les élus ont-ils un véritable pouvoir d’influence des décisions prises par l’employeur ?
L’avis du CSE peut être favorable, défavorable, ou favorable avec réserves.

L’employeur doit-il abandonner tous ses projets rejetés par la délégation du personnel ?

Certes, le fait de se dispenser de l’avis du CSE alors même qu’il est requis n’est pas sans conséquence pour l’employeur, qui pourra se voir infliger une amende de 7.500 € sur le fondement de l’article L.2317-1 qui réprime le délit d’entrave au fonctionnement régulier du CSE.

La consultation du CSE peut par ailleurs constituer une formalité substantielle. C’est le cas lorsque les élus sont consultés sur l’introduction ou la modification du règlement intérieur de l’entreprise (C. trav., art. L.1321-4 al. 1er et 4). Les dispositions du règlement intérieur adopté sans avis préalable du CSE sont inopposables aux salariés (Cass. soc., 4 juin 1969, n°68-40.377 P, Cass. soc., 9 mai 2012, n°11-13.687, FS-PB ; Cass. soc. 11 fév. 2015, n°13-16.457). Seules les dispositions relatives à la santé et la sécurité peuvent être immédiatement opposables aux salariés lorsque l’urgence le justifie (C. trav., art. L.1321-5, al. 2).

Mais qu’en est-il du fait, pour l’employeur, de ne pas tenir compte de l’avis rendu ?
En principe, l’avis du CSE n’est que consultatif. Il ne s’agit pas d’un avis conforme. Par exception, le Code du travail donne au CSE une véritable force d’opposition lorsque son avis est recueilli sur certains sujets :
- l’embauche du médecin du travail, en dehors des services de santé au travail interentreprises (C. trav., art. R.4613-5) ou du conseiller du travail (C. trav., art. D. 4623-5)
- la mise en place d’horaires individualisés (C. trav., art. L.3121-48 al. 1) : sur ce point, l’administration (Circ. DRT. 94-4 du 21 avr. 1994) indique que si la majorité des voix des membres présents rejettent le projet, sa réalisation ne peut être poursuivie par l’employeur.
- le remplacement du paiement des heures supplémentaires par un repos équivalent par décision unilatérale, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical (C. trav., art. L.3121-37, al. 1) : dans cette situation, les mêmes modalités que celles mentionnées ci-dessus doivent être appliquées.
- le refus de l’employeur d’accorder une autorisation d’absence à un salarié pour un congé de formation économique, sociale et syndicale et pour participer aux réunions d’associations familiales dont il est représentants (C. trav., art. L.2145-11) : ici, l’employeur ne peut refuser d’accorder le congé de formation économique, sociale et syndicale, que lorsque les membres du CSE s’accordent avec lui pour considérer que l’absence du salarié ayant formulé la demande aurait des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l’entreprise.

Dans toutes les autres hypothèses, l’avis du CSE n’a pas de caractère impératif, et par conséquent n’empêche pas véritablement l’employeur d’agir.

Face à ce constat, les craintes de l’employeur suite à la mise en place du CSE pourraient s’amenuiser… A l’inverse, les nouveaux élus les plus enthousiastes à l’idée de se saisir de leurs nouvelles missions représentatives pourraient s’estimer déçus de l’absence de véritable force d’opposition vis à vis des décisions prises par la direction et ayant des incidences sur les conditions de travail des salariés. Mais le contenu de l’avis du CSE n’est pas totalement dépourvu d’effet.

La force contraignante conférée à cette obligation de consultation tient premièrement à la possibilité de saisir le juge judiciaire en cessation du trouble illicite. Le juge, statuant en référé, pourra suspendre la mise en œuvre d’un projet par l’employeur sans que celui-ci ait dûment consulté les représentants du personnel.

D’ailleurs, sans même que le CSE n’ait à prendre l’initiative d’une telle action, l’inspecteur du travail, en cas de contrôle, pourrait être interpellé par l’absence de prise en compte systématique des avis rendus par le CSE.

Enfin, l’avis du CSE a également des répercussions indirectes sur le climat social de l’entreprise. Le fait pour les membres du CSE de donner son avis permet d’asseoir leur rôle vis-à-vis du personnel qu’il représente. Il est important de consigner les avis défavorables formulés par les élus, même si le projet est tout de même adopté.

En sommes, plus que d’être recueillie, la parole du CSE a tout intérêt à être considérée.

Alors, membres du CSE, à vos avis !

Lena Dave
Juriste / formatrice droit social
Cabinet Consilum
www.cabinet-consilium.com
contact chez cabinet-consilium.com

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