L’article L. 351-4 du Code de la sécurité sociale prévoit que lors de leur départ à la retraite « les femmes assurées sociales bénéficient d’une majoration de leur durée d’assurance d’un trimestre pour toute année durant laquelle elles ont élevé un enfant, dans des conditions fixées par décret, dans la limite de huit trimestres par enfant ».
Force est de constater que les avantages prévus par ce texte ne sont accordés qu’aux femmes, à l’exclusion des assurés de sexe masculin. Cette différence de traitement entre les hommes et les femmes amène inexorablement à s’interroger sur le caractère discriminatoire de ces dispositions.
Dans un arrêt en date du 19 février 2009 (Cass. 2e Civ., 19 février 2009, n°07-20.668, « CRAM des Pays de Loire c/ Kierzkowski » : JurisData n° 2009-047192), la Cour de cassation a statué de manière on ne peut plus claire sur cette question. La Haute juridiction a décidé en effet que ce texte, qui réserve exclusivement aux femmes le bénéfice d’une majoration de carrière pour avoir élevé des enfants, est incompatible avec les stipulations des articles 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et de l’article 1er du protocole additionnel n°1 annexé à ladite convention.
Cette solution remarquable ne peut qu’emporter l’adhésion, tant par la clarté de sa motivation que par l’importance sa portée.
En effet, il convient de souligner qu’en 2005, la HALDE avait d’ores et déjà relevé le caractère discriminatoire de l’article L. 351-4 précité, en attirant l’attention du législateur sur la nécessité d’une modification de ces dispositions contraires au droit européen, mais en vain.
Bien que l’égalité fasse partie de sa devise, il semblerait que, par les temps qui courent, la mère patrie des droits de l’homme ait d’autres priorités que la hiérarchie des normes.
Pourtant si l’on s’intéresse aux critères retenus pour accorder des avantages aux femmes ayant élevé des enfants, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas de compenser les désavantages liés au congé de maternité, le seul critère pertinent pour l’octroi de ces avantages étant la période consacrée à l’éducation des enfants. Dans ces conditions, rien ne justifie que des hommes qui ont élevé des enfants dans les mêmes circonstances fassent l’objet d’un traitement différencié.
D’ailleurs, dans un arrêt du 21 décembre 2006 (Cass. 2e Civ., 21 décembre 2006, n° 04-30.586.), la Cour de cassation avait statué dans ce sens en faveur d’un père de famille qui avait élevé seul son fils.
Il est donc permis de considérer l’arrêt du 19 février 2009 comme une véritable jurisprudence sur laquelle les pères de famille assurés sociaux du régime général peuvent se fonder pour réclamer à leur tour une majoration de leur durée d’assurance.
N’en déplaise aux caisses de retraite, « en période de vaches maigres, à défaut de sa mère, le nourrisson tète sa grand-mère ». La législation française étant discriminatoire, le justiciable se tourne à juste titre vers la norme supérieure que constitue la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Kassoum TAPO