ChatGPT : quelles sont ses capacités juridiques et ses apports pour les juristes de demain ?

Christ FOUA, étudiant en Master 1 de droit des affaires, parcours juriste d’entreprise à l’Université Paris-Saclay (site d’Evry)

ChatGPT est un logiciel multitâche qui donne l’impression de converser avec un savant. À la différence de Google qui vous propose une multitude de réponses sur une question, ChatGPT vous donne la meilleure réponse à votre question.
ChatGPT va t’il remplacer les juristes ?

L’analyse de Christ Foua, Etudiant.

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Dans un monde sans cesse en évolution d’un point de vue technologique, ce logiciel vient semer un vent de terreur dans le monde du travail.

Lors de la révolution industrielle, beaucoup de postes ont été remplacés par des robots mécaniques jugés plus productifs. Aujourd’hui, ChatGPT est pressenti pour certains comme le logiciel qui dispensera d’employer des cadres pour des tâches jugées jusque-là trop techniques, les juristes n’étant pas écartés. Le juriste pris au sens de toute personne capable de donner une solution juridique à un problème dans un domaine donné.

Fort de ce constat, il sera judicieux de se poser la question suivante : ChatGPT fera-t-il disparaître les juristes ?

Il sera donc question d’évaluer les capacités juridiques de ChatGPT d’une part (I) et d’autre part, d’envisager l’apport que pourrait apporter un tel logiciel aux juristes de demain (II).

I- Evaluation des capacités juridiques de ChatGPT.

Pour ce test, nous allons utiliser un cas pratique en droit social, inventé par l’émérite professeur Yannick Pagnerre, destiné aux étudiants en troisième année de licence de droit à l’Université d’Evry Val d’Essonne.

Concrètement, le sujet sera copié et collé sans instruction supplémentaire de sorte que le logiciel soit dans les mêmes conditions qu’un étudiant en licence 3 de droit, une comparaison sera ensuite, faite sur le résultat obtenu par le logiciel et celui-ci d’un étudiant du même niveau :

Il n’y pas besoin d’analyser la réponse, elle est fausse tant au niveau du fond, que de la forme.

Réponse.

Il s’agissait ici d’une analyse de marché convoquée à un entretien préalable pour des faits qui se sont produits 3 mois avant. La direction des ressources humaines estime que les faits de sont pas encore prescrits puisqu’elle en a été informée le 6 décembre 2022 ; tandis que la concernée plaide la prescription.

Les faits sont-ils prescrits ?

Selon l’article L1332-4 du Code du travail, la poursuite par l’employeur de faits fautifs commis par son salarié, ne peut se faire au-delà de 2 mois à compter de la connaissance des faits, à moins qu’il y ait des poursuites pénales entre temps sur les mêmes faits.

L’hypothèse de la poursuite pénale doit être écartée d’office puisqu’il n’y en a pas en l’espèce.

Dans un arrêt du 23 juin 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que le délai de prescription commence à courir à partir de la connaissance des faits fautifs par le supérieur hiérarchique du salarié, sans qu’il y ait lieu de vérifier si ce dernier avait, au moment des faits, un pouvoir disciplinaire.

En l’espèce, les faits fautifs ont été connus par le responsable de la formation des analystes le 6 septembre 2022 puisqu’il en était la victime. Ce dernier est le supérieur hiérarchique de tous les analystes de marché de l’entreprise puisqu’il est chargé de leurs formations. Trois mois se sont écoulés entre la connaissance des faits fautifs par le responsable et la transmission de ces faits à la direction des ressources humaines.

La prescription a donc commencé à courir à partir du 6 septembre 2022, ainsi, les faits étaient prescrits depuis le 6 novembre 2022.

En somme, les faits sont prescrits et la salariée ne pourra pas faire l’objet d’une sanction disciplinaire sur la base de ces faits.

Conclusion, le logiciel n’est pas à la hauteur, il faut toutefois, prendre ces résultats avec un peu de recul. En effet, le logiciel n’a pas pu générer un tel raisonnement, car il n’a pas spécialement été conçu pour ça. Pour rappel ChatGPT est un logiciel qui répond à toutes les questions peu importe le domaine. S’il avait été alimenté de toutes les bases de données juridiques françaises et de tous les manuels de méthodologie des cas pratiques, le logiciel aurait à coup sûr, donné une réponse plus poussée que celle d’un brillant étudiant en droit du même niveau en moins d’une minute.

Est-ce pour autant qu’il remplacera le juriste ?

II- Les apports de ChatGPT pour les juristes de demain.

Même dans l’hypothèse où le logiciel serait alimenté de toutes les bases de données juridiques et de tous les manuels de méthodologie de cas pratique, celui-ci ne pourra pas remplacer les juristes.

En effet, un bon juriste, c’est avant tout, une personne dotée d’une bonne oreille et d’un bon flair. La bonne oreille, pour écouter attentivement le récit d’un justiciable. Le bon flair pour flairer le moindre problème juridique dans le récit. Le bon juriste est donc une personne capable de déceler dans le récit d’une autre personne, qui peut avoir un registre de langue parfois inférieur à lui, une personne méconnaissant complètement l’injustice qu’elle subit ou encore une personne ayant peur de dévoiler ce qu’elle subit. Or, ChatGPT est efficace à condition de lui poser les bonnes questions, dans le bon contexte.

Dans cette hypothèse, le juriste de demain sera donc la personne capable d’être le canal qui transmet au logiciel les problèmes juridiques qu’il aura décelés d’un récit. Le logiciel sera à son tour chargé de rédiger la meilleure solution au problème trouvé par le juriste en un temps record. Rien n’empêche ensuite de vérifier la conformité des écrits afin d’exclure toute erreur.

En clair, le juriste et la machine ne feront plus qu’un. Dans une profession où les heures de travail ne cessent d’augmenter, le logiciel par sa rapidité permettra aux juristes de mener une vie familiale normale.

Christ FOUA, étudiant en Master 1 de droit des affaires, parcours juriste d’entreprise à l’Université Paris-Saclay (site d’Evry)

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  • Dernière réponse : 7 février 2023 à 17:07
    par Emmanuel Barthe , Le 7 février 2023 à 15:35

    Message pour l’auteur :

    Bonjour M. Foua,

    Loin de moi l’idée de nier les apports de GPT et ses avatars, mais vous n’êtes probablement pas sans savoir qu’une com’ à la fois hyperbolique et alarmante domine l’information sur l’IA.

    Quelles sont vos sources pour vos affirmations ? Avez-vous testé le cas pratique de M. Pagnerre réécrit avec les faits juridiquement qualifiés ? Qu’est-ce que cela a donné ? Avez-vous envisagé la possibilité que vérifier la production de l’IA prenne plus de temps que de faire ses propres recherches ? L’IA générative/LLM étant essentiellement une analyse statistique d’immenses volumes de langage https://scoms.hypotheses.org/1059 comment pourra-t-elle se prononcer sur l’application de nouveaux textes, notamment des directives européennes ? Ou sur des points de droit non interprétés par la jurisprudence et peu ou pas par la doctrine ? Ou prendre en compte un revirement de jurisprudence ?

    Pour information, vous pouvez consulter mon "paper" sur l’IA juridique, mis à jour depuis 2017 ici : https://precisement.org/blog/Intelligence-artificielle-en-droit-derriere-la-hype-la-realite.html

    • par Christ FOUA , Le 7 février 2023 à 17:07

      Tout d’abord, mon objectif était de démontrer les limites du logiciel Chat GPT dans sa configuration actuelle, pour ce qui est du domaine juridique, tout en excluant pas les apports d’un tel logiciel développé avec des bases de données juridiques plus solides. Mon analyse reposait sur une tache précise dans la vie d’un juriste à savoir la résolution de cas pratique dans un domaine précis, le droit social. L’analyse des enjeux juridique dans un cadre plus générale demanderai un travail gigantesque tant le droit est vaste, je ne pense pas vous apprendre grande chose sur ce point. J’ai mis le logiciel dans les même dispositions qu’un étudiant en droit car je suis moi-même étudiant. Je fais ma part, aux autres d’en faire de même.

      Une fois que cela est dit, il faut préciser qu’au-delà, de l’aspect humain du travail d’un juriste (pris au sens de toute personne capable de résoudre un problème juridique en raison d’une formation diplômante), la résolution d’un cas pratique est une exerce de raisonnement mathématique.
      Ex : pour retenir la responsabilité civile d’une personne sur la base de l’article 1240 du code civil, il faut : une faute + un lien de causalité + un dommage.
      Si on part sur cette logique, le revirement de jurisprudence correspondra à une soustraction.
      La transposition d’une direction correspondra à une addition (si elle est nouvelle) ou une soustraction si elle remplace un texte en vigueur dans l’Etat membre…
      Un logiciel développé avec ces commandes, n’aura pas de mal à résoudre des problèmes juridiques.

      Cela parait utopique vue comme ça, pour en arriver à me répondre sur cette plateforme, il a fallu que des gens pensent une telle possibilité. Aujourd’hui je fais partie de ceux qui pensent que ces logiciels soulageront beaucoup juristes dans l’avenir.

      En attendant, il y a des nouvelles versions du logiciel en préparation, attendons de voir.

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