La régularisation des associations syndicales libres : soulagement après l’article 59 de la loi ALUR.

Par Thierry Vallat, Avocat.

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Explorer : # régularisation # associations syndicales libres # loi alur # mise en conformité

Dans le foisonnement des dispositions de la loi ALUR du 24 mars 2014, son article 59 mérite une attention toute particulière en levant enfin toute ambiguïté sur l’épineuse question de la régularisation des Associations Syndicales Libres (ASL).

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La régularisation des Associations Syndicales Libres (ASL) pose une réelle difficulté depuis 10 ans.

En effet, il faut rappeler que l’article 60 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 a exigé d’une part que les ASL, régies par la loi du 21 juin 1865, mettent en conformité leurs statuts avec le nouveau dispositif légal et, d’autre part, impartissait à ces associations de propriétaires pour cette mise en conformité un délai de deux ans à compter de la publication du décret prévu à l’article 62 de l’ordonnance de 2004, qui est intervenue le 5 mai 2006 : de fait, la date butoir pour cette mise en conformité était le 5 mai 2008.

Or, beaucoup d’Associations Syndicales Libres, ainsi que les Associations Foncières Urbaines Libres (AFUL) qui y sont assimilées, n’ont toujours pas effectué cette mise en conformité obligatoire.

Et c’est ainsi que certains membres de ces associations, débiteurs de charges par exemple, ont commencé à profiter de cette faille pour éluder leurs obligations envers les ASL.

Car la réglementation de 2004 avait prévu une sanction pour les associations défaillantes à se mettre en conformité (article 60) et pour celles non déclarées (article 5) : l’article 5 de l’ordonnance réserve en effet la possibilité d’ester en justice pour les seules associations syndicales en règle de leurs formalités de publicité et de conformité.

Dès lors, les ASL et AFUL aux statuts non conformes, si elles conservent leur existence juridique (alors que celles non déclarées n’ont aucune existence jusqu’à leur déclaration publiée), ne peuvent agir en justice !

C’est ce qu’avait confirmé un arrêt rendu par la Cour de cassation du 5 juillet 2011 (Cass. 3ème civ. 5 juillet 2011 pourvoi n° 10-15.374) que certains interprétaient comme empêchant même tout effet d’une régularisation a posteriori.

Un nouvel arrêt rendu le 11 septembre 2013 (Cass. 3ème civ. 11 septembre 2013 pourvoi 12-22.351) est venu enfoncer le clou : la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a tout d’abord considéré que l’absence de mise en conformité des statuts de l’ASL ne remettait en effet nullement cause l’existence légale de cette association, qui résultait du consentement unanime de ses membres constaté par écrit et que l’omission des formalités de publicité ne pouvait être opposée aux tiers par les membres de l’association.
Mais, au visa de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour de cassation précisait également qu’à défaut de l’accomplissement des formalités de publication nécessaires pour acquérir la capacité d’ester en justice, l’ASL ne pouvait intervenir à une procédure.

La sanction était donc confirmée : existence de l’ASL, mais incapacité pour cette dernière de pouvoir intervenir en justice, et grande incertitude de l’effet réel de la régularisation des statuts

Une très récente décision du 13 février 2014 (Cass. 3ème civ 13 février 2014 pourvoi 13-22.383) était cependant déjà venu adoucir la rigueur jurisprudentielle en précisant que les associations syndicales libres avaient la possibilité de recouvrer leur droit d’ester en justice en accomplissant, même après l’expiration du délai prévu par l’article 60, les mesures de publicité prévues par l’article 8 de ladite ordonnance.

L’article 59 de la Loi ALUR vient donc modifier l’article 60 de l’ordonnance du 1er juillet 2014 qui est désormais libellé comme suit :
« I. - Les associations syndicales de propriétaires constituées en vertu des lois des 12 et 20 août 1790, 14 floréal an XI, 16 septembre 1807, 21 juin 1865 et 8 avril 1898 sont régies par les dispositions de la présente ordonnance.
Toutefois, leurs statuts en vigueur à la date de publication de la présente ordonnance demeurent applicables jusqu’à leur mise en conformité avec les dispositions de celle-ci. Cette mise en conformité doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de la publication du décret en Conseil d’Etat prévu à l’article 62. A l’exception de celle des associations syndicales libres, la mise en conformité est approuvée par un acte de l’autorité administrative ou, à défaut d’approbation, et après mise en demeure adressée au président de l’association et restée sans effet à l’expiration d’un délai de trois mois, l’autorité administrative procède d’office aux modifications statutaires nécessaires.

Par dérogation au deuxième alinéa, les associations syndicales libres régies par le titre II de la présente ordonnance, qui ont mis leurs statuts en conformité avec les dispositions de celle-ci postérieurement au 5 mai 2008, recouvrent les droits mentionnés à l’article 5 de la présente ordonnance dès la publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, sans toutefois que puissent être remises en cause les décisions passées en force de chose jugée. »

Le débat est donc désormais clos sur le sujet, ce qui permettra n’en doutons pas à de nombreuses Associations Syndicales Libres de recouvrer notamment leur possibilité d’ester en justice et de poursuivre leurs débiteurs en recouvrement de charges impayées.

On ne saurait donc trop conseiller aux associations qui n’auraient pas encore procédé au toilettage de leurs statuts que de le faire sans tarder.

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Discussions en cours :

  • par belzung , Le 29 mars 2016 à 19:15

    bonjour, la loi ALUR prevoit l’obligation de déclaration des statuts dans les deux mois de la publication d’un décret pris en Conseil d’Etat. Mais rien dans l’article sur ce décret !!!
    Quels sont les références, la date de ce décret.
    que se passe-t-il si on régularise après le délai.

  • Dernière réponse : 20 novembre 2015 à 15:54
    par MCD , Le 13 avril 2014 à 07:27

    Dès lors, les ASL et AFUL aux statuts non conformes, si elles conservent leur existence juridique (alors que celles non déclarées n’ont aucune existence jusqu’à leur déclaration publiée), ne peuvent agir en justice

    A bien comprendre,« l’existence juridique » de ces personnes morales découlerait de ce qu’elles sont « déclarées » ou l’ont été, avant la publication du décret du 3 mai 2006.

    Dans le dispositif légal abrogé, la déclaration devait être faite en préfecture, suite à une assemblée générale constituante adoptant les statuts donnant son nom, son périmètre et son objet à l’ASL.
    Les statuts devaient comporter la liste des immeubles regroupés dans le périmètre et le plan situant ces immeubles avec leurs références cadastrales.
    En cas de défaut de conformité légale du contenu statutaire, les juridictions civiles sont compétentes pour régler les litiges qui en dérivent.

    Sans liste des immeubles du périmètre, comment "prouver" que l’immeuble N est dans le périmètre de l’ASL ?
    Comment dresser la "liste des propriétaires" et l’actualiser en appliquant les dispositions légales ?

    En pratique, s’agissant de lotissements, leurs cahiers des charges publiés apportent les précisions utiles...mais alors "le consentement unanime des propriétaires concernés constaté par écrit" (qui n’est pas dans les statuts), est dans un document immuable dont les dispositions prévalent sur celles des statuts qui ne peuvent y déroger à peine de violations des clauses conventionnelles.

    Le nouveau dispositif légal est venu rebattre les cartes pour ces ASL qui fonctionnaient à la va comme je te pousse.

    Elles devaient accomplir les formalités de déclaration et de publication,
    le cas échéant, leurs statuts anciennement déclarés mais non conformes aux dispositions légales voire aux dispositions conventionnelles devaient être "mis en conformité".

    Le projecteur ayant été mis sur les discussions byzantines autour de l’article 60, ont perduré pour longtemps les situations compliquées par des statuts non conformes, essentiellement sans liste des immeubles, et pire, non conformes aux dispositions conventionnelles des cahiers des charges (notamment l’objet de l’ASL et la répartition des cotisations aux immeubles).

    En résumé, les statuts d’une ASL ne sont pas "libres", le périmètre doit être précisément identifié et l’objet doit être conforme à l’article 1 de l’Ordonnance, d’une part, et les dispositions conventionnelles des cahiers des charges et des actes de vente règlent les rapports entre les propriétaires qui ne peuvent s’en dégager en constituant l’ASL .

    • par luce , Le 5 novembre 2014 à 08:22

      Bonjour,
      je ne suis pas juriste juste colotis et voilà trois ans que la bataille entre proprietaires existent autour de l’asl .
      Celle ci a apparement pas mis les statuts à jour, possede des terrains vers et à revendu les voirie à la Communaute urbaine.
      Aujourdh’ui, la mise en conformité peut elle encore se faire . ASL plus de 20 ans , nous considerée comme lotissement pour la mairie. Et un cahier des charges des années 70.
      que faire ? pouvez vous m’orienter dansmes demarches ?
      Luce

    • par SCIACCA , Le 15 novembre 2014 à 16:13

      Bonjour,

      Nous sommes 51 maisons en ASL pouvez vous me dire si nous sommes concernés par la loi ALUR

    • par Thierry Vallat , Le 17 novembre 2014 à 08:14

      La loi Alur concerne l’ensemble des ASL et la votre est-donc également soumise à ses dispositions

    • Le cahier des charges d’une ASL réglait un certain nombre de problème concernant les aspects extérieurs des maisons, les ravalements, la pose de velux, l’entretien des jardins, la hauteur des arbres ou murets séparatifs etc...
      La Loi ALUR a t-elle pour effet de remettre en cause ce règlement intérieur qui faisait ’’Force de Loi’’ Une mairie me soutient que la pose d’un Velux est désormais réglementé par cette Loi et qu’il n’est plus possible d’obtenir des autorisations même si le projet vise à respecter ce qui a toujours été fait au sein de notre résidence par le choix de l’emplacement, les dimensions, les servitudes de vue auxquelles les riverains ont renoncé tacitement (ils existent déjà vu la configuration)
      J’ai l’impression que nous créons de nouveaux problèmes là ou il y avait la PAIX !!!

    • par Excoloti , Le 20 novembre 2015 à 15:54

      Bonjour,
      Comment une asl dont les statuts ont été publiés en 1990 et non mis à jour depuis cette date,
      peut elle procéder à la vente des parties communes (voiries) à la commune par acte notarié (juin 14) ?
      Quelle est la valeur du vote de la dissolution de cette asl (novembre 15) ?

  • par WIDOWIAK Martine , Le 28 septembre 2015 à 22:04

    bonjour,
    Je suis à la recherche d’un article pour notre ASL d’adduction d’eau, car la mairie avec qui nous n’avons aucun contrat, ni d’affermage, ni de convention, souhaite que l’ASL (suite au passage d’un agent de l’ARS), soit propriétaire du terrain de la source, or ce terrain appartient à un habitant du village voisin et tout se passe pour le mieux depuis 60ans, mais celui ci ne souhaite vendre sa parcelle de terrain.
    Merci par avance
    Bien cordialement.
    Mme WIDOWIAK

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