Remise en vigueur des POS : un dernier délai.

Par Ludovic Giudicelli, Avocat.

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Explorer : # urbanisme # plans d'occupation des sols (pos) # loi elan # caducité

Le Conseil d’Etat a rendu un avis particulièrement éclairant sur les modalités d’applications de la loi Elan concernant le délai de caducité des plans d’occupation des sols (POS) remis en vigueur du fait d’une annulation [1].

Le délai de caducité de vingt-quatre mois prévu par l’article L. 174-6 du code de l’urbanisme n’est applicable, pour les POS remis en vigueur avant l’entrée en vigueur de la loi Elan, qu’à compter du 25 novembre 2018.

-

Le tribunal administratif de Poitiers a été saisi d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision du Maire des Mathes refusant de délivrer un permis de construire une maison d’habitation.

Faisant application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, la juridiction administrative a décidé de transmettre le dossier au Conseil d’Etat pour avis sur une question de droit fort intéressante.

La question du tribunal administratif de Poitiers était formulée dans les termes suivants :

« 1°) Le délai de caducité des plans d’occupation des sols remis en vigueur du fait d’une annulation, prévu par l’article L. 174-6 du code de l’urbanisme au terme de vingt-quatre mois, est-il applicable lorsque l’annulation d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale est intervenue avant le 25 novembre 2018, date d’entrée en vigueur de la loi ELAN ;

2°) Dans l’affirmative, le délai de vingt-quatre mois doit-il commencer à courir à compter de l’annulation du plan local d’urbanisme, du document d’urbanisme en tenant lieu ou de la carte communale, ou du jour de l’entrée en vigueur de la loi ELAN. »

L’on se souvient que l’article 34 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Elan, a largement modifié l’article L. 174-6 du code de l’urbanisme [2].

Avant la loi Elan, ce texte précisait que l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu intervenant après le 31 décembre 2015 ayant pour effet de remettre en application le document immédiatement antérieur pouvait remettre en vigueur, le cas échéant, le plan d’occupation des sols immédiatement antérieur.

L’ancienne rédaction précisait que dans ce cas, l’ancien plan d’occupation des sols pouvait également faire l’objet, pendant le délai de deux ans suivant la décision du juge devenue définitive, d’une révision selon les modalités définies par l’article L. 153-34 du code de l’urbanisme.

En synthèse, les anciennes dispositions ne prévoyaient aucun délai de caducité pour les POS remis en vigueur.

Or, une telle situation n’était pas tenable compte-tenu du contenu des plans d’occupation des sols, qui ne sont manifestement plus adaptées aux enjeux actuels de planification urbaine, notamment en matière de protection de l’environnement.

C’est la raison pour laquelle le législateur a saisi l’occasion de la dernière réforme d’urbanisme pour fixer un délai de caducité des POS remis en vigueur.
Cela relève du bon sens, puisque la loi ALUR avait posé en son temps le principe de caducité des POS, en vain.

Il était donc temps d’en terminer avec ces documents d’urbanisme.

La loi Elan a donc modifié l’article L. 174-6 du code de l’urbanisme en indiquant que le plan d’occupation des sols immédiatement antérieur redevient applicable pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la date de l’annulation ou de la déclaration d’illégalité.

La réforme a également précisé que durant cette période de vingt-quatre mois, le plan d’occupation des sols remis en vigueur ne pouvait faire l’objet d’aucune procédure d’évolution.

Enfin, conséquence logique, à l’issue de cette période de vingt-quatre mois, et à défaut de plan local d’urbanisme ou de carte communale exécutoire, le règlement national d’urbanisme devenait applicable.

La logique de cette modification a été parfaitement rappelée par le député Jean-Paul Mattei lors des débats parlementaires.

Ce dernier a résumé la situation en indiquant que :

« Près de dix-sept ans après la loi du 13 décembre 2000, l’article 12 vise à acter définitivement la disparition des POS. Alors qu’ils devaient théoriquement avoir disparu depuis le 26 mars 2017, ils ont bénéficié d’une succession de dispositions transitoires ou dérogatoires favorisant le prolongement de leur durée de vie. Au 25 septembre 2017, on dénombrait cinquante et une communes couvertes par un POS à la suite de l’annulation d’un PLU. Il existe aujourd’hui un risque juridique que ces POS remis en vigueur conduisent à autoriser certaines occupations du sol prohibées par la réglementation actuelle ou contraires aux objectifs des politiques publiques. » [3]

Dans ce contexte, l’on ne peut qu’approuver la question du tribunal administratif de Poitiers dans la mesure où il existait une incertitude juridique sur la durée de validité des POS remis en vigueur avant l’adoption de la loi Elan.

L’avis du Conseil d’Etat est particulièrement didactique.

Il constate que les dispositions de l’article 34 de la loi du 23 novembre 2018 modifiant l’article L. 174-6 du code de l’urbanisme sont, en l’absence de dispositions expresses contraires, immédiatement applicables et sont entrées en vigueur le 25 novembre 2018, un jour après la publication de la loi au Journal Officiel.

Le Conseil d’Etat indique que, compte-tenu de l’objet et des termes de l’article L. 174-6 du code de l’urbanisme, qui ne prévoit aucune rétroactivité, « le délai de vingt-quatre mois qu’il prévoit, qui est immédiatement applicable, y compris lorsque la décision prononçant l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale est intervenue avant son entrée en vigueur, ne commence à courir, pour les plans d’occupation des sols remis en vigueur par des annulations prononcées avant l’entrée en vigueur de la loi, qu’à la date de son entrée en vigueur ».

Il faut donc distinguer les deux cas suivants :

Pour les POS remis en vigueur avant l’entrée en vigueur de la loi Elan :
-  le délai de caducité de vingt-quatre mois court à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi Elan, soit le 25 novembre 2018 ;
-  les POS remis en vigueur seront donc caducs au 25 novembre 2020.

Pour les POS remis en vigueur après l’entrée en vigueur de la loi Elan :
-  le délai de caducité de vingt-quatre mois commence à courir à compter de la date de l’annulation ou de la déclaration d’illégalité du plan local d’urbanisme ou du document d’urbanisme en tenant lieu.
-  Les POS remis en vigueur seront caducs à l’issue d’un délai de vingt-quatre mois.

Ludovic Giudicelli
Avocat au Barreau de Paris

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Notes de l'article:

[1Conseil d’Etat, Avis, 3 avril 2020, Commune des Mathes, n° 436549, Mentionné aux tables du recueil Lebon

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Discussions en cours :

  • par juvet , Le 4 août 2022 à 16:36

    Monsieur
    Monsieur,

    j’allais oublier :
    Une commune géré par le POS veut intégrer un EPCI
    Dans le fait, doit-elle d’abord passer au RNU, ce qui nécessite à mon avis une procédure
    ou alors, elle doit intègre directement le PLUI. De l’EPCI avec toutes ses compétences, suite à l’accord de l’organe délibérant de l’EPCI ?

    En effet, les communes ayant le monopole de la municipalisation du sols, je constate qu’une partie notamment les communes rurales restent retentissantes quand en ce qui concerne leur intégration dans un EPCI.

    Car est-ce-qu’au regard du contexte des activités de leur territoires, craignent-elles la perte de leur pouvoir

    Merci pour votre retour

  • par juvet , Le 4 août 2022 à 15:57

    Monsieur

    J’ai bel et bien pris connaissance de l’analyse concernant la question du POS notamment prévue dans la SRU de Décembre/2000 et toutes formes de décisions que vous en faites état autour de ce pb :
    entre autres les décision du CE, la prolongation voire par ailleurs, le rappel de la la loi Elan.

    Mais en réalité, la préoccupation de l’opinion à ce jour est de savoir à quel moment la fin définitive du POS afin de laisser la place aux nouveaux outils qui aideront à la régulation des questions foncières. ( Bref il semble que le RNU s’appliquera quand une commune vaudra apporter des changements sur son POS)
    - En effet, il y a eu beaucoup de reports.
    - Le Bilan de la loi SRU est à ce jour mitigé : certaines communes ont à un moment donné, préféré les sanctions que de respecter le quota de 25 % de logements sociaux sur leur territoire.
    - La retouche de la loi SRU dans un sens comme dans l’autre ne risque-t-il pas d’empirer les choses ?
    Merci pour votre retour

  • par BERNARD , Le 27 avril 2020 à 10:39

    Le principe de causalité en science physique veut qu’il n’y ait pas d’effets sans cause. Si on dit qu’une loi n’est pas rétroactive mais que l’on supprime pour l’avenir les effets d’une loi antérieure, alors on touche à la cause, et la rétroactivité est donc patente. Le conseil d’Etat, dans son raisonnement, se contredit donc lui-même et n’importe quel physicien serait probablement d’accord pour le reconnaître. En clair, on ne peut pas dire en même temps une chose... et son contraire.

    Il faudrait d’ailleurs que les juristes se saisissent du problème pour lever toute ambiguïté sur la question de la non rétroactivité des lois nouvelles au regard des droits acquis par les lois antérieures, ceci en lien avec le principe de causalité de la science pure, faute de quoi le droit lui-même ne peut valablement être qualifié de science (humaine).

    Sur le fond, la loi Elan n’étant pas rétroactive aux dires du CE, l’ancienne loi aurait dû continuer à produire ses effets pour tous les POS remis en vigueur avant la parution de la loi Elan et ce, jusqu’à l’approbation d’un nouveau PLU venant en remplacement de celui annulé.

    Pour que la situation soit claire, et la situation logique, il aurait fallu :
    - soit que la loi Elan soit expressément rétroactive,
    - soit qu’elle abroge la loi ancienne en précisant toutefois que par exception, ses effets étaient continués jusqu’au 25 novembre 2020.

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