La rupture conventionnelle.

Par Fabien Kovac, Avocat.

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Explorer : # rupture conventionnelle # contrat de travail # procédure # indemnité

La rupture conventionnelle en pratique.

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Si la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, qualifiée de licenciement est souvent très bien gérée par les employeurs, il en est souvent différemment de la rupture dont le salarié prend l’initiative.

Quatre modes de rupture répondent à cette définition : la rupture conventionnelle, la démission, la prise d’acte et la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Créée en 2008, la rupture conventionnelle a connu depuis un engouement sans faille et a fait l’objet de nombreuses décisions.

Il est possible de manière pratique, à destination des professionnels du droit mais aussi et surtout des employeurs, de résumer les règles applicables à la rupture conventionnelle et ses conditions.

Textes applicables :
• Articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail ;
• Articles R. 1237-3 du Code du travail ;
• Loi n°2008-596 du 25 juin 2008 ;
• Décret n°2008-715 du 18 juillet 2008 ;
• Circulaire DGT n°2008-11 du 22 juillet 2008 ;
• Arrêté ministériel du 18 juillet 2008.

1) Définition.

La rupture conventionnelle est le contrat par lequel l’employeur et le salarié, se mettent en accord sur le principe et les effets de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, en signant une convention soumise à homologation administrative.

La rupture conventionnelle doit être distinguer de :

-  La transaction : contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Elle vise à mettre un terme à un litige entre le salarié et l’employeur. Elle organise les conséquences financières de la rupture d’une relation de travail => elle intervient après la rupture du contrat.

-  La rupture amiable : faute de texte adapté, ce type de rupture se faisait sur le fondement de l’article 1134 du Code civil. La procédure et les modalités de rupture étaient réglées par la jurisprudence. Depuis l’instauration de la rupture conventionnelle, la rupture amiable d’un CDI ne peut avoir lieu que dans ce cadre [1], sauf plan de sauvegarde des emplois ou accord de GPEC. A défaut => annulation de la procédure.

2) Champ d’application.

Elle ne concerne que les contrats à durée indéterminée et ne concerne donc pas les contrats à durée indéterminée.

• Cas d’application :

La rupture conventionnelle peut être conclue :

-  alors que l’entreprise rencontre des difficultés économiques, sauf détournement de procédure [2], lequel peut justifier un refus d’homologation [3],

-  avec un salarié victime d’un accident du travail pendant la période de suspension de son contrat [4], ou postérieurement, alors qu’il a été déclaré apte avec réserves à la reprise du travail [5], sauf en cas de fraude ou de vice du consentement (ex : entre les 2 visites médicales de reprise, alors que l’employeur, devant l’imminence d’une déclaration d’inaptitude, a cherché à échapper à son obligation de reclassement).

-  pendant un congé de maternité [6].
Attention toutefois => telle n’est pas la position retenue par l’administration qui exclue la conclusion d’une telle convention dans les cas de suspension du contrat de travail pour lesquels la rupture est strictement encadrée [7].

-  pendant un congé parental d’éducation [8]

-  pendant un congé sabbatique ou sans solde [9].

• Cas d’exclusion :

-  dans le cadre d’un accord de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC)

-  d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

3) Conditions.

-  Être en présence d’un CDI

-  Un consentement non vicié car à défaut le salarié pourrait se prévaloir devant le Conseil des Prud’hommes de la nullité de la rupture.
(Exemple : le salarié est victime de harcèlement moral) [10]

L’existence d’un conflit entre le salarié et l’employeur n’affecte pas par lui-même la validité de la convention de rupture [11].

4) Procédure.

• La rupture conventionnelle à l’initiative du salarié (par courrier mail ou oralement) est possible => l’employeur n’est pas obligé de réponde favorablement à la sollicitation, il est quand même conseillé de rencontrer le salarié.

• La convention de rupture est librement négociée au cours d’un ou plusieurs entretiens préalables => donc obligation d’au moins 1 entretien préalable.

• Au cours des entretiens, les parties peuvent se faire assister [12] :

-  la violation par l’employeur de son obligation d’informer le salarié de la possibilité de se faire assister ne justifie pas l’annulation de la rupture [13],

-  le délai de convocation à l’entretien préalable doit être suffisant pour permettre au salarié d’avoir recours à cette assistance [14].

L’assistance de l’employeur n’est possible que quand le salarié se fait lui-même assister.

• L’employeur n’est pas tenu de convoquer le salarié par écrit aux entretiens préalables [15].

• La convention de rupture définit les conditions de cessation du contrat, et notamment :

-  le montant de l’indemnité de rupture, qui ne peut être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement, ou à celui de l’indemnité conventionnelle de licenciement s’il est supérieur :
o l’ancienneté s’apprécie à la date envisagée de la rupture compte tenu des années incomplètes [16].
o le salarié ayant moins d’un an d’ancienneté peut prétendre à une indemnité calculée au prorata du nombre de mois de présence [17].
Les parties ne peuvent renoncer au versement de l’indemnité [18].
L’absence ou le retard de versement ne remet pas en cause la validité de la rupture conventionnelle [19].

-  la date de la rupture, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation.

-  les parties remplissent un formulaire type de demande d’homologation. Il existe un formulaire spécifique pour les salariés protégés.

• Aucun délai de réflexion n’est imposé par la loi => la convention de rupture peut être signée dès la fin de l’entretien entre les parties [20].

• Chacune des parties doit, sous peine de nullité, détenir un exemplaire de la convention ou du formulaire qui en tient lieu [21].

• Il est possible d’adjoindre un avenant ou un protocole plus précis à la convention d’homologation, ou possible d’annexer des feuillets [22]. Cela permet notamment :
-  d’éviter que le salarié ne vienne arguer d’un quelconque vice du consentement après,
-  de mieux contester le refus d’homologation.

Les avenants peuvent porter sur :
-  le DIF (non prévu dans les textes relatifs à la rupture conventionnelle) ; vérifier l’existence de dispositions conventionnelles de branche ou prendre contact avec l’OPCA (organisme paritaire collecteur agréé) ;
-  une éventuelle obligation de non concurrence ;
-  le sort des avantages en nature ;
-  la confidentialité de la convention ou la communication qui doit en être faite.

• Délai de rétractation => à compter de la date de signature de ce formulaire, chacune des parties peut se rétracter dans un délai de 15 jours calendaires, par lettre attestant de sa date de réception par l’autre partie [23].

L’erreur de calcul du délai de rétractation ne justifie pas l’annulation de la rupture si le salarié a bien eu la possibilité de se rétracter [24].

La rétractation = par écrit (LRAR, remise en main propre contre décharge).

Elle n’a pas à être motivée.

A la fin du délai => plus possible de se rétracter, mais il est encore possible de contester par voie judicaire.

• Dès le lendemain de la fin du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse la convention et le formulaire à la DIRECCTE.

L’administration dispose de 15 jours ouvrables (exclusion du dimanche et des jours fériés) pour en contrôler la régularité, et s’assurer du libre consentement des signataires [25].
• L’administration adresse à chaque partie un accusé de réception de la demande d’homologation spécifiant sa date d’arrivée et la date à laquelle le délai d’instruction expire.

Tout refus d’homologation doit être motivé [26].

Si le dossier est incomplet => pas d’accusé réception.
Il faudra alors régulariser => les parties devront reformuler la demande en mentionnant les éléments manquants ou erronés. La procédure n’est pas à recommencer depuis le début.

Si chacun de l’employeur et du salarié dépose une demande => prise en compte de la première demande.

• Le silence de l’administration vaut décision d’homologation.

Le contrôle porte sur les points qui permettent de vérifier :
-  le libre consentement des parties,
-  les éléments fondant l’accord du salarié (exemple : le montant de l’indemnité, le respect du délai de rétractation…).
Pas de contrôle sur l’existence ou non d’un motif particulier justifiant le recours à la rupture conventionnelle.

Exemples de cause refus d’homologation :
-  Informations sur les parties manquantes
-  L’ancienneté : elle doit être calculée à la date présumée de la rupture (lendemain de la date d’homologation présumée) ou à la date postérieure fixée par les parties.
-  Les salaires des 12 derniers mois (si la date de la rupture est postérieure, les salaires retenus ne doivent pas désavantager le salarié)
-  La tenue d’au moins un entretien
-  Les qualités des assistants des parties
-  Le montant de l’indemnité spécifique de la rupture conventionnelle
-  La date envisagée de la rupture
-  Le respect du délai de rétractation

• Si le salarié est un salarié protégé :
-  Formulaire spécifique
-  L’autorisation vaut homologation.
-  la consultation pour avis du comité d’entreprise => doit se faire avant la signature de la convention de rupture.

• La rupture du contrat de travail intervient le lendemain du jour de l’autorisation administrative.

5) Les conséquences.

• Date de la rupture

La rupture a lieu :
-  au minimum le lendemain du jour de la notification de l’acceptation de l’homologation
-  ou après 15 ouvrables après réception de la demande d’homologation, par l’administration.

La loi est muette sur ce point mais les parties peuvent prévoir de différer la rupture pour être sures par rapport aux délais d’homologation.
• L’indemnité

L’indemnité est au moins égale à l’indemnité de licenciement.
Elle est exonérée d’impôts dans certaines conditions.

Si le salarié a moins de 1 an d’ancienneté, l’indemnité est calculée au prorata du nombre de mois de présence.

Le salarié a droit au bénéfice des allocations d’assurance chômage.

• En cas de contentieux

Le contentieux en matière de rupture conventionnelle relève de la compétence du conseil de prud’hommes.

Le recours doit être introduit dans les 12 mois de l’homologation ou du refus d’homologation de la convention.

Les parties ne peuvent pas renoncer dans la convention à leur droit de contester la rupture du contrat de travail => une telle clause étant réputée non écrite [27].

La compétence du juge judiciaire des référés a été admise pour prononcer l’homologation malgré un refus de l’administration [28].

Le salarié peut par ailleurs obtenir des dommages et intérêts en cas :

-  de légèreté ou de lenteur blâmables de l’employeur dans la mise en œuvre de la procédure [29]

-  ou d’absence de mention dans la convention de rupture de ses droits acquis en matière de DIF [30].

Afin de mettre un terme définitif à tout contentieux, employeurs et salarié peuvent régulariser une transaction comprenant des concessions réciproques qui porteront sur l’exécution du contrat de travail.

Fabien Kovac
Avocat au Barreau de Dijon
Associé au Cabinet DGK Avocats Associés inscrit aux Barreaux de Dijon et Auxerre
www.cabinetdgk.com
www.maitrekovac.fr

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Notes de l'article:

[1Cass. soc 15 octobre 2014 n° 11-22.251.

[2CA Nancy 26-2-2010 n° 09-951.

[3Cons. prud. Toulouse 22-1-2010 n° 10-4.

[4Cass. soc. 30-9-2014, n°13-16.297.

[5Cass. soc. 28-5-2014 n° 12-28.082.

[6CA Rennes 8-2-2013 n° 11-05356.

[7Circ. DGT 2009-4 du 17-3-2009.

[8CA Nîmes 12-6-2012 n° 11-00120.

[9Circ. DGT 2009-4 du 17-3-2009.

[10Cass. soc. 30-1-2013 n° 11-22.332.

[11Cass. soc. 23-5-2013 n° 12-13.865.

[12article L. 1237-12 du Code du travail.

[13Cass. soc. 29-1-2014 n° 12-27.594.

[14Cons. prud. Bobigny 6-4-2010 n° 08-4910.

[15CA Rouen 12-4-2011 n° 10-4389.

[16Cons. prud. Bobigny 6-4-2010 n° 08-4910.

[17Circ. DGT 2009-4 du 17-3-2009.

[18CA Angers 5-1-2010 n° 09-1048.

[19CA Reims 16-5-2012 n° 11-00624.

[20Cass. soc. 3-7-2013 n° 12-19.268.

[21Cass. soc. 6-2-2013 n° 11-27.000.

[22circulaire DGT n°2008-11 du 22 juillet 2008.

[23CA Bourges 16-9-2011 n° 10-01735 et n° 10-01697.

[24Cass. soc. 29-1-2014 n° 12-24.539.

[25Circ. DGT 2008-11 du 22-7-2008.

[26Circ. DGT 2008-11 du 22-7-2008.

[27Cass. soc. 26-6-2013 n° 12-15.208.

[28CA Versailles 14-6-2011 n° 10-01005.

[29CA Rouen 27-4-2010 n° 09-4792.

[30CA Rouen 27-4-2010 n° 09-4140.

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