Ruptures conventionnelles à la chaîne pour cause économique dans un processus de réduction des effectifs
Les faits
L’employeur avait réduit son effectif de 577 salariés à 530 en moins de quatre mois grâce à neuf licenciements économiques, c’est-à-dire un « petit » licenciement collectif sans obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), et à de très nombreuses ruptures conventionnelles.
Devant réduire encore l’effectif de 18 suppressions de postes, il engage une procédure de licenciement économique avec PSE et c’est à ce moment que les représentants du personnel refusent de coopérer et saisissent la justice en soutenant que l’ensemble de la procédure suivie est illicite et en sollicitant l’annulation de toutes les ruptures conventionnelles, celles-ci devant être intégrées dans la procédure de licenciement économique dès le départ.
La décision
Ces faits donnent à la Cour de cassation l’occasion de clarifier les cas de recours à des ruptures conventionnelles pour cause économique lorsqu’elles s’inscrivent dans un processus de réduction de l’effectif.
Elle rappelle que si l’article L.1233-3 du Code du travail prévoit que les dispositions relatives au licenciement économique ne s’appliquent pas à la rupture conventionnelle, ces règles doivent se combiner avec l’article 12 de l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008, par lequel les partenaires sociaux patronaux et syndicaux ont mis en place la rupture conventionnelle.
Or, l’ANI précisait que « les ruptures conventionnelles ne doivent pas porter atteinte aux procédures de licenciement collectif pour cause économique ».
La Cour dégage de l’articulation de ces deux textes la règle de droit suivante :
« Lorsqu’elles ont une cause économique et s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l’une des modalités, les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l’employeur en matière de PSE. »
Par conséquent, dans cette affaire, l’employeur pouvait certes conclure des conventions de rupture conventionnelle avec certains salariés et ces ruptures conservaient leurs spécificités et leur validité.
Mais il devait prendre en compte les postes ainsi supprimés via ces ruptures conventionnelles pour déterminer l’ampleur globale de ses suppressions de poste, de quelque nature qu’elles soient, et en tirer les conclusions au regard de la qualification de « petit » ou « grand » licenciement pour motif économique.
On rappelle qu’un « grand » licenciement économique impliquant la mise en œuvre d’un PSE consiste en dix suppressions de poste au moins sur une durée de 30 jours.
L’employeur, dans cette affaire, aurait donc dû mettre en place dès le début un PSE alors même qu’il n’avait peut-être conclu que des ruptures conventionnelles, puisque le nombre total des suppressions de postes envisagées était d’au moins 10 sur une période de 30 jours. Il ne pouvait pas utiliser les ruptures conventionnelles en nombre pour s’exonérer de ses obligations légales en matière d’élaboration et de négociation d’un PSE.
Règle de droit connexe affirmée par la Cour quant à l’initiative de l’action en nullité de la convention de rupture
La Cour précise que, dans un tel contexte de licenciement économique collectif, le salarié ayant signé une convention de rupture conventionnelle avec son employeur reste le seul titulaire de l’action en nullité de cette convention. Cette action ne saurait être intentée par le comité d’entreprise ou un syndicat.