Salaire variable : pas de documents en anglais.

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Explorer : # langue de travail # documents contractuels # rémunération variable

Dans un arrêt du 11 octobre 2023 (n° 22-13.770), la Cour de cassation considère que les plans de rémunération rédigés en langue anglaise ne sont pas opposables au salarié. La décision est stricte mais conforme aux dispositions légales.

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1/ Les documents en langue étrangère ne sont pas opposables au salarié.

Il résulte de l’article L1321-6, alinéa 2 du Code du travail que tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français.

Le texte précise que cette règle n’est pas applicable aux documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 octobre 2023, un salarié avait formé des demandes de rappel de salaire variable, soutenant que les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de sa rémunération variable, rédigés en anglais, lui étaient inopposables.

La cour d’appel [1] avait débouté le salarié, relevant que les documents de travail, donnant lieu à des traductions dans le cadre du litige, étaient rédigés en langue anglaise, utilisée au sein de l’entreprise, par ailleurs filiale d’une société américaine.

Pour les magistrats, cette circonstance ne pouvait suffire à rendre inopposables au salarié les plans de rémunérations.

L’arrêt est cassé au visa de l’article L1321-6 du Code du travail, aux motifs suivants :

« En statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle n’étaient pas rédigés en français, la cour d’appel, qui n’a pas constaté qu’ils avaient été reçus de l’étranger, a violé le texte susvisé ».

2/ Une jurisprudence constante de la Cour de cassation.

Ce nouvel arrêt s’inscrit dans le fil d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation.

Ainsi, celle-ci a déjà jugé que des documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle rédigés en anglais sont inopposables au salarié [2].

Cette solution s’impose à l’employeur, même si l’activité de l’entreprise revêt un caractère international [3].

La Cour de cassation considère, cependant, que l’employeur remplit son obligation si un document fixant les objectifs permettant la détermination de la rémunération variable a été rédigé en français et diffusé rapidement sur le site intranet de l’entreprise, après avoir été communiqué, dans un premier temps, en anglais [4].

L’usage exclusif du français n’est pas réservé à la fixation de la rémunération.

A titre d’exemple, la règle joue en présence de documents destinés à des techniciens pour l’installation et la maintenance d’appareils produits par l’entreprise, dès lors que ceux-ci sont au moins pour partie commercialisés en France [5].

De manière identique, doit être mise à disposition des intéressés une version française de deux logiciels dès lors qu’il s’agit de documents immatériels destinés à être utilisés par des salariés français au sein d’une entreprise installée en France [6].

3/ Des exceptions limitées.

L’article L1321-6, alinéa 3 du Code du travail prévoit que la règle imposant l’usage du français n’est pas applicable aux documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers.

Ainsi, si le salarié, destinataire de documents rédigés en anglais et servant à la détermination de la part variable de la rémunération contractuelle, est citoyen américain, une cour d’appel peut, à bon droit, limiter la condamnation de l’employeur au titre de la part variable de la rémunération de l’intéressé [7].

De même, dès lors que la fiche d’objectifs, en langue anglaise, provient de l’étranger puisqu’elle a été rédigée par le « managing director » de la société mère domiciliée en Allemagne, elle relève de l’exception à la règle d’établissement des documents contractuels en langue française réservée aux documents reçus de l’étranger [8].

Enfin, ne sont pas soumis à cette obligation les documents liés à l’activité de l’entreprise de transport aérien dont le caractère international implique l’utilisation d’une langue commune, et dès lors que, pour garantir la sécurité des vols, il est exigé des utilisateurs, comme condition d’exercice de leurs fonctions, qu’ils soient aptes à lire et comprendre des documents techniques rédigés en langue anglaise [9].

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

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Notes de l'article:

[1CA Versailles, 20-1-2022, n° 20/00585.

[2Cass. soc. 29-6-2011, n° 09-67.49.

[3Cass. soc. 3-5-2018, n° 16-13.736.

[4Cass. soc. 21-9-2017, n° 16-20.426.

[5CA Versailles 2-3-2006, n° 05-1344.

[6TGI Nanterre 27-4-2007, n° 07-1901.

[7Cass. soc. 24-6-2015, n° 14-13.829.

[8Cass. soc. 5-11-2014, n° 13-17.770.

[9Cass. soc. 12-6-2012, n° 10-25.822.

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