Village de la justice : Français d’origine, exerçant depuis longtemps en Chine, quelle comparaison pouvez-vous établir entre le marché chinois et le marché français des legaltech ?
Nicolas Coster : "En République Populaire de Chine, la faculté de droit de l’Université de Pékin a annoncé en janvier 2018 qu’elle s’associera à Gridsum, plate-forme d’examen de données, via le système du cloud. L’objectif est de créer un nouvel technopole pour l’analyse des utilisations possibles de l’intelligence artificielle (IA) au sein du système juridique chinois.

Ce projet tend à répondre aux lignes directrices érigées par le Conseil d’État chinois. En juillet 2017, les autorités chinoises ont élaboré un programme appelé le « Next Generation of Artificial Intelligence Development Plan ».
Celui-ci prévoit un investissement important pour la recherche et le développement autour de l’intelligence artificielle dans l’ensemble des industries du territoire, y compris dans le secteur du droit.
Première différence donc : il existe donc un vrai soutien financier étatique dont les montants sont bien supérieurs aux aides françaises.
Seconde différence : l’avantage du marché chinois par rapport au marché français est clairement avant tout sa taille. Toute start-up qui commence en Chine dispose d’un marché potentiel unifié en matière de langue de 1,3 milliard de personnes.
De plus, c’est un marché récent pour le droit et il est donc beaucoup plus facile d’y faire adopter de nouvelles technologies par les praticiens du droit et pour une population extrêmement connectée."
Sur quelles innovations le marché en Chine se détache-t-il du français ?
"Des projets de tribunaux virtuels en Chine viennent de voir le jour. Il existe également des machines à déposer des plaintes dans certains tribunaux comme à Shenzhen.
Les notaires chinois sont également très en pointe dans ce domaine et de nombreuses applications de constat ont vu le jour. Elles ont cependant été remises en cause par des tribunaux chinois lors de procès.
Nous pouvons citer quelques legaltech chinoises qui offrent par exemple :
de gérer ses dossiers contentieux (Wusong) ;
un système d’expertise interactif (FaXiaTao) ;
l’analyse des contentieux (LegalMiner) ;
un service de gestion online de documents (JianFabang) ;
et même un avocat robot pour les divorces, les visas, etc. (ai.law)."
En France, même si cela tend à s’améliorer, il existe une certaine méfiance des professionnels du droit, notamment des avocats, vis à vis de la legaltech. Cette opposition et ces débats ont ils également lieu en Chine ? Que pensent les institutions représentatives (ordres, écoles..) de ces professions de la legaltech ?
"L’impact de la Legaltech et de l’utilisation de technologies comme l’intelligence artificielle en Chine est plus évident que sur les marchés juridiques développés.
Là où la culture asiatique ancienne blâmait le recours au procès, le développement de la Legaltech tend aujourd’hui à le démocratiser et à familiariser les utilisateurs avec pour objectif d’accélérer le traitement des dossiers judiciaires et de garantir l’Harmonie Sociale. Dans cette logique, les professions juridiques sont largement bénéficiaires.
La méfiance qu’il peut y avoir en France, où le marché juridique respecte un système établi longtemps auparavant, ne semble pas avoir de fondements en Chine.
La Legaltech est en outre clairement vue par Pékin comme un outil facilitant le contrôle de la population. "
Les grands rendez-vous des legaltech en Asie indiqués par Nicolas Coster :
2018 ASEAN Regional Legal Tech Conference
Et consulter le site Asia Law Portal