L’hypothèse est d’une banalité consternante. En l’occurrence, le propriétaire d’un véhicule se voit adresser, en sa qualité de titulaire du certificat d’immatriculation, un avis de contravention pour un excès de vitesse relevé par un radar automatique.
Le propriétaire décide de le contester en formulant auprès de l’officier du ministère public une requête en exonération de l’amende forfaitaire. Il y évoque simplement ne pas avoir conduit son véhicule le jour des faits et ne pas être en mesure d’identifier l’auteur de l’infraction.
Poursuivi selon la procédure de l’ordonnance pénale, le prévenu est, sur son opposition formée, cité à comparaître devant le tribunal de police qui le déclare coupable de l’infraction, et le condamne à 300 € d’amende et à un mois de suspension du permis.
Le jugement est confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 juin 2021 qui énonce que les éléments avancés par le prévenu tenant à la libre disposition du véhicule ne sont ni étayés ni vraisemblables.
Pourtant, saisie grâce à la pugnacité du justiciable, la Cour de cassation relève tout d’abord que le cliché photographique de l’infraction routière ne permet pas d’identifier son auteur. Après ce constat, elle ajoute qu’en retenant la culpabilité du prévenu aux seuls motifs que les éléments avancés pour sa défense n’étaient ni étayés ni vraisemblables, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve.
En conséquence, la Cour casse, annule et renvoie.
A travers cet arrêt qui peut paraître anodin, la Cour de cassation rappelle ici que l’article L. 121-3 du Code de la route n’institue pas de présomption de responsabilité pénale à l’encontre du titulaire du certificat d’immatriculation.
La chambre criminelle énonce clairement que cet article fait simplement peser sur le propriétaire du véhicule peser le montant de l’amende encourue pour certaines infractions routières.
Au cas particulier, faute de pouvoir identifier l’auteur de l’excès de vitesse, le juge saisi des poursuites n’avait que deux options : soit relaxer le prévenu sur le fondement des éléments qu’il avance, soit le déclarer pécuniairement redevable de l’amende, et uniquement de l’amende.
En d’autres termes, la Cour de cassation rappelle que le juge ne saurait déclarer le propriétaire d’un véhicule coupable d’un excès de vitesse sur le seul fondement de sa responsabilité pécuniaire.
La sagesse juridique de la Chambre criminelle applique donc l’ancien principe de légalité, quelles que soient les dérives déloyales des conducteurs qui connaissent la musique, application stricte qui vient insister sur le fait qu’il est impossible de sanctionner un individu qui n’est pas identifié comme auteur de l’infraction.
Si on peut admettre une responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule, il serait juridiquement incohérent et même aberrant d’associer une sanction ayant des conséquences sur le permis de conduire d’un individu qui n’est pas identifié comme auteur, et ce d’autant plus que la loi n’impose pas aux particuliers de dénoncer le conducteur au moment de l’infraction.
Donc, soit les textes sanctionnent la non désignation du conducteur comme il est prévue prévue pour les véhicules dont le titulaire de la carte grise est une personne morale, soit le Ministère public doit accepter le fait que s’il n’est pas en mesure de démontrer qui est le conducteur, il ne pourra pas sanctionner le propriétaire au delà de sa simple responsabilité pécuniaire sur l’amende, ce qui est en soi également critiquable pour les mêmes raisons de droit.
Grâce soit en tout cas rendu à BECARRIA et à son Traité "Des Délits et des Peines" qui demeurent un pilier stable sur lequel sait se fonder la Cour de cassation face à la tendance des juridictions du fond de suivre la voie égarée du tout répressif en matière d’infraction routière, sous l’influence du Ministère public.
Face à l’évolution et à la modernisation de la sanction pénale, les anciens principes ne sont pas déracinés tel le Chêne dans la fameuse fable de LA FONTAINE, et sont assez étonnamment comparables au roseau qui s’adapte aux vicissitudes qu’engendrent l’automatisation de cette sanction pénale.