1) Les vendeurs d’Abercrombie & Fitch doivent danser durant deux heures et demie d’affilée
Si vous vous rendez dans la boutique Abercrombie & Fitch des Champs-Elysées, à Paris, vous serez peut-être surpris de voir les vendeurs danser sur la musique – assourdissante – du lieu.
A se demander si l’on se trouve dans une boutique de vêtements, ou en discothèque.
Interrogés par une cliente qui lui demandait « Vous êtes obligés de danser ? », deux employés, gênés, lui ont répondu « Oui, mais on aime bien », après un instant d’hésitation.
D’après les témoignages des « vendeurs-danseurs », ceux-ci doivent se mouvoir en rythme au minimum deux heures et demie d’affilée.
2) Des « vendeurs-danseurs » artistes du spectacle ?
Il n’est pourtant nulle part mentionné, sur leurs contrats de travail, cette obligation de danser. Il est simplement précisé que l’employé doit avoir « un comportement approprié ».
Les vendeurs d’Abercrombie & Fitch ne reçoivent aucun complément de rémunération pour leur « prestation artistique ».
En outre, le document indique que la Convention collective applicable à Abercrombie & Fitch est celle de « l’habillement et des articles textiles ».
Mais leurs fonctions n’a rien à voir avec le « prêt-à-porter » : en effet, les « vendeurs-danseurs » doivent se mouvoir selon une chorégraphie imposée, en couple, et effectuer des mouvements précis.
Or, l’article L7121-2 du Code du travail considère notamment comme artistes du spectacle les artistes chorégraphiques.
On peut donc se demander si les « vendeurs-danseurs » d’Abercrombie & Fitch ne pourraient pas réclamer le bénéfice de la Convention collective des entreprises du secteur privé du spectacle vivant (en cours d’extension), ainsi que l’application des minima conventionnels.
3) Des conditions de travail rock & roll
Durant leur « session de danse », aucune pause n’est accordée aux vendeurs de la boutique.
En cas de coup de mou, un manageur intervient immédiatement. « Il faut garder une attitude positive et faire semblant d’être heureux de danser, sinon on reçoit un avertissement », a déclaré un étudiant, qui n’a tenu qu’un mois pendant les vacances d’été (Le Parisien, 07/09/2012).
L’article L. 4121-1 du Code du travail impose pourtant à l’employeur une obligation générale de sécurité de résultat, il doit notamment prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs »
Ces mesures comprennent notamment la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Or, en plus de devoir danser pendant des heures, les vendeurs de la boutique ont des conditions de travail difficiles, qui pourraient s’avérer dangereuses pour leur santé.
En effet, la musique – plutôt R’n’B que Mozart – est extrêmement forte, au point qu’il est difficile de s’entendre. Il est donc peu probable que le seuil légal de décibels autorisé soit respecté. L’ambiance « clubbing » est également assurée par l’éclairage entièrement artificiel.
Sur les 1.100 m2 de la boutique des Champs-Elysées, répartis sur quatre étages, aucune fenêtre. Au bruit et à l’absence de lumière naturelle s’ajoute un parfum entêtant vaporisé sur les vêtements et vendu en caisse entre 60 € et 100 € le flacon.
Abercrombie & Fitch, « The Greatest Sporting Good store in The World » ? Pas sûr…
Discussion en cours :
Cher confrère, connaître le droit, c’est aussi connaître les faits. Des faits tirés du parisien sur le témoignage anonyme d’un étudiant démissionnaire au bout d’un mois vous paraissent crédibles ?
J’en doute fort.