La rupture conventionnelle permet à l’employeur et au salarié de mettre fin d’un commun accord au contrat de travail, en dehors des procédures habituelles de démission et de licenciement. Ce mode de rupture, dont les conditions sont ensuite établies dans une convention homologuée, est soumis à des formalités assez souples dans la mesure où la procédure repose essentiellement sur la négociation [1].
Certaines limites sont toutefois posées pour les salariés déclarés inaptes au travail par le médecin du travail suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Ces derniers sont en effet placés sous un régime protecteur interdisant à leur employeur d’avoir recours à une rupture conventionnelle [2]. Le seul moyen de rompre le contrat de travail est alors le recours au licenciement, mais sous certaines conditions très strictes, l’état de santé du salarié ne pouvant justifier à lui seul une telle mesure.
Mais qu’en est-il des salariés déclarés aptes (avec ou sans réserve) après un accident du travail ? Peuvent-ils pour leur part conclure une rupture conventionnelle à leur reprise ?
Pour la Cour de cassation, rien ne s’y oppose dès lors qu’il n’y a pas fraude de l’employeur et que le consentement du salarié n’est pas vicié.
En l’espèce, une salariée est déclarée apte avec réserves le 2 juillet 2009 suite à un accident du travail. Le 14 septembre 2009, elle conclut avec son employeur une rupture conventionnelle laquelle est homologuée le 23 octobre suivant par l’inspection du travail. Soutenant la mauvaise foi de son employeur, la salariée conteste par la suite la validité de la rupture. Pour celle-ci l’employeur aurait commis une fraude dans la mesure où la rupture visait à échapper à ses obligations de maintien du salaire et de recherche d’un emploi similaire s’agissant d’un salarié déclaré apte avec réserves.
En effet, il convient de préciser que, lorsqu’à l’issue de la période de suspension du contrat consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré apte à reprendre son emploi par le médecin du travail, la seule obligation qui s’impose à l’employeur est de faire en sorte que ce dernier retrouve « un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente » [3]. En conséquence, en l’absence de dispositions contraires, l’employeur peut, sur le principe, décider de rompre le contrat de travail, et donc, procéder à un licenciement après l’avoir réintégré, à condition bien évidemment que ce dernier soit pourvu d’une cause réelle et sérieuse.
Ainsi, dès lors qu’il n’y a pas de fraude manifeste de l’employeur, la seule possibilité de remettre en cause une rupture conventionnelle est d’invoquer un vice de consentement du salarié (violence, dol, erreur), ce qui n’a pas été démontré en l’espèce. La rupture conventionnelle est donc valable.
Attention, cette jurisprudence n’est applicable qu’en cas d’aptitude médicalement constatée, et uniquement si le salarié a bien donné librement son consentement. Pour les salariés déclarés inaptes, l’impossibilité de signer une rupture conventionnelle demeure. Il ne faudrait pas que celle-ci soit un moyen pour l’employeur d’échapper à son obligation de reclassement et aux conséquences de l’inaptitude.
Cass. soc. 28 mai 2014 n° 12-28.082 , X c/ SARL Biscuiterie Les Deux Soleils
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Bonjour,
Embauchée en CDI pour un poste de conseillère de vente le 1er Octobre 2011, dans la grande distribution, j’ai subit un changement de poste suite à un arrêt maladie . De ce fait mon employeur , m’a mise au "placard" , en me changeant de fonction , j’ai été affecté au Drive, ce qui est difficile pour moi, vu que j’ai des gros soucis au dos (lumbago, sciatique, etc...) . Vu les charges lourdes, les horaires difficiles, etc j’ai eu un accident de travail (lumbago+ sciatique) le 12/10/2013, j’ai eu un RdV avec le médecin de travail à ma demande lequel m’a déclaré inapte à la reprise, à cause d’un poste inadapté pour moi. De plus mon employeur ne va pas forcément me proposé un poste qui me conviendrait autant physiquement que professionnellement. De ce fait j’ai demandé une rupture conventionnelle, qui m’a été refusé . Qu’elle est la procédure dans ce cas là et qu’elles sont mes options ?
Merci d’avance.
Voici quelques éléments de réponse qui ne sont pas exhaustifs mais qui peuvent constituer des pistes de réflexion au regard de votre situation.
Concernant le refus de rupture conventionnelle
Votre employeur a, à juste titre, refusé de convenir avec vous une rupture conventionnelle, car pour les salariés déclarés « inaptes » au travail ce mode de rupture est exclu (voir la circulaire DGT n° 2009-04 du 17 mars 2009 relative à la rupture conventionnelle du contrat de travail d’un CDI). Dans l’affaire ici commentée, la Cour de cassation a validé la convention, car la salariée avait été dclarée « apte avec réserve ».
Concernant les obligations de votre employeur
être appropriée à vos capacités et comparable à votre emploi précédemment occupé ;
tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail.
Au regard de votre situation (inapte au travail), votre employeur a l’obligation de vous proposer une solution de reclassement, laquelle devra :
Votre employeur pourra en outre envisager une mutation, la transformation de votre poste de travail ou encore l’aménagement de votre temps de travail. Ces obligations sont strictement encadrées juridiquement, il devra donc tout faire pour vous proposer de manière loyale, un poste qui vous convienne.
Plusieurs solutions sont alors envisageables :
1) La proposition de reclassement ne vous convient pas et n’est pas conforme aux préconisations du médecin du travail.
Vous pouvez alors la refuser. Un tel refus ne pourra constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Votre employeur devra formuler de nouvelles propositions ou, à défaut si aucun poste de reclassement n’est disponible, il devra vous licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
2) La proposition de reclassement ne vous convient pas alors même qu’elle est conforme aux prescriptions médicales.
Vous pouvez refuser. Mais attention, en cas de refus systématiques ou répétés, l’employeur pourra vous licencier au motif de refus abusif.
3) Votre employeur, malgré ses démarches, n’a rien à vous proposer
Il pourra vous licencier pour inaptitude. Dans le cas d’un tel licenciement, votre employeur devra évidemment justifier rigoureusement les démarches qu’il a entreprises pour vous reclasser. Vous percevrez alors une indemnité spéciale de licenciement, dont le montant est (sauf dispositions conventionnelles plus favorables), égal au double de l’indemnité légale de licenciement ainsi qu’une indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis.
4) Votre employeur ne vous propose pas de reclassement (et ne fait rien)
Vous pourrez alors prendre l’initiative de rompre votre contrat de travail par une prise d’acte, laquelle correspond à un licenciement sans cause réelle et sérieuse (et en conséquence entraîne le versement d’indemnités spécifiques).