Focus sur les perturbateurs endocriniens : il faut agir...et vite !

Par Jennifer Shettle, Juriste.

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Explorer : # perturbateurs endocriniens # santé publique # réglementation # environnement

Véritable enjeu sanitaire tant par leurs effets sur la santé et l’environnement, qu’en raison des coûts qu’ils engendrent, les perturbateurs endocriniens doivent au plus vite être réglementés. Alors que le gouvernement vient de proposer une stratégie nationale, la Commission européenne a enfin posé les prémisses d’une définition, préalable indispensable à la mise en place d’une réglementation.

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De quoi d’agit-il exactement ?
Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle susceptibles de perturber le système hormonal. Parmi les plus connus, peuvent être cités le bisphénol A (BPA), certains phtalates, certaines dioxines, les polychlorobiphényles (PCB), ou encore le chlordécone (pesticide utilisé essentiellement aux Antilles dans les années 90).
Ces substances sont non seulement présentes dans l’environnement, mais également dans divers produits utilisés ou consommés quotidiennement tels que les contenants alimentaires, les peintures, les pesticides, les produits cosmétiques, les aliments, les dispositifs médicaux, les boissons, etc. L’individu peut ainsi être amené à inhaler, ingérer ou encore toucher de telles substances régulièrement, à des niveaux plus ou moins importants.
Or, ces substances ne sont pas anodines, puisqu’elles peuvent être à l’origine de cancers, de diabète, d’obésité, de baisse de la fertilité et de troubles du comportement. Elles sont en outre particulièrement dangereuses en fonction de la période de la vie au cours de laquelle une personne est exposée. Ce dernier élément est fondamental et véritablement spécifique aux perturbateurs endocriniens dans la mesure où les risques varient d’une période à l’autre. En effet, les femmes enceintes, les nourrissons ainsi que les jeunes enfants sont notamment plus sensibles et vulnérables à l’exposition de ces substances.

Un coût non négligeable qui en fait un enjeu sanitaire de premier ordre
Aujourd’hui, l’exposition de la population à ces substances coûte près de 4 milliards d’euros par an au système de santé français et 31 milliards d’euros au niveau européen [1].
C’est ainsi que le gouvernement, conscient de l’enjeu sanitaire, a élaboré une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Celle-ci comprend des actions de recherche, d’expertise et d’évaluation des risques, d’information et de réflexion sur leur encadrement réglementaire [2].

Trois décisions concrètes ont d’ores et déjà été annoncées par la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, à savoir :

  • l’élimination du BPA dans les tickets de caisse ;
  • le ciblage des contrôles sur les phtalates et l’accélération de la substitution du BPA dans les jouets ;
  • l’expertise de cinq substances suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, mission qui sera confiée à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
    L’Anses joue en effet un rôle primordial en matière de perturbateurs endocriniens. Depuis une dizaine d’année les scientifiques de l’agence attirent l’attention sur leurs effets, multiplient les études, les travaux d’évaluation des risques, de veille scientifique et de référence sur les perturbateurs endocriniens.

Et la réglementation européenne dans tout ça ?
Alors qu’elle s’était engagée à proposer une définition des perturbateurs endocriniens en décembre 2013, prémisse indispensable à l’adoption de dispositions réglementaires, la Commission européenne a finalement publié sa feuille de route le 17 juin dernier, et ce sous la pression de plusieurs États dont la France.

La feuille de route détermine quatre options permettant de définir les perturbateurs endocriniens :

  • l’option 1 ne prévoit aucun changement. Les cirières retenus dans les règlements biocides [3] et pesticides [4] continuent de s’appliquer ;
  • l’option 2 est issue de la définition donnée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et prévoit une évaluation des risques ;
  • l’option 3, également issue de la définition de l’OMS introduit des catégories supplémentaires de perturbateurs endocriniens ;
  • enfin, l’option 4, prend également en compte la définition de l’OMS mais ajoute un critère, celui de la « dose » à laquelle une personne est exposée.
    Pour certaines associations, dont Générations futures, ces propositions constituent un retour en arrière par rapport aux règlements biocides et pesticides, notamment en raison de l’ajout de l’évaluation des risques dans la prise de décision. En effet, dans une telle approche, l’exposition à une substance dangereuse à faible dose suppose qu’elle engendre de faibles risques. Or, ce n’est pas le cas pour les perturbateurs endocriniens. Des doses faibles peuvent avoir des conséquences plus graves sur les embryons et les nouveau-nés. Selon l’association de défense de l’environnement, une approche « de danger » serait en conséquence plus appropriée [5].

En tout état de cause, ces éléments serviront de base à une refonte de la législation permettant de réduire l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens. A suivre...

Sources :
Site internet de l’Anses.
Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, ministère de l’écologie, juin 2014
Rapport du 18 juin 2014, Health and Environment Alliance (HEAL).
Règl. (CE) 1107/2009, 21 oct. 2009
Règl. (UE) 528/2012, 22 mai 2012
Communiqué de presse de Générations futures, 18 juin 2014

Jennifer Shettle ; juriste droit de l’environnement et de la sécurité, ancienne avocate

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Notes de l'article:

[1Rapport du 18 juin 2014, Health and Environment Alliance

[2Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, ministère de l’écologie, juin 2014

[3Règl. (UE) 528/2012, 22 mai 2012

[4Règl. (CE) 1107/2009, 21 oct. 2009

[5Communiqué de presse de Générations futures, 18 juin 2014

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