La capacité financière des entreprises. Par Benoit Fleury, Juriste.

La capacité financière des entreprises.

Par Benoit Fleury, Juriste.

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Explorer : # capacité financière # marchés publics # entreprises nouvellement créées

Les entreprises candidates à un marché public doivent fournir, à l’appui de leur offre, la preuve de leur capacité financière à assurer la prestation. En général, le règlement de consultation prévoit à cet égard la présentation du chiffre d’affaires des trois dernières années et les moyens humains proposés par l’entreprise. Cette obligation pose souvent de sérieuses difficultés aux sociétés nouvellement créées. Aussi la pratique a-t-elle introduit progressivement quelques assouplissements confirmés par la jurisprudence. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a récemment eu l’occasion de revenir sur cet aspect problématique de la commande publique dans une décision qui intéressera aussi bien les pouvoirs adjudicateurs que les entreprises privées (CAA Bordeaux, 30 oct. 2012, Cne de Royan, n° 11BX00661).

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En l’espèce, la commune de Royan avait attribué, le 29 octobre 2007, un marché de mise à disposition-installation-maintenance-exploitation de mobiliers urbains à la société Spaceo, nouvellement créée, pour une durée de 11 ans. Un candidat malheureux a dénoncé ce marché aux motifs que la société retenue n’avait produit aucun des documents exigés par le cahier des charges concernant ses capacités financières et qu’elle ne disposait d’aucun effectif avant son début d’activité. Le requérant considérait ainsi que la commune aurait du rejeter la candidature du titulaire et qu’en conséquence, il a été privé d’une chance sérieuse de remporter le marché, justifiant par là-même le versement d’une indemnité.
En première instance, le tribunal administratif de Poitiers devait retenir cette argumentation en considérant que

« dans les documents de consultation, la commune de Royan a exigé des candidats au marché la production de documents relatifs au chiffre d’affaires des trois dernières années ainsi qu’aux effectifs moyens annuels du candidat ; que la commune n’a pas prévu, ainsi qu’il lui était loisible de le faire, que les entreprises candidates et notamment les entreprises nouvellement créées pouvaient justifier de leur capacité financière et professionnelle par d’autres moyens ; que le dossier présenté par la société Spaceo à l’appui de sa candidature n’était pas accompagné des documents susmentionnés ; que la circonstance que cette société était dans l’impossibilité, à raison de sa création récente, de produire ces renseignements et pouvait se prévaloir des capacités professionnelles de ses dirigeants ou a produit diverses attestations bancaires ou d’assurance était sans incidence sur l’obligation qui incombait à la commission d’appel d’offres de la commune de Royan de faire application du règlement de consultation ; que dès lors, en retenant la candidature de cette entreprise, la commission d’appel d’offres de la commune de Royan a méconnu le règlement de consultation et les obligations de mise en concurrence auxquelles était soumise la passation du marché » (TA Poitiers, 17 juin 2010, Sté Philippe Vediaud Publicité, n° 0900111).

Le juge administratif fait ici une application stricte de la jurisprudence Bronzo par laquelle le Conseil d’Etat a souligné que les acheteurs publics pouvaient autoriser les candidats, qui n’étaient pas en mesure de produire les pièces exigées, à justifier de leurs capacités par d’autres moyens. Pour autant, pour rendre opposable la production de ces documents alternatifs, le pouvoir adjudicateur devait avoir expressément prévu et autorisé – dans les pièces de la consultation – la production desdits « modes alternatifs de preuve » (CE, 10 mai 2006, n° 281976, Sté Bronzo : JurisData n° 2006-070097 ; Contrats-Marchés publ. 2006, comm. 204, note J.-P. Pietri). La portée de cet arrêt était donc limitée aux précisions le cas échéant apportées par le pouvoir adjudicateur dans les pièces de la consultation. La jurisprudence pouvait ainsi être considérée comme plus rigoureuse que le code des marchés publics lui-même aux termes duquel

«  si le candidat est objectivement dans l’impossibilité de produire, pour justifier de sa capacité financière, l’un des renseignements ou documents prévus par l’arrêté mentionné au I et demandés par le pouvoir adjudicateur, il peut prouver sa capacité par tout autre document considéré comme équivalent par le pouvoir adjudicateur » (article 45, III).

Aussi la Haute juridiction est-elle revenue pour partie sur sa position dans un arrêt récent et remarqué dans lequel elle relève qu’en application des articles 45 et 52 du code des marchés publics, lorsqu’il est imposé que les candidats produisent des documents comptables et des références pour attester de leurs capacités professionnelles et financières, le pouvoir adjudicateur

« […] doit néanmoins permettre aux candidats qui sont dans l’impossibilité objective de produire les documents et renseignements exigés par le règlement de la consultation, [comme les entreprises de création récente], de justifier de leurs capacités financières et de leurs références professionnelles par tout autre moyen […] » (CE , 9 mai 2012, n° 356455, Cne de Saint-Benoît : JurisData n° 2012-009732 ; Contrats-Marchés publ. 2012, comm. 211, note W. Zimmer).

Dans notre affaire, la cour administrative de Bordeaux se place dans le droit fil de cette dernière décision. Ce faisant, elle apporte d’utiles précisions quant à la notion de solution alternative. Si le Conseil d’Etat rappelait judicieusement l’obligation pour le pouvoir adjudicateur de laisser ouverte une alternative à la production des pièces exigées pour les candidatures, il ne tranchait pas la question de ce qui pouvait être admis à ce titre.

Le juge bordelais commence ainsi par réaffirmer le principe suivant lequel en application des articles 45 et 52 du code des marchés publics il incombait au pouvoir adjudicateur de permettre aux entreprises de création récente de justifier de leurs capacités financières, techniques et références professionnelles par tout « autre » moyen. Appréciant souverainement les éléments produits à l’appui de la candidature contestée, il estime ensuite qu’ils sont suffisants, savoir :

« une garantie bancaire attestant d’un accord de financement donné par le crédit agricole, une attestation d’assurance professionnelle de la compagnie AXA qui la garantit pour l’activité de location d’espaces publicitaires sur mobilier urbain ; qu’elle a précisé les titres, les études et l’expérience professionnelle des associés ; qu’elle a détaillé les moyens et les matériels qu’elle entendait mettre en œuvre pour l’exécution du marché ; qu’elle a justifié que l’un des associés a été gérant d’une société spécialisée en mobiliers urbains ».

Benoit Fleury
Directeur Général adjoint des services du Conseil Général de Vendée en charge du pôle juridique et du contrôle de gestion (en détachement de l’université de Poitiers).
Membre du comité de rédaction de la Semaine Juridique - Administrations Collectivités territoriales (JCP A)
http://benoit-fleury.blogspot.fr/

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