Le Conseil d’Etat définit la notion d’« équipements propres » au sens de l’article L 332-15 du Code de l’urbanisme et en tire les conséquences.

Par Cyrille Tchatat, Avocat.

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Explorer : # urbanisme # équipements propres # lotissement # conseil d'État

Les équipements excédant, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les besoins uniques d’un ou plusieurs lotissements ne constituent pas des équipements propres au sens de l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme.

En conséquence, leur coût ne peut être, même partiellement, supporté par le lotisseur.

(CE 17 mai 2013 Sté Isère développement environnement, req. n° 337120, publié au Rec.)

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Dans sa décision du 17 mai 2013, le Conseil d’Etat juge que :

« 1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 13 février 2001, la société Isère Développement Environnement (IDE) a été autorisée à lotir en quatre lots, dénommés « Le Clos des Vergers », un terrain de 3 975 m² situé sur le territoire de la commune de Renage ; que, conformément au programme de travaux annexé à cet arrêté, elle a réalisé, à ses frais, des travaux d’équipement et de viabilité consistant notamment en la création d’une voie de desserte, dénommée « voie A », la pose de poteaux d’éclairage public ainsi que la pose d’un collecteur pour les eaux usées ; qu’estimant que ces équipements excédaient les besoins propres de son lotissement, elle a demandé à la commune de Renage, par courrier du 24 juin 2004, de lui rembourser la somme de 129 000 euros correspondant au coût de leur réalisation ; qu’après le rejet implicite opposé par la commune, elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble qui, par jugement du 16 octobre 2007, a rejeté sa demande ; qu’elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 31 décembre 2009 en tant qu’après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble, il n’a que partiellement fait droit à ses conclusions d’appel en limitant à la somme de 23 611,14 euros le montant que la commune de Renage était condamnée à lui verser ; que cette commune forme, de son côté, un pourvoi incident à l’encontre du même arrêt en tant qu’il a reconnu le droit à répétition de la société IDE ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 332-30 du Code de l’urbanisme : « Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L’action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention des prestations indûment exigées.(…) » ; que selon l’article L. 332-6, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté du 13 février 2001 : « Les bénéficiaires d’autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / (…) ;/ 3° La réalisation des équipements propres mentionnés à l’article L. 332-15 / (…) » ; qu’enfin cet article prévoit que : « L’autorité qui délivre l’autorisation de construire, d’aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l’équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l’alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l’évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l’éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés.(…) » ; qu’il résulte des dispositions de ces deux derniers articles que seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d’une autorisation de lotir le coût des équipements propres à son lotissement ; que dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d’un ou, le cas échéant, plusieurs lotissements et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l’article L. 332-15, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le lotisseur ;

(…)

4. Considérant, d’autre part, qu’il ressort des constatations effectuées par les juges du fond que la voie de desserte dénommée « voie A », dont la création était prévue par le plan d’occupation des sols de la commune, et la canalisation d’eau usée située sous cette voie excédaient les besoins du seul lotissement réalisé par la société IDE et avaient vocation, dès l’origine, à desservir une zone plus large ; que la cour n’a, par suite, pas commis d’erreur de qualification juridique des faits en estimant, implicitement mais nécessairement, que la « voie A » et la canalisation d’évacuation des eaux usées située sous cette voie ne pouvaient être regardées comme des équipements propres au lotissement de la société IDE ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Renage n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant qu’il a reconnu le droit à répétition de la société IDE ;

6. Considérant, en revanche, qu’il résulte de qui a été dit plus haut que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que, dans l’hypothèse où le programme des travaux annexé à l’autorisation de lotir comporte des équipements destinés, à la fois, à la viabilité de l’opération et à la desserte d’un secteur plus vaste, il y avait lieu de rechercher dans quelle proportion ils excédaient les besoins propres et de limiter la répétition au coût des prestations excédentaires ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, la société IDE est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions d’appel  »(CE 17 mai 2013 Sté Isère développement environnement, req. n° 337120).

La Haute Juridiction censure ainsi l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon par lequel cette dernière avait considéré que :

« Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que doivent être regardés comme ayant été livrés indûment les équipements qui, réalisés par le lotisseur au titre du programme de viabilité annexé à l’autorisation de lotir, excéderaient en raison de leurs caractéristiques ou de leurs dimensions les besoins de l’opération, que l’autorité compétente en ait exigé la réalisation avant de délivrer l’autorisation de lotir ou que le pétitionnaire les ait intégrés de sa propre initiative dans les pièces techniques de son dossier et soient devenus une prescription de l’autorisation d’occupation des sols ; que la requérante est, dès lors, fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande de répétition au motif qu’il n’était pas établi que les aménagements financés pour la viabilité du lotissement du Clos des Vergers auraient été imposés par la commune de Renage ;

Considérant, toutefois, que ne sont susceptibles de donner lieu à répétition de l’intégralité de leur coût que les équipements qui n’auraient pas été nécessaires au lotissement si l’autorité qui a délivré l’autorisation d’urbanisme s’était bornée à prescrire ou à accepter des travaux strictement limités à la viabilité de l’opération ; que dans l’hypothèse où le programme des travaux annexé à l’autorisation de lotir comporte des équipements destinés, à la fois, à la viabilité de l’opération et à la desserte d’un secteur plus vaste, il y a lieu de rechercher dans quelle proportion, ils excèdent les besoins propres et de limiter la répétition au coût des prestations excédentaires ;

Considérant que le programme des travaux annexé à l’arrêté du 13 février 2001 par lequel le maire de Renage a autorisé la SOCIETE IDE à réaliser un lotissement de quatre lots à usage d’habitation individuelle sur une unité foncière comprise en zone d’urbanisation future NAc du plan d’occupation des sols, comportait, notamment, la réalisation d’une « voie A » ; que le tracé et les caractéristiques de cette voie correspondaient exactement à l’emprise de l’emplacement réservé n° 7 du POS destiné à la desserte par le nord de la totalité de la zone NAc dont le Clos des Vergers constituait la première opération ; qu’en raison de la largeur et des aménagements de la plateforme ainsi que de la capacité du collecteur d’eau usée installé sous la voie, ces équipements, qui constituent l’amorce de la desserte du secteur, excèdent les besoins propres au lotissement de quatre lots » (CAA Lyon 31 décembre 2009 Sté Isère développement environnement, req. n° 07LY02785).

La position nouvellement adoptée par la Haute Juridiction marque une véritable césure avec celle adoptée dans son arrêt « Plunian » par lequel elle avait considéré qu’un équipement destiné à répondre aux besoins d’un lotissement constitue un « équipement propre » à ce lotissement quant bien même il dessert un lotissement voisin, et qu’en conséquence, le coût de sa réalisation peut être partiellement pris en compte par le lotisseur.

Dans cet arrêt, elle avait en effet jugé que :

« Cons., d’une part, qu’il résulte de l’instruction que la station de relèvement au titre de laquelle une participation financière a été mise à la charge de M. Plunian, par un arrêté du préfet de Loire-Atlantique, en date du 9 mai 1977, a été construite par la commune de Saint-Herblain en vue de répondre aux besoins nouvellement créés par l’assainissement du lotissement que cet arrêté a autorisé M. Plunian à créer sur le territoire de la commune ; qu’alors même que cette station, destinée au traitement des effluents devant provenir des immeubles sis sur ce lotissement, dessert aussi un lotissement voisin réalisé par un tiers, elle a le caractère d’un équipement propre au lotissement de M. Plunian, au sens des dispositions précitées de l’article L. 332-7 du code de l’urbanisme ; que dès lors le coût de cette réalisation pouvait légalement pour la part des logements desservis correspondant à ceux situés dans le lotissement de M. Plunian, être mis à la charge de celui-ci par application des dispositions précitées » (CE 18 mars 1983 Plunian, req. n° 34130).

Dans la même veine, il avait été jugé qu’une canalisation mise en place pour assurer la constructibilité des parcelles, inondables, comprises dans le terrain d’assiette d’un lotissement constitue un équipement propre au lotissement au sens du 3° de l’article L. 332-6 et de l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme, alors même qu’elle traverse le terrain d’assiette sans le desservir et qu’elle contribue à l’évacuation des eaux pluviales en provenance d’autres terrains situés en amont :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’avant la réalisation des travaux prescrits par la commune, un fossé d’écoulement des eaux pluviales traversait les parcelles situées dans le périmètre du futur lotissement et permettait l’évacuation de ces eaux du bassin versant situé en amont ; que la situation géographique du terrain l’exposait en cas de forte pluie à des inondations provoquées par le débordement du fossé ; que la mise en place d’une canalisation sous le terrain et la suppression du fossé ont eu pour objet de permettre la constructibilité des parcelles comprises dans le terrain d’assiette du lotissement ; que, dès lors, alors même que la canalisation traversait seulement le terrain sans le desservir et qu’elle contribuait à l’évacuation des eaux pluviales en provenance de terrains situés en amont du projet, c’est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a regardé ces travaux comme ne constituant pas un équipement propre au lotissement au sens des dispositions de l’article L. 332-6 du Code de l’urbanisme ; que, par suite, alors que la société se borne, en défense en appel comme en demande en première instance, à soutenir que l’équipement en cause n’est pas un équipement propre et que le moyen tiré de la prescription de l’action en répétition de l’indu n’est pas fondé, la commune de Pujaut est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, et sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité de la demande de première instance, le tribunal administratif l’a condamnée à restituer à la SARL ANGLES HABITAT la somme de 42 433,42 euros, augmentée des intérêts légaux » (CE 24 avril 2012 SARL Angles Habitat, req. n° 340954).

Ainsi, amené à se prononcer sur la caractérisation d’un équipement public ou d’un « équipement propre », le Conseil d’Etat procédait à une distinction entre la part de l’équipement dédiée au seul usage des habitants du lotissement dont le financement incombait au lotisseur et celle profitable aux habitants autres que ceux du lotissements.

En conséquence, il admettait qu’un équipement demeurait propre à un lotissement ou à une construction, même s’il desservait au delà du seul lotissement ou de la seule construction.

Il convient cependant de souligner que cette solution n’était pas partagée par l’ensemble des Cours Administratives d’Appel.

Ainsi, dans une autre affaire, la Cour Administrative d’Appel de Lyon avait jugé que :

« Considérant, en second lieu, que le bassin de rétention des eaux pluviales objet de la convention n’est pas destiné au seul usage du lotissement mais doit aussi recevoir les eaux pluviales du bassin versant ; que, l’obligation ainsi faite à la société de réaliser sur son terrain ce bassin de rétention, qui est pour partie un équipement propre au lotissement et pour partie un équipement public de la commune n’entre, même si la commune assure le financement correspondant au surdimensionnement, dans aucun des cas prévus par les dispositions de l’article L. 332-6 du Code de l’urbanisme » (CAA Lyon 22 décembre 2009 Commune d’Issoire, req. n° 07LY01103).

A l’inverse, la Cour administrative d’Appel de Paris procédait à une telle différenciation et condamnait une commune à restituer à un lotisseur la somme correspondant à la partie d’un équipement qui n’était pas « propre » au lotissement autorisé (CAA Paris 28 mars 2006 Sarl Sidel, req. n° 02PA01615).

L’arrêt commentée a donc le mérité d’uniformiser l’interprétation de la notion d’ « équipement propre » au lotissement et opte pour une définition restrictive qui permet de dégager un cadre de définition claire.

Désormais, il semble qu’un « équipement propre » à un lotissement est celui qui ne dessert que ce seul lotissement et ne peut en aucun cas s’agir d’un équipement qui, tout en assurant à titre principal la desserte de ce lotissement, permet également à titre subsidiaire, même de façon indirecte, la desserte d’un autre lotissement ou d’une autre construction.

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