Délégué du personnel et absences répétées : pas d’obligation de recherche de reclassement.

Par Gilles Courtois, Juriste.

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Explorer : # licenciement # absences répétées # représentants du personnel # reclassement

Selon un arrêt rendu, le 9 mars 2016, par le Conseil d’État, l’employeur qui souhaite prononcer le licenciement d’un délégué du personnel, dont les absences répétées ou prolongées pour maladie perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise et nécessitent son remplacement définitif, n’est tenu à aucune obligation de recherche d’un poste de reclassement.

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La question du licenciement d’un salarié dont les absences répétées ou prolongées pour maladie perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise et nécessitent son remplacement définitif a depuis longtemps été tranchée par la jurisprudence.

Les juges n’ont de cesse de rappeler qu’un tel licenciement ne doit pas être motivé par l’état de santé du salarié mais au contraire par les perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise engendrées par ces absences (Cass.soc. 13 mars 2001, n°99-40.110).

Les perturbations doivent, en outre, rendre nécessaire le remplacement définitif du salarié par l’embauche d’un autre salarié en CDI (Cass.soc. 5 mai 2001, n°99-42.574).

La question qui est posée dans cet arrêt est de savoir s’il faut en présence d’un délégué du personnel, dont les absences pour maladie perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise, procéder à une recherche de reclassement avant d’engager une procédure de licenciement.

En vertu d’une circulaire du 30 juillet 2012, l’administration semblait poser cette exigence supplémentaire pour les représentants du personnel.

Une assistance de communication d’une fédération sportive, par ailleurs déléguée de personnel, bénéficie d’un arrêt de travail pour maladie non professionnelle depuis le 5 octobre 2010. Considérant qu’une telle absence perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise, son employeur va solliciter de l’inspection du travail, en avril 2011, une demande d’autorisation de licenciement.

L’autorisation ayant été accordée, la salariée va saisir la juridiction administrative aux fins d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 décembre 2011 par laquelle le ministre du Travail a autorisé son licenciement.

La cour administrative d’appel de Versailles, par arrêt en date du 3 décembre 2013, va débouter la salariée de sa demande.

La salarié à l’appui de son pourvoi soutient que son employeur n’a pas étudié, au préalable, la recherche d’un poste de reclassement et qu’en conséquence l’autorité administrative n’aurait pas du autoriser le licenciement.

Pour soutenir ce raisonnement, elle invoque de solides arguments.

D’une part, elle prend appui sur la circulaire DGT du 30 juillet 2012 portant sur « les décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés ».

Celle-ci prévoit expressément que « l’inspecteur du travail saisi d’une demande de licenciement, motivée par les absences pour maladie du salarié, doit contrôler, outre la régularité de la procédure interne à l’entreprise et la matérialité des faits, la recherche de possibilités de reclassement en cas d’absences prolongées et répétées du salarié ».

D’autre part, elle prend appui sur un précédent arrêt du Conseil d’État qui affirmait « il appartient à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les absences de l’intéressé sont d’une importance suffisante pour justifier le licenciement compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail, des conditions de fonctionnement de l’entreprise et de la possibilité d’assurer son reclassement » (CE, 21 oct. 1996, n° 111.961, M. Maube).

Il est intéressant de souligner que dans l’arrêt de 2016, le Conseil d’État ne fait plus aucune référence à l’obligation de reclassement.

Il se contente de fixer les points de contrôle de l’inspecteur du travail : « il incombe à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si, eu égard à la nature des fonctions de l’intéressé et aux règles applicables à son contrat, ses absences apportent au fonctionnement de l’entreprise des perturbations suffisamment graves que l’employeur ne peut pallier par des mesures provisoires et qui sont dès lors de nature à justifier le licenciement en vue de son remplacement définitif par le recrutement d’un autre salarié ».

Par cet arrêt, le Conseil État prend ainsi le contrepied de sa jurisprudence antérieure et de la circulaire du 30 juillet 2012.

Le remplacement définitif du salarié par un autre prend ainsi le pas sur une éventuelle recherche de reclassement. C’est ainsi que la salariée se voit débouter de sa demande.

Dès lors, exception faite du cas particulier de l’inaptitude, l’employeur n’est tenu à aucune obligation préalable de recherche de reclassement avant de licencier un salarié dont les absences répétées ou prolongées pour maladie perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise.

Gilles Courtois
Juriste droit social

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