Durcissement de la réduction ISF-PME.

Par Fabrice Delouis et Aurélie Camus, Avocats.

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Explorer : # réduction fiscale # investissement pme # réforme fiscale # conditions d'éligibilité

Le dispositif ISF-PME a été récemment modifié de manière substantielle par la loi de finances rectificative pour 2015, en limitant significativement le champ des investissements éligibles.

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Le dispositif ISF-PME est un mécanisme d’incitation à la souscription au capital des PME permettant, sous conditions, de bénéficier d’une réduction d’ISF égale à 50% de la souscription [1]. Cet avantage fiscal est toutefois plafonné à 45.000 €.

Cette réforme [2] s’inscrit dans la mise en conformité aux règles européennes d’encadrement des aides d’Etat.

Sont donc visées par la réforme du dispositif tant les souscriptions directes (I) qu’indirectes au travers d’une holding ISF (II). Les obligations déclaratives et d’information mises à la charge des sociétés n’ont pas été modifiées par la loi de finances rectificative.

I. Restriction des souscriptions directes au capital de PME

  • Le recentrage du dispositif sur les jeunes entreprises ou en cas d’investissement important

Depuis le 1er janvier 2016, sont visées par le dispositif ISF-PME les PME de moins de sept ans, sauf investissement important.

Lors de l’investissement initial, la société doit remplir l’une des conditions suivantes :

    • N’exercer son activité sur aucun marché ; ou
    • Exercer son activité sur un marché, quel qu’il soit, depuis moins de sept ans après sa première vente commerciale. Le seuil de chiffre d’affaires caractérisant la première vente commerciale ainsi que ses modalités de détermination seront fixés par décret ; ou
    • Avoir besoin d’un investissement en faveur du financement des risques qui, sur la base d’un plan d’entreprise établi en vue d’intégrer un nouveau marché géographique ou de produits, est supérieur à 50% de son chiffre d’affaires annuel moyen des cinq années précédentes.

La troisième hypothèse permet aux PME de plus de sept ans de continuer à être éligibles au dispositif.

A ce jour, ni le décret d’application de la loi modifiant le dispositif n’a été publié, ni le BOFIP sur la réduction d’ISF-PME n’a été mis à jour.

Néanmoins, si on se réfère au règlement général d’exemption par catégorie (ci-après « RGEC »), « le plan d’entreprise » visé à la troisième hypothèse ci-dessus doit contenir « des informations sur l’évolution des produits, des ventes et de la rentabilité » et établir « la viabilité financière ex ante » du financement.

En outre, la réforme du dispositif introduit une nouvelle condition tenant à la PME, qui ne doit pas être qualifiable d’entreprise en difficulté au sens du RGEC du 17 juin 2014.

Les anciennes conditions d’éligibilité des PME sont dans l’ensemble maintenues :

    • Répondre à la définition communautaire de la PME (effectif <250 salariés, chiffre d’affaires annuel <50 M€, ou le total bilan <43M€) ;
    • Exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;
    • Avoir son siège de direction effective dans un Etat de l’Espace économique européen ;
    • Etre soumise à l’impôt sur les bénéfices dans les conditions de droit commun ;
    • Ne pas être cotée sur un marché réglementé français ou étranger ;
    • N’accorder aux souscripteurs, en contrepartie de leur souscription, que les seuls droits résultant de leur qualité d’associé ou d’actionnaire, à l’exclusion de tout autre avantage ou de garantie en capital ;
    • Ne pas détenir des actifs constitués de métaux précieux, d’œuvres d’art, d’objets de collection, d’antiquités, de chevaux de course ou de concours ou de vins ou d’alcools, de façon prépondérante (sauf si l’objet de son activité consiste en la consommation ou la vente au détail de vins ou d’alcools) ;
    • Ne pas avoir procédé dans les douze mois à un remboursement total ou partiel des apports précédents du souscripteur ;
    • Compter au moins deux salariés à la clôture de l’exercice qui suit la souscription, ou un salarié si elle doit s’inscrire à la chambre des métiers et de l’artisanat.

Doivent être satisfaites de manière continue jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant la souscription les conditions relatives à :

    • L’absence de contrepartie des souscripteurs ;
    • La nature de l’activité ;
    • La composition des actifs ;
    • La localisation du siège de la société.
  • Un durcissement des souscriptions éligibles

Désormais les souscriptions en numéraires effectuées à l’occasion d’une augmentation de capital sont réservées aux investisseurs qui ne sont ni associés ni actionnaires, sauf lorsqu’elles constituent un investissement de suivi (même après le délai de sept ans).

Constitue un investissement de suivi, l’investissement qui remplit les conditions cumulatives suivantes :

    • Le redevable a bénéficié au titre de son premier investissement de la réduction ISF-PME ;
    • De possibles investissements de suivi étaient prévus dans le plan d’entreprise de la société bénéficiaire ;
    • Cette société n’est pas devenue liée à une autre au sens de la réglementation européenne (art. 21, 6-c du RGEC du 17-06-2014).

S’agissant des investissements de suivi, la nouvelle règle s’applique aux souscriptions initiales effectuées à compter du 1er janvier 2016.

En pratique, les dirigeants associés ou actionnaires ne peuvent plus, sauf dans l’hypothèse d’investissement de suivi, réduire leur ISF en investissant dans leur propre société.

Les souscriptions remplissant les conditions suivantes au moment du versement sont éligibles à la réduction ISF :

    • Les souscriptions revêtant la forme d’apport en numéraire ;
    • Le montant total des versements reçus au titre des souscriptions (directes ou intermédiées) ne doit pas excéder 15 M€ [3] ;
    • Les titres remis en contrepartie des versements sont des actions ordinaires, des actions de préférence ou des parts sociales ;
    • Les titres doivent être conservés pendant cinq ans, ce délai court à compter de la date de la souscription jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant l’année de souscription.

Les versements pris en compte pour la réduction ISF sont ceux effectués entre la date limite de dépôt de la déclaration ISF de l’année précédant celle de l’imposition et la date limite de dépôt de déclaration de l’année d’imposition.

II. Limitation des souscriptions via une holding ISF

  • Qualification restrictive des holdings ISF

Depuis le 1er janvier 2016, la holding ne doit pas être associée ou actionnaire de la société dans laquelle elle réinvestit, excepté en cas d’investissement de suivi (voir supra).

Par ailleurs, la holding doit toujours satisfaire aux conditions applicables aux PME éligibles (sauf les conditions d’activité, de nombre minimum de salariés, d’âge de la société et du montant total des versements).

Pour rappel, la holding doit également avoir pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

La condition de l’exclusivité de l’objet social est considérée comme satisfaite lorsque la société holding détient au moins 90% de son actif brut comptable en titres de sociétés opérationnelles.

Cette condition s’apprécie à la date limite de déclaration de l’année au titre de laquelle le redevable entend bénéficier de la réduction d’ISF au titre de son versement. En pratique, la condition de l’exclusivité de l’objet social doit être satisfaite au 15 juin 2015 pour pouvoir bénéficier de la réduction ISF au titre de 2015.

Par la suite, cette condition doit être satisfaite au 1er janvier de chaque année jusqu’à la 5ème année suivant la souscription.

Pour le calcul du pourcentage de 90%, il est admis qu’il n’est pas tenu compte :

    • Des apports nécessaires à la constitution du capital minimum de la société holding ;
    • Des sommes reçues des personnes physiques au titre de souscriptions au capital de la société holding n’ayant pas encore été réinvesties par celle-ci en souscriptions au capital de sociétés cibles éligibles ;
    • Des apports constitutifs de créances liquides et exigibles sur la société holding ou réalisés au titre de souscriptions ou acquisitions d’obligations ;
    • Du produit de cession des titres de sociétés cibles cédés par la société holding en application d’une clause de sortie forcée, avant l’expiration du délai de douze mois dont elle dispose pour réinvestir les sommes au capital de sociétés éligibles.

Il en résulte que ces sommes sont déduites de l’actif brut comptable de la société holding pour le calcul du pourcentage de 90%.

  • Alignement des souscriptions indirectes sur les souscriptions directes
    • La PME bénéficiaire des souscriptions doit remplir les mêmes conditions qu’en cas d’investissement directe ;
    • L’investissement indirect est effectué par l’intermédiaire d’une holding avec un seul niveau d’interposition ;
    • Les souscriptions revêtent la forme d’apport en numéraire ;
    • Les titres éligibles sont les actions ordinaires, les actions de préférence et les parts sociales ;
    • Les titres doivent être conservés pendant cinq ans, ce délai court à compter de la date de la souscription jusqu’au 31 décembre de la 5ème année suivant l’année de souscription. La condition de conservation doit être satisfaite au niveau de l’investisseur personne physique et de la société holding interposée.

La proportion de versements ayant donné lieu à une souscription au capital de PME avant la date limite de dépôt de la déclaration ISF ouvre droit à une réduction d’impôt au titre de l’année d’imposition.

Conclusion :

La réforme du dispositif ISF-PME telle qu’entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2016, entend clairement favoriser l’investissement au sein des jeunes entreprises. En outre, la restriction tenant à l’absence de liens capitalistiques de l’investisseur dans la société cible demande d’élargir ses horizons pour continuer à bénéficier de cette réduction ISF.

Fabrice DELOUIS, Avocat Associé chez DELCADE
Aurélie CAMUS, Avocat chez DELCADE

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Notes de l'article:

[1Article 885-0 V bis du CGI.

[2Loi 2015-1786 du 29 décembre 2015, art. 24.

[3A défaut de précision ce montant s’apprécie sur la durée de vie de la société.

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