Le Code du travail prévoit plusieurs cas dans lesquels le CE peut faire appel à un expert-comptable pour l’éclairer et dont les honoraires sont réglés par l’employeur.
Si l’employeur reçoit une facture qui lui paraît excessive au regard de l’ampleur ou de la qualité du travail fourni, il ne peut pas refuser de payer car cela constituerait un délit d’entrave, mais il est en droit de contester le montant des honoraires devant le juge.
Voici quelques exemples dans lesquels les honoraires ont été jugés abusifs et réduits par le juge :
- La facturation de travaux de compréhension, d’approche, d’analyse de l’organisation et du fonctionnement de l’entreprise alors que l’expert-comptable était déjà intervenu (Soc. 24 oct. 2012, n°11-24.595) ;
- La réalisation de travaux qui excèdent la mission confiée par le CE (Cass. soc., 21 oct. 1998, no 97-10.058) ;
- La remise d’un rapport inconsistant (CA Versailles, 29 janv. 2014, no 13/04060), comportant des développements inutiles (CA Paris, 6 mars 1985, no L 12807) ou majoritairement constitué de tableaux fournis par l’employeur (CA Reims, 10 mai 2000, no 97/03340) ;
- L’absence de justification du montant des frais supplémentaires, notamment de déplacements figurant sur la note d’honoraires (CA Rennes, 10 oct. 2013, no 12/06590).
Une facture de 55 000 euros ramenée à 10 000 euros
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 mars 2016 (Cass. Soc. 10 mars 2016, n°14-21547), les faits sont les suivants : en 2011, un comité d’établissement de la société Norbert Dentressangle, désigne un expert-comptable pour l’examen annuel des comptes (devenu la consultation annuelle sur la situation financière de l’entreprise depuis 2016).
En octobre 2011, l’employeur, verse 10 000 euros à titre d’acompte en réponse à une première demande d’acompte de 18 000 euros. Sa mission terminée, l’expert comptable adresse la facture totale de 55 000 euros alors que le rapport final n’a pas encore été remis. L’employeur refuse de verser les sommes réclamées.
C’est la société d’expertise comptable qui saisit le président du TGI en référé pour obtenir la somme demandée. Le TGI, la cour d’appel puis la Cour de cassation suivent la position de l’employeur.
Il est constaté par les juges que, si le taux horaire est précisé, il n’y a aucune estimation du temps prévisible consacré à la mission et que le taux horaire est unique quels que soient les intervenants. Or, certaines factures correspondent au travail de collaborateurs n’ayant pas la qualité d’expert-comptable. Il est retenu également des contradictions entre les différentes factures concernant le temps passé par chaque collaborateur.
Surtout, un tableau comparatif produit par l’employeur comportant le prix de prestations similaires effectuées par différents cabinets au sein d’autres sociétés, montre un coût allant de 7 570 euros (effectif de 948 salariés et 7 établissements) à 26 900 euros (effectif de 1 057 salariés dans un périmètre de 11 établissements). En l’espèce la facture était de 55 047 euros pour un établissement de 52 salariés. Le « ratio honoraires/effectifs » était donc de près de 1 000 euros par salarié pour l’expertise contestée alors qu’il ne dépassait pas 34 euros pour les autres cabinets !
S’appuyant sur ces éléments et sur le fait que le contenu du rapport lui-même ne traduit pas un travail d’analyse justifiant une rémunération conséquente, il est considéré que le montant des honoraires demandé est excessif et doit être limité au montant déjà versé par l’employeur, soit 10 000 euros.
Cette décision vient, avec d’autres décisions, démentir l’idée assez largement répandue selon laquelle il serait quasiment impossible de contester le montant d’une expertise en raison de son coût excessif et/ou de la médiocrité de la prestation accomplie.
Des décisions analogues concernant le coût de l’expertise CHSCT
Plusieurs décisions ont reconnu le droit au juge de fixer le montant des honoraires dus à l’expert du CHSCT en tenant compte du travail effectivement réalisé et notamment de la qualité du rapport d’expertise.
Par exemple, la Cour de cassation a validé la décision de la cour d’appel qui avait réduit le tarif forfaitaire de 1 450 euros/jour à la somme de 1 100 euros HT, et le nombre de jours/expert à 66 au lieu de 100 (Cass. soc., 15 janv. 2013, no 11-19.640). Les éléments pris en compte, qui vont peut-être rappeler des souvenirs à certains de nos lecteurs : le rapport litigieux procédait par affirmations dont plusieurs étaient « inexactes ou non vérifiées ». Les recommandations étaient « souvent très générales et sans grande portée, certaines d’entre elles n’ayant aucun lien avec le projet soumis à consultation » et il manquait « des propositions constructives utilisables par l’entreprise, beaucoup d’entre elles laissant en effet l’impression d’une simple critique de la situation actuelle, ou d’une généralisation de cas isolés ». En conclusion, il avait été fourni « un rapport manquant singulièrement de synthèse et de rigueur dans l’énoncé du constat et des remèdes ».
Ces décisions montrent que les juges n’écartent pas la possibilité d’analyser sévèrement les travaux dont la qualité n’est pas satisfaisante. Cette démarche est salutaire car elle permet de défendre tant les prérogatives du CHSCT qui a un réel besoin d’être accompagné par des acteurs de qualité pour comprendre les sujets dont il est saisi et travailler efficacement, que les intérêts de l’entreprise à qui incombe la charge financière de ces mesures.