En matière de brevets, 60 % des designers sont nommés comme inventeurs dans les demandes déposées par les industriels commanditaires, ce qui montre que la frontière entre designer et inventeur est assez perméable, en fait si ce n’est en droit.
En outre, un nombre non négligeable de designers est copropriétaire, avec l’industriel commanditaire, des demandes de brevets déposées. Ceci peut paraître surprenant, lorsque l’on connaît la difficulté, sur le plan juridique, mais aussi pratique, de la gestion de la copropriété de brevet. Par exemple, le retour financier pour le designer ne peut généralement se faire, dans un tel cas, que par des redevances perçues sur l’exploitation du brevet par l’industriel. Ceci suppose de régler ces questions à l’avance et de conclure un contrat régissant les conditions d’exploitation du brevet, et non pas de s’en remettre aux règles supplétives du Code de la propriété intellectuelle, qui sont peu adaptées aux réalités économiques.
Les agences de design, même si elles recourent majoritairement au dépôt de modèle, font appel au dépôt de brevets dans 25 % des cas.
Plus de la moitié des agences de design admettent que la connaissance des mécanismes de protection par brevet est importante, tout en regrettant que les questions de brevets ne soient pas abordées dans les contrats signés avec les industriels commanditaires.
Cependant, les agences vont d’elles-mêmes rechercher des informations à cet égard, principalement auprès de l’INPI, mais aussi auprès des Conseils en propriété industrielle.
L’aspect budget n’est pas directement abordé dans les questions posées aux agences dans le cadre de l’enquête. Il semble donc opportun de rappeler ici que le coût de la protection par modèle est bien inférieur à celui de la rédaction, du dépôt et de la procédure d’une demande de brevet en France. Cependant, la protection apportée par un brevet vise à protéger un ensemble de moyens techniques, à l’exclusion des aspects esthétiques, protégés, s’ils ne sont pas fonctionnels, par le modèle. Autrement dit, la décision de protéger par modèle ou brevet ne peut pas résulter d’un choix purement économique, mais doit être prise en fonction de l’objet de chacun des droits et du but poursuivi par le demandeur, selon qu’il souhaite protéger une innovation technique et/ou un aspect esthétique du produit, étant entendu que les deux formes de protection sont cumulables sous certaines conditions.
Cette étude confirme l’interaction entre les métiers respectifs de designers et d’inventeurs. Ceci n’est pas surprenant car les résultats souhaités ou les critères esthétiques ou commerciaux, exprimés par les industriels, conduisent de plus en plus fréquemment à résoudre des problèmes techniques. Le designer est alors amené assez souvent à participer à la conception et au développement d’une solution technique visant à répondre à la demande de l’industriel.
Cette interaction entre les métiers ne fait qu’exprimer, si besoin était, le lien étroit entre le modèle et le brevet, malgré leurs fonctions juridiques différentes.
Cependant, protéger par brevet et/ou par modèle suppose quelques précautions. Par exemple, un dépôt de modèle publié prématurément pourrait entacher de nullité une demande de brevet déposée postérieurement. En outre, s’il est possible qu’un seul et même objet ou dispositif puisse faire l’objet d’un dépôt de modèle et d’un dépôt de brevet, chaque droit (brevet et modèle) vise à protéger des caractéristiques différentes, fonctionnelles pour le brevet et, de forme ou ornementales pour le modèle.
Ceci confirme l’intérêt d’une sensibilisation des agences de design et de leurs partenaires industriels aux enjeux de la protection par brevet et par modèle, afin que la négociation de contrats soit la plus équilibrée et fructueuse possible.