Permis de conduire et Contrat de travail : attachez vos ceintures, en route vers l’explication légale !

Par Yacine Zerrouk, Juriste.

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Explorer : # permis de conduire # contrat de travail # licenciement # obligation de sécurité

Commercial, livreur, ambulancier, conducteur de bus … ces professions ont toutes un point commun : la détention du permis de conduire est fondamentale, pour ne pas dire substantielle.

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De ce principe, découle naturellement tout un ensemble de question quant à l’articulation permis de conduire / contrat de travail.

En amont de toute embauche, l’employeur peut-il s’assurer que le candidat est bel et bien en possession d’un permis de conduire ?

En vertu de l’article L.1221-6 du Code du travail,

" Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles.

Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles.

Le candidat est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d’informations ".

Autrement dit, lorsque l’emploi proposé nécessite la conduite d’un véhicule, alors l’employeur est en droit de demander au cours de l’entretien d’embauche, si le candidat est bien en possession d’un permis de conduire et en cours de validité.

Bien entendu, le permis de conduire doit correspondre au type de véhicule de l’emploi proposé (exemple : le candidat possède uniquement un permis B alors que le poste proposé requiert l’obtention d’un permis C).

En revanche, l’employeur n’est pas autorisé à demander au candidat des informations sur le nombre de points restants sur son permis de conduire.

Effectivement, au regard de l’article L.223-7 du Code la route :

" Les informations relatives au nombre de points détenus par le titulaire d’un permis de conduire ne peuvent être collectées que par les autorités administratives et judiciaires qui doivent en connaître, à l’exclusion des employeurs, assureurs et toutes autres personnes physiques ou morales ".

Le nombre de points figurant sur un permis de conduire est une information à caractère personnel et pour rappel, l’employeur doit respecter la vie privée de tous candidats et/ou salariés.

Dans certains cas, afin d’obtenir impérativement l’emploi proposé, le candidat ne possédant pas de permis de conduire, peut fournir des informations inexactes ( ex : un candidat ne possédant pas de permis de conduire en cours de validité / ne possédant pas le bon permis de conduire, qui laisse croire à l’employeur qu’il en possède un).

A ce sujet, l’article L.1221-6 alinéa 3 du Code du travail (précité), rappelle que

" Le candidat est tenu de répondre de bonne foi aux demandes d’informations formulées par l’employeur ".

De ce fait, en vertu d’une jurisprudence constante, " tous candidats prétextant détenir le permis de conduire approprié pour le poste souhaité, constitue une faute justifiant le licenciement ".

C’est pour cela qu’afin d’éviter cette situation préjudiciable pour les deux parties, il est conseillé à l’employeur d’exiger au candidat qu’il produise l’original du permis de conduire.

La perte du permis de conduire en cours d’exécution du contrat de travail est-il une cause de rupture du contrat de travail ?

L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité, doit s’assurer que ses salariés soient toujours en possession d’un permis de conduire afin que ces derniers puissent exécuter leurs missions.

Pour ce faire, l’employeur peut inclure plusieurs clauses dans le contrat de travail.

D’une part, l’employeur peut introduire une clause contractuelle rappelant ainsi que l’obtention du permis de conduire est une condition substantielle quant à l’exécution de l’activité professionnelle.

D’autre part, il peut formaliser, toujours par une clause contractuelle, que lors d’une suspension ou d’une annulation du permis de conduire, il incombe au salarié d’en avertir immédiatement son employeur.

Néanmoins, ces pratiques ne sont pas obligatoires et donc pas toujours présentes dans les rapports contractuels.

Ainsi, que se passe-t-il concrètement lorsque le permis de conduire d’un salarié est suspendu ou annulé à la suite d’une infraction routière ?

Pour répondre à cette question, le législateur distingue deux situations : lorsque le salarié a commis l’infraction routière en dehors du temps de travail et lorsqu’il l’a commis l’infraction routière pendant le temps de travail.

o Lorsque l’infraction routière a été réalisée en dehors du temps de travail, le salarié ne peut faire l’objet d’un licenciement disciplinaire ou d’une quelconque sanction disciplinaire.

" Le fait de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait du permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance des obligations découlant du contrat de travail " (Soc. 5 Février 2014, n° 12-28.897).

Néanmoins, si le licenciement pour motif disciplinaire est à oublier, l’employeur peut tout de même procéder à un licenciement pour motif personnel seulement si " la suspension ou l’annulation du permis de conduire cause un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise " (Soc. 5 Février 2014, n° 12-28.897).

A ce titre, la notification de licenciement doit impérativement mentionner la perturbation occasionnée par le retrait ou la suspension dans le fonctionnement de l’entreprise et de l’impossibilité pour le salarié d’exécuter son contrat de travail.

En conséquence, le salarié ne pourra demander à son employeur le versement de l’indemnité de préavis sauf s’il rapporte la preuve qu’il pouvait exercer d’autres fonctions.

Enfin, il est opportun de souligner que par son pouvoir disciplinaire, l’employeur peut recourir à des alternatives autres que le licenciement pour motif personnel.

Par exemple, il peut procéder à l’affectation du salarié concerné sur un autre poste qui ne nécessite pas la détention d’un permis de conduire ou encore le faire travailler en équipe avec un autre salarié possédant le permis de conduire.

Mais cela reste bien-entendu à la libre appréciation de l’employeur.

o Lorsque l’infraction routière a été commise pendant le temps de travail, la solution envisagée est toute autre.

En effet, dans ce cas, l’employeur est en droit d’entamer une procédure de licenciement pour motif disciplinaire.

Le degré de la faute retenue dépendra du contexte dans lequel le permis de conduire du salarié a été suspendu ou annulé.

En règle générale, l’employeur se fondera soit sur une faute simple ou soit sur une faute grave.

Par exemple, la jurisprudence a retenu la faute grave pour " le salarié dont le permis a été retiré pour des faits de conduite en état d’ébriété pendant le temps de travail " (Soc. 30 Septembre 2013, n° 12-17.182).

Pour terminer, il est important de noter que les conséquences ne sont pas les mêmes lorsque le salarié est déclaré inapte à la conduite par la médecine du travail.

Comme évoqué précédemment, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité envers ses salariés.

Dès lors, en plus de s’assurer que le salarié soit bel et bien titulaire d’un permis de conduire en cours de validité, l’employeur doit également vérifier, sur le fondement de l’article R. 4624-19 du Code du travail, l’aptitude de ce dernier à conduire.

En cas d’inaptitude à la conduite d’un salarié par la médecine du travail, l’employeur devra tout d’abord recherché à le reclasser au sein de l’entreprise ou du groupe.
Si un licenciement est prononcé alors que l’employeur n’a pas respecté son obligation de reclassement qui lui incombe, alors le licenciement sera dépourvu de cause réelle et sérieuse.

A défaut de reclassement possible, alors l’employeur pourra procéder à une procédure de licenciement pour inaptitude.

Yacine Zerrouk
Responsable Relations Sociales

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Discussions en cours :

  • Bonjour,

    Peut-on, selon vous, prévoir contractuellement une suspension du contrat de travail en cas de perte du permis ? (en précisant que la détention du permis de conduire est une condition essentielle du contrat). J’entends par là sans l’accord du salarié.

    Cette suspension prendrait alors la forme d’un congé sans solde.

    Est ce que cette suspension automatique, si elle est possible, devra être subordonnée à une recherche de reclassement préalable (un garde fou) ?

    En vous remerciant de votre réponse.

    • par Yacine Zerrouk , Le 2 novembre 2016 à 20:10

      Tout d’abord, il faut savoir que, si la détention du permis de conduire est substantielle à l’activité professionnelle, alors l’employeur peut procéder à un licenciement pour motif non disciplinaire s’il justifie d’une impossibilité du salarié à exécuter le contrat de travail en raison de la perte de son permis de conduire.
      Sauf si la bonne exécution du contrat n’est pas subordonnée à l’utilisation d’un véhicule en permanence.

      Enfin, l’employeur peut décider entre plusieurs alternatives au licenciement dont le reclassement ou bien encore la suspension du contrat de travail, qui peut dès lors revêtir la forme de congés payés ou de congés sans soldes.
      Mais cette décision reste bien entendu dépendante du pouvoir de direction de l’employeur.

    • par jean-louis , Le 3 avril 2018 à 09:46

      bonjour,
      voila question :
      mon employeur veut que je modifie mon horaires de prise de service du matin en modifiant l’horaire sur le chronotachygraphe.
      car sur la feuille de prise de service, l’heure de prise de service n’est pas marquer il y a juste le départ garage d’inscrit.
      d’avance merci pour vos réponse
      jean-louis

  • par benjamin , Le 28 janvier 2018 à 19:17

    bjr en suis en cdi depuis juin 2017 j avais pas le permis au moment de signé et aujourdhui mon patron veut me licencier car pas de permis et il le droit

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