Précisions sur les conditions dans lesquelles le juge peut ordonner une mesure d’expertise.

Par Antoine Louche, Avocat.

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Explorer : # expertise judiciaire # conditions de détention # responsabilité de l'administration # tribunal administratif

Il appartient au juge d’ordonner une expertise que lorsqu’il n’est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu’il a recueillis et que l’expertise présente ainsi un caractère utile.

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En l’espèce, un détenu avait saisi le Tribunal administratif de Caen d’un recours de plein contentieux tendant à la condamnation de l‘Etat en réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait de ses conditions de détention dans la maison d’arrêt de Cherbourg du 11 octobre 2010 au 15 février 2011.

Par un jugement avant dire droit du 22 mai 2012, ledit Tribunal avait, en application des dispositions de l’article R. 621-1 du Code de justice administrative, ordonné une expertise afin de déterminer l’existence et l’étendue des préjudices allégués.

La mission de l’expert tendait notamment à se rendre à la maison d’arrêt et à « prendre connaissance de tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission » et de «  constater et décrire l’état d’aménagement et de confort de chacune des cellules occupées par l’intéressé au cours de sa détention à la maison d’arrêt de Cherbourg ».

Cette mission expertale tendait en particulier à décrire l’état de la cellule ainsi que les meubles et les sanitaires, de relever la surface de cette dernière, déterminer le volume d’air de la cellule, de relever le dispositif d’aération, de ventilation et de régulation du chauffage.

Mais également à dresser un plan de la cellule, de décrire les installations sanitaires et locaux d’hygiène auxquels l’intéressé avait accès.

En somme, la mission de l’expert tendait à dresser un descriptif aussi précis et complet que possible sur les conditions de détention du requérant.

Le garde des Sceaux a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de ce jugement avant dire droit.

Au visa des dispositions de l’article R. 621-1 du Code de justice administrative, la Haute Assemblée a fixé, dans le cadre d’un considérant de principe, l’office du juge de l’expertise.

Ainsi, et de manière classique, il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l’encontre de l’administration d’apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l’existence d’une faute et la réalité du préjudice subi.

En application de ce principe, le juge doit statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu’il estime nécessaires à l’appréciation de la demande indemnitaire dont il est saisi (voir notamment en ce sens CE, 27 mai 1983, n°45690).

En l’espèce, les Juges du Palais Royal ont considéré que la description à laquelle s’est livré le requérant renvoyait à des conditions d’incarcération générales et peu précises sur sa situation personnelle alors que l’administration avait fourni au juge des éléments détaillés notamment des surfaces des cellules occupées successivement par le requérant, le taux d’occupation de ces dernières ou encore le mobilier présent dans ces cellules.

Dès lors, le Tribunal disposait de suffisamment d’éléments pour statuer sur l’action indemnitaire engagée devant lui et a pu estimer, sans dénaturer les pièces du dossier, qu’une expertise était utile à la solution du litige.

Le pouvoir d’appréciation des juges du fond est donc grand en l’espèce, le contrôle du juge de cassation sur l’utilité de la prescription d’une mesure d’expertise étant, de manière classique, limité à celui de la dénaturation des pièces du dossier.

Références : CE, 23 octobre 2013, Garde des Sceaux, ministre de la justice, n°360961 ; CE, 27 mai 1983, n°45690

Antoine Louche,
Avocat associé chez Altius Avocats
www.altiusavocats.fr

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