Dans l’affaire de Nogent sur Marne qui a été largement relayée par les médias, les propriétaires réclamaient l’expulsion de leurs locataires et le remboursement des sommes perçues via la plateforme Airbnb. Ils ont finalement été condamnés eux-mêmes à payer une somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile à leurs locataires.
La prise en compte par le juge de la durée de la sous-location prohibée.
Le Tribunal d’Instance, dans son jugement du 21 février 2017, a débouté les bailleurs de leur demande de résiliation du bail au motif que la période de sous-location serait trop courte (9 jours) et que les locataires auraient fait preuve de bonne foi en cessant immédiatement la sous-location.
Effectivement, la résiliation du bail pour une sous-location prohibée s’apprécie au cas par cas et notamment selon la bonne ou la mauvaise foi des locataires.
En l’espèce, le juge d’instance a considéré (d’après les pièces versées aux débats) que les locataires n’avaient pas fait preuve d’un manquement grave et répété à leurs obligations.
Cela peut apparaître critiquable puisqu’il y a bien eu sous-location prohibée mais cela résulte de l’appréciation souveraine du juge. La décision aurait pu être différente si la sous-location avait été beaucoup plus longue.
Le bailleur n’a pas obtenu le versement des sous-loyers perçus par ses locataires.
Par ailleurs, ce jugement du 21 février 2017 apporte un éclairage sur le préjudice invoqué par les bailleurs à propos de la perception de sous-loyers par leurs locataires dont ils réclamaient le paiement.
Les bailleurs sollicitaient des dommages et intérêts pour leur préjudice moral et le paiement des loyers perçus du fait de la sous-location illicite.
Les locataires considéraient que "la perception de sous-loyers n’est pas préjudiciable aux bailleurs et que leur restitution permettrait leur enrichissement sans cause, que la réalité d’un préjudice moral pour neuf jours de sous-location n’est pas démontrée."
La notion d’enrichissement sans cause a été remplacée par celle de l’enrichissement injustifié codifié à l’article 1303 du code civil par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016.
Le tribunal n’a pas statué sur le fond de la question et s’est contenté de rejeter la demande de dommages et intérêts des bailleurs au titre de leur préjudice moral.
La notion d’enrichissement injustifié ne devrait cependant pas être retenue puisque les bailleurs ne se sont pas appauvris du fait de cette sous-location prohibée.
Cela étant, quel fondement juridique peut être invoqué par les bailleurs pour pouvoir récupérer les sous-loyers perçus par leurs locataires via la plateforme Airbnb ?
La Cour d’appel de Paris devrait nous renseigner sur ce point puisque les bailleurs ont fait appel de la décision.
Contrairement à ce que l’on peut lire dans la presse, ce jugement de 1ère instance ne constitue donc ni un coup de théâtre par rapport à la jurisprudence antérieure ni une impunité totale pour les locataires qui sous-louent sur Airbnb.
Le principe reste la prohibition de la sous-location non autorisée par le bailleur mais le juge doit pouvoir conserver son pouvoir d’appréciation au cas par cas.
Il n’est donc pas certain que nous ayons rapidement une jurisprudence durablement établie.
A suivre…
Discussions en cours :
Article 547 du Code Civil : Par accession, le propriétaire de la chose a le droit d’en percevoir (tous) les fruits civils. Selon moi, la notion d’appauvrissement est hors sujet ; seul compte l’effet attaché à la propriété.
Mécanisme de l’accession pour la restitution des sous-loyers indûment perçu par les locataires (article 546 et 547 du Code civile) confirmé par la Cour d’appel le 5 juin 2018, n°16/10684