L’écoute ou l’enregistrement de conversations téléphoniques des employés sur le lieu de travail sont généralement interdites compte tenu des risques d’atteinte aux libertés et à la vie privée des salariés ou des agents publics concernés.
Aucune écoute permanente ou aucun enregistrement permanent des conversations des personnels d’une entreprise ou d’une administration ne peuvent être mis en œuvre, à moins qu’une législation ou une réglementation particulière l’impose (par exemple, pour le passage d’ordres dans les salles de marchés).
Ainsi, une écoute ou un enregistrement ponctuels des conversations téléphoniques ne sont possibles que dans des cas limités et dûment justifiés tel que la formation du personnel en vue de l’amélioration de l’accueil téléphonique et selon des modalités strictement encadrées.
Ici observons que l’article 226-15 du code pénal incrimine le fait, commis de mauvaise foi, d’intercepter, de détourner, d’utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l’installation d’appareils conçus pour réaliser de telles interceptions (un an d’emprisonnement, 45.000 € d’amende) ; et que l’article 432-9 du code pénal incrimine pour sa part, le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de d’ordonner, de commettre, ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, l’interception ou le détournement des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, l’utilisation ou la divulgation de leur contenu (trois ans d’emprisonnement, 45.000 € d’amende).Par ailleurs, l’écoute ou l’enregistrement des conversations téléphoniques ne peuvent être réalisés qu’en cas de nécessité reconnue et doivent être proportionnés aux objectifs poursuivis ( un enregistrement pour des besoins de formation ne pourra être réalisé que sur une brève période et en aucun cas de manière permanente).
Cependant, la vérification des appels téléphoniques émis depuis chaque poste de l’entreprise à l’aide d’un auto commutateur peut ne pas être portée à la connaissance des salariés si les relevés ne contiennent aucune information personnelle.
La Cour de cassation a le 29 janvier 2008, souligné les limites de l’obligation d’information de l’employeur. En l’espèce, M. X. employé par la société Canon France en qualité d’inspecteur régional des ventes, a été licencié au motif de l’utilisation abusive de son téléphone à des fins personnelles concernant l’accès à des numéros interdits (plus de 60 heures) de messagerie privée. Il soutenait que le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail, au respect de l’intimité de sa privée ; que viole cette liberté fondamentale l’employeur qui, sans l’avertir préalablement qu’il contrôle ses communications téléphoniques, recense celles qu’à partir du poste mis à sa disposition le salarié a établies avec une messagerie destinée à effectuer des rencontres entre adultes, quand bien même de telles communications seraient interdites.
Il est vrai que l’article L.121-8 du code du travail énonce qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.
Cependant, la cour de cassation a estimé que la simple vérification des relevés de la durée, du coût et des numéros des appels téléphoniques passés à partir de chaque poste édités au moyen de l’auto commutateur téléphonique de l’entreprise ne constitue pas un procédé de surveillance illicite pour n’avoir pas été préalablement porté à la connaissance du salarié. De plus, à de nombreuses reprises, le salarié avait utilisé pendant son temps de travail le poste téléphonique mis à sa disposition pour établir des communications avec des messageries de rencontre entre adultes, alors qu’il savait que cet usage était interdit dans l’entreprise, le comportement fautif est ainsi caractérisé et ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En définitive, on retiendra de cette décision que la vérification des appels téléphoniques émis depuis chaque poste de l’entreprise à l’aide d’un auto commutateur peut s’effectuer à l’insu des salariés si les relevés ne contiennent aucune information personnelle. Ils pourraient même servir de fondement à un licenciement.
Mais prudence, car le numéro des appels téléphoniques peuvent présenter des données personnelles et alors il faut informer les salariés de l’existence de procédé de contrôle. Soulignons, enfin, mais ce point a été bizarrement étranger aux débats qu’un dispositif d’écoute ou d’enregistrement des conversations téléphoniques ne peut être installé que s’il a préalablement fait l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL si le dispositif d’écoute ou d’enregistrement repose sur des moyens numériques.
A cet égard, le dossier présenté à la CNIL doit notamment apporter toutes précisions utiles sur les finalités poursuivies et la proportionnalité du dispositif d’écoute au regard de ces finalités, l’information et la consultation des instances représentatives du personnel, l’information des personnels, la durée de conservation des enregistrements et les mesures prises pour assurer leur confidentialité. Dommage.
Gérard HAAS
HAAS Société d’Avocats