Il y a deux ans environ, plusieurs ONG [1] ont lancé une pétition, afin d’alerter et impliquer les citoyens face à l’inaction de l’État français dans la lutte contre le réchauffement climatique. Elle rencontre un succès immédiat et d’ampleur inédite [2].
En Mars 2019, les quatre ONG déposent une requête devant le tribunal administratif de Paris, arguant d’une « carence fautive » de l’État français.
En effet, la requête vise à ce que l’État soit dans l’obligation de prendre des mesures significatives afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à un « niveau compatible avec l’objectif de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète sous le seuil de 1,5°C par rapport au niveau préindustriel [3] ».
Le volet judiciaire de l’affaire s’ouvre alors.
Suite à l’audience du 14 janvier 2021, le jugement rendu le 3 février 2021 par le juge administratif de Paris reconnait que la France n’a pas respecté la trajectoire fixée pour réduire les émissions de GES de 40 % en 2030, par rapport au niveau de 1990 et que ce non-respect a entrainé des émissions supplémentaires de GES « qui se cumuleront avec les précédentes et produiront des effets pendant toute la durée de vie de ces gaz dans l’atmosphère, soit environ 100 ans, aggravant ainsi le préjudice écologique invoqué ».
Ainsi l’État français n’ayant pas respecté ses engagements de réduction de gaz à effet de serre pour la période 2015-2018, l’existence d’un préjudice écologique est alors reconnu par le juge.
En ce jour symbolique pour la lutte contre le réchauffement climatique, le juge a établi le préjudice écologique, se fondant notamment sur les derniers rapports du GIEC. L’État a été condamné à verser un euro symbolique à chacune des quatre ONG, au titre du préjudice moral subit.
Toutefois, le juge a rejeté la demande d’indemnisation financière des requérants pour le préjudice écologique, sur le fondement de l’article 1249 du Code civil, au motif qu’il n’était pas impossible pour l’État de réparer en nature ce préjudice.
Retenons que, pour la première fois, l’État français voit sa responsabilité reconnue et son inaction est considérée comme la cause d’un préjudice écologique. Ainsi, cette décision tend à prouver que le réchauffement climatique est bien notre affaire à tous. Et que les initiatives non étatiques/ non politiques, peuvent aboutir également.
Ce jugement s’inscrit dans un contexte où la France s’est déjà fait rappeler à l’ordre concernant le non-respect de ses engagements climatiques.
En effet, le Haut Conseil pour le climat, dans son rapport annuel publié en juillet 2020, énonce que « Les actions climatiques ne sont pas à la hauteur des enjeux ni des objectifs ».
Lors de l’adoption de l’accord de Paris [4], la France avait affiché un engouement et une ferveur sans précédent afin de lutter contre le réchauffement climatique… en 2021, le constat n’est plus le même.
En effet, le réchauffement climatique poursuit son augmentation, les États peinent à mettre en œuvre des mesures efficaces et efficientes, tant différents intérêts s’entremêlent.
Alors, que reste-t-il ? Il nous reste « nous ». Notre mobilisation et notre conscience citoyenne, s’exprimant à travers les associations, ONG, etc. … peuvent porter nos voix très loin. C’est ce que démontre « l’Affaire du siècle », s’inscrivant dans la lignée de précédentes décisions rendues à travers le monde, dont l’affaire URGENDA [5].
Un supplément d’instruction avant-dire droit a été ordonné par le juge, avec un délai de deux mois, afin de déterminer quelles mesures pourraient être ordonnées à l’État français, afin de réparer le préjudice causé ou prévenir son aggravation.
En réaction au jugement du 3 février dernier, le gouvernement a, quant à lui, déclaré avoir « (…) conscience du fait que les premiers objectifs fixés sur cette période passée (2015-2018) n’ont en effet pas été atteints. (…). C’est précisément pour cela qu’il a, depuis 2017, fortement rehaussé ses efforts en matière de politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre » [6].
Les regards se tournent désormais sur le projet de loi « climat et résilience », qui devra être tout prochainement présenté en conseil des ministres, le 10 février 2021, avant de poursuivre sa route démocratique et être soumis aux parlementaires.
Enfin, gageons que ce souffle d’espoir insufflé par ce jugement d’une importance capitale, verra les initiatives citoyennes se multiplier, afin de protéger notre bien à tous : notre planète.