Arnaque au kilométrage, quelles solutions ?

Par Karim Ziane, Avocat.

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Explorer : # arnaque au kilométrage # tromperie # escroquerie # droit de la consommation

Le kilométrage est l’un des éléments essentiels qui va influencer la personne lors d’un achat de véhicule d’occasion. Or, le rajeunissement de celui-ci est l’une des pratiques les plus récurrentes dans la vente et l’achat de voiture en France. Elle tend à donner une plus-value qui peut se chiffrer en milliers d’euros et le préjudice est considérable pour celui qui en est victime. Quelle solution envisager pour la victime en découvrant la fraude ?

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I- Que dit le droit pénal ?

La première qualification qui est retenue constitue le délit de tromperie conformément à l’article 454-1 du Code de la consommation qui prévoit

« la violation de l’interdiction prévue à l’article L441-1 est punie d’une peine d’emprisonnement de trois ans et d’une amende de 300 000 euros ».

Ainsi, le délit de tromperie se définit par le fait que toute personne partie ou non du contrat, use de moyens et procédés visant à tromper un contractant, en soulignant que même la tentative étant punie du même quantum de peine.

La tromperie est caractérisée par l’un des éléments prévus par l’article 441-1 du Code de la consommation qui prévoit :
- Soit sur la nature, l’espèce, l’origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toute marchandise ;
- Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d’une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l’objet du contrat ;
- Soit sur l’aptitude à l’emploi, les risques inhérents à l’utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d’emploi ou les précautions à prendre.

Ce délit peut être commis à l’occasion de relations entre professionnels et consommateurs, mais également entre particuliers ou entre professionnels.

Il y a une aggravation de la peine au cas où l’une des circonstances aggravantes serait retenue et qui va être portée à sept années d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.

En matière de preuve, l’infraction étant intentionnelle, la victime doit avoir des éléments probants et manifestes démontrant la mauvaise foi ou la négligence de l’auteur, toute action susceptible de masquer la réalité, même un silence peut être retenue comme preuve caractérisant l’infraction.

La simple connaissance de l’état réel du kilométrage de la part du vendeur suffit à caractériser l’infraction sans que ce dernier n’ait modifié ou participé à la modification du compteur ; ainsi, un professionnel ne peut se dérober d’avoir eu connaissance de ce genre de caractéristique puisque sa qualité lui donne automatiquement des attributs avantageux à la découverte de cette fraude.

Aussi, le vendeur a l’obligation d’informer l’acheteur sur toutes les qualités et défauts substantiels du véhicule qui peuvent motiver ou pas l’acquéreur.

En second lieu, les faits d’arnaque en kilométrage peuvent faire l’objet d’une qualification en escroquerie conformément à l’article 313-1 du Code pénal

« l’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».

La jurisprudence a défini des conditions dans le cadre des ventes automobiles afin de retenir cette qualification :

L’existence de manœuvre frauduleuse du vendeur, qui consiste par exemple à rassurer l’acheteur en faisant de sa qualité de professionnel un gage de confiance et fiabilité du véhicule, aussi, l’usage de faux noms ou de fausse qualité afin de pousser l’autre partie à contracter caractérise cette infraction.

Ensuite, la remise d’une somme d’argent ne doit pas être obligatoirement faite au vendeur, elle peut être faite à une tierce personne complice ou par le billet de société, c’est ce qu’a retenu la Cour de cassation dans son arrêt du 05 avril 2016.

Puis, il y a l’élément intentionnel qui est caractérisé par la volonté du vendeur à nuire à l’acheteur par des manœuvres frauduleuses de nature à tromper la vigilance de ce dernier. Cette appréciation de l’intention relève du pouvoir du juge de fond.

Enfin, l’existence d’un préjudice est une condition afin de caractériser l’infraction, celui-ci n’est pas nécessairement pécuniaire puisqu’il peut porter sur le défaut de consentement qui est altéré par les manœuvres frauduleuses produites par le vendeur.

Concernant la répression du délit d’escroquerie, la peine encourue est de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. A noter aussi que la tentative est punie du même quantum de peine.

S’agissant du délai pour agir en matière de poursuites pénales, il est fixé a deux années si la plainte concerne un professionnel de vente de véhicule.

II- Quelle procédure en matière civile.

La jurisprudence après plusieurs décisions a retenu que la falsification du compteur d’un véhicule constitue non pas un vice caché, mais un manquement à l’obligation de délivrance conformément aux articles 1604 et suivants du Code civil.

Ce manquement à l’obligation de délivrance ouvre la voie à l’acheteur d’un véhicule qui a fait l’objet d’un rajeunissement du kilométrage à une résolution du contrat de vente, qui a pour conséquence la restitution du véhicule au vendeur et la somme versée à l’acheteur. Le dommage causé suite à cette vente peut faire l’objet de réparation du préjudice subi par l’acheteur dans certains cas.

Une autre possibilité est éventuellement envisageable dans ce genre de cas, c’est une demande de minoration du prix du véhicule par rapport à sa vraie valeur marchande ; la jurisprudence a confirmé cette solution par le billet d’un arrêt de la Cour d’appel de Douai en date du 8 décembre 2016.

Enfin, une action sur le fondement de l’erreur manifeste portant sur les qualités essentielles convenues entre les deux protagonistes, c’est ce qu’a confirmé la jurisprudence dans un arrêt du TGI de Paris le 15 mai 2007.

Il est à noter que si une clause de non garantie du kilométrage est prévue dans le contrat de vente, elle est réputée nulle du fait que le vendeur est garant des caractéristiques du véhicule qu’il vend ; quand bien même, il ignorait totalement l’existence de la fraude sur le kilométrage.

La forclusion de ce genre d’action est de l’ordre de cinq années à partir de la date de l’acquisition du véhicule.

En conclusion, la personne qui est victime de ce genre de faits, doit entamer soit une procédure avec au préalable une mise en demeure au vendeur par lettre recommandée avec avis de réception aux fins de résolution du contrat de vente ou minoration du prix, soit un courrier sous forme de plainte au Procureur de république compétent territorialement.

Karim Ziane
Avocat au barreau de Paris
karimzian.avocat chez yahoo.com
www.karimziane-avocat.fr

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