Arnaque au photovoltaïque : 3 crédits accordés, 3 banques sanctionnées.

Par Grégory Rouland, Avocat.

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Explorer : # arnaque photovoltaïque # contrats de crédit # droits des consommateurs # liquidation judiciaire

Dans une affaire remportée par nos soins le 22 décembre 2022, nos clients ont obtenu de la Cour d’appel d’Amiens l’annulation et le remboursement de 3 crédits ruineux liés à l’achat de panneaux solaires.

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I. Nécessaire examen des faits.

Dans le cadre de plusieurs démarchages à domicile, un couple a conclu avec la société IC Groupe (en faillite depuis 2018), trois contrats de vente portant sur la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques et d’autres matériels :
- le 10 mars 2017, un premier pour un montant total de 14 000 euros, financé au moyen d’un crédit souscrit auprès de Cofidis ;
- le 9 mai 2017, un deuxième contrat pour un montant total de 12 000 euros, financé par un crédit accordé par Cetelem ;
- le 27 mars 2018, un troisième contrat pour un montant total de 26 000 euros réglé grâce à un crédit signé auprès de Sofinco.

On signalera que chaque contrat annulait le précédent, en raison de dysfonctionnements des panneaux photovoltaïques.

Au total, ces trois achats représentant une somme de 52 000 euros, soit plus de 76 000 euros avec les intérêts des crédits, le couple (financièrement asphyxié) n’a eu d’autre choix que de regrouper ces derniers, afin de les rembourser par anticipation et jouir de taux d’intérêts moindres.

Par ailleurs, en novembre 2018, par lettre recommandée avec accusé de réception les acquéreurs ont signalé au vendeur que les panneaux photovoltaïques et les matériels vendus ne fonctionnaient pas correctement.

Pour autant, le vendeur n’a jamais réglé les dysfonctionnements.

Et pour cause ! le 13 décembre 2018, le vendeur a fait l’objet d’un jugement d’ouverture en liquidation judiciaire.

Aussi, les acquéreurs n’ont eu d’autre choix que d’assigner le liquidateur judiciaire, les trois établissements prêteurs en annulation de leurs relations contractuelles.

II. Un jugement très défavorable.

Le 25 mars 2021, le Tribunal judiciaire de Compiègne a rejeté l’action en justice des acquéreurs-emprunteurs au motif que leur demande était irrecevable.

En effet, selon le tribunal, leur demande aurait tendu à réclamer de l’argent au vendeur et que c’était illégal !!!

Mieux encore, le tribunal a débouté les demandeurs au motif qu’ils n’avaient pas déclaré de créance !!!

De telles appréciations et affirmations sont autant fausses que juridiquement erronées et donc contraires au droit en vigueur.

De fait, les consommateurs victimes n’ont eu d’autre choix que de se porter devant la Cour d’appel d’Amiens et ils ont eu bien raison.

III. Un arrêt d’appel respectueux du droit et des intérêts des consommateurs victimes.

A. La faillite d’une société n’empêche pas sa poursuite en justice.

L’article L622-21 du Code de commerce dispose que :

« I.- Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;
2° A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent
 ».

Plus simplement parlant, il est interdit de demander à une société en faillite de se faire restituer ou de régler une somme d’argent, à moins d’avoir déposé une déclaration de créance en ce sens.

En l’espèce, jamais les demandeurs à l’action en justice n’avaient pas formé une telle demande.

En effet, la société venderesse a été placée en liquidation judiciaire, soit antérieurement à l’action engagée par ses clients à son encontre en annulation des contrats de vente.

Si les demandeurs en justice avaient réclamé d’être remboursé du montant des contrats de vente, alors qu’ils n’avaient pas pris la peine de signaler au liquidateur judiciaire qu’ils voulaient être remboursés du montant des contrats de vente, il est bien évident que le Tribunal de Compiègne aurait eu raison de rejeter leurs demandes

Or, devant le tribunal, les acquéreurs victimes n’ont jamais demandé au vendeur de les rembourser, mais uniquement réclamé aux banques de les rembourser des sommes réglées au titre des crédits, ce qui n’est pas la même chose !

Aussi, c’est à tort que le Tribunal de Compiègne a déclaré que les demandes en annulation des contrats de ventes et de crédit ayant pour conséquence la remise des parties en leur état antérieur ainsi que la restitution par le vendeur des sommes versées par les acheteurs au titre de l’installation photovoltaïque, étaient irrecevables.

Jamais une telle demande n’avait été formulée. Si tel avait été le cas, alors qu’il s’agissait là d’une action interdite (sauf à ce qu’il soit justifié d’une déclaration de créance), le rejet des demandes des consommateurs aurait été naturellement justifié.

Mais la cour d’appel qui a parfaitement cerné les demandes des acquéreurs a fort heureusement annulé le jugement et accepté de traiter celles-ci.

B. Annulation des contrats de vente et des contrats de crédit.

La cour d’appel a annulé les trois contrats de vente faute de respect des droits des consommateurs, ce qui a entraîné de plano l’annulation des contrats de crédit.

Pour exonérer, les acquéreurs-emprunteurs de rembourser les crédits, la cour d’appel a déclaré qu’ils se retrouvaient du fait de la faillite du vendeur dans une situation inextricable, à savoir ne pas pouvoir récupérer le montant des ventes pour des matériels qui n’ont jamais fonctionné et qu’ils devront démonter à leurs frais (refaire une toiture au moyen de ses propres deniers nécessite des moyens financiers).

On en veut pour preuve le courrier recommandé des emprunteurs adressé au vendeur et deux des trois bons de commande précisant que les matériels ne fonctionnent pas, qu’ils ont été changés et qu’ils sont défectueux.

Mieux encore, malgré les remplacements des matériels qui se sont rapidement avérés défectueux, les acquéreurs n’ont pas eu le temps de vérifier leur rentabilité.

On ne peut être plus clair !

De fait, le jugement a été annulé : les banques ont été condamnées à rembourser les emprunteurs de l’intégralité des sommes remboursées par leurs soins et condamnées à leur verser 3 000 euros au titre des frais d’avocat.

C’est une très belle décision, qui démontre que les victimes peuvent être rétablies dans leurs droits.

IV. Commentaires sur cet arrêt.

A. La faillite du vendeur n’empêche pas de demander l’annulation d’une vente.

Il est regrettable que des tribunaux commettent l’erreur de déclarer irrecevable la demande de justiciable tendant à voir prononcer la nullité ou la résolution d’un contrat de vente à l’encontre d’une société en faillite, lorsque cette demande est formulée postérieurement au prononcé de ladite faillite, sauf à ce qu’il soit justifié d’une déclaration de créance.

En effet, à tort des juridictions croient que l’annulation d’une vente affectera nécessairement le passif de la liquidation et constituerait donc une action prohibée, excepté en cas de déclaration de créance.

Pour ce faire, comme le Tribunal de Compiègne dans la présente affaire, elles prennent appui sur deux articles du Code de commerce. En premier lieu l’article L622-21 dudit code posant le principe de l’interdiction des poursuites à compter de l’ouverture d’une procédure collective et l’interruption des poursuites engagées antérieurement à l’ouverture d’une procédure collective :

« I.-Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L622-17 et tendant : 1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ; 2° A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ».

En second lieu, les juridictions s’appuient sur l’article L622-22 du Code de commerce disposant que :

« Sous réserve des dispositions de l’article L625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ».

Aussi, les magistrats estiment que si le justiciable ne justifie pas d’une déclaration de créance alors qu’il a engagé son action postérieurement au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire du vendeur, il lui est donc interdit de le poursuivre en justice.

C’est regrettable de juger aussi rapidement. En effet si une société en faillite est assignée (en la personne de son liquidateur) en résolution ou en annulation d’un contrat de vente passé avec elle, dès lors qu’il n’est pas demandé le paiement d’une somme d’argent et que l’action est fondée par exemple sur l’inexécution complète de la vente ou sur la réclamation de l’annulation du prêt affecté à cette vente, l’action en justice est parfaitement valable.

Autrement dit, si on ne réclame pas le paiement d’une somme d’argent (remboursement ou dommages et intérêts), il est légal d’agir en justice contre une société en faillite.

Dès lors, d’aucuns ne peuvent opposer aux demandeurs en justice la règle de l’interdiction des poursuites individuelles, qui est sans incidence sur la demande en résolution ou en annulation d’un contrat de vente.

D’ailleurs, pour clore définitivement un débat pour le moins absurde, la Cour de cassation a posé un principe général, à savoir que l’action en résolution d’un contrat pour inexécution d’une obligation autre qu’une obligation de payer une somme d’argent n’est ni interrompue ni interdite par le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire et ce, peu important que le créancier ait également demandé de dire que le débiteur devait leur restituer les fonds déjà payés (Cass. com., 15 juin 2022, n°21-10.802).

Dans cette affaire, on notera que les créanciers acheteurs d’un bien immobilier en VEFA demandaient la résolution du contrat de vente conclu avec la débitrice, une SCI, pour manquement de celle-ci à son obligation de livraison du bien, soit pour une cause autre que le non-paiement d’une somme d’argent. L’action des justiciables étaient donc recevables.

Dans l’affaire traitée par la Cour d’appel d’Amiens, les justiciables demandaient uniquement l’annulation des contrats de vente pour pouvoir profiter de l’annulation des contrats de prêt.

Il n’y avait rien d’illégal à cela, et les juges d’appel l’ont parfaitement compris.

B. Une installation non opérationnelle est un préjudice suffisant pour être exonéré de payer un crédit.

Il n’est pas rare de lire les doléances des banques, reprochant aux juridictions de les priver de leurs créances de restitution, au motif qu’elles ne peuvent pas vérifier si les matériels financés sont défectueux ou non, les pannes relevant du SAV des vendeurs et non de la responsabilité des prêteurs.

L’argument est juste, mais dans un autre sens, les banques sont des professionnelles qui acceptent de prendre le risque de financer des sociétés qui sont de peu de confiance et s’exposent donc à un procès potentiel.

Aussi, le consommateur, profane et endetté, qui se retrouve avec une installation en panne ne peut pas tirer profit de celle-ci.

Il est donc normal de protéger le consommateur, en position de faiblesse.

Une telle décision amènera alors les banques à être plus vigilantes dans le choix de ses partenaires financiers et à ne pas régler trop rapidement ces derniers qui, si on fait preuve de prudence, on découvrirait qu’elles n’agissent pas dans le respect du droit.

En outre, il est peu probable qu’une banque souffre d’être privée du remboursement d’un crédit, à l’inverse de particuliers qui n’ont pas les moyens de le rembourser dès lors que leur acquisition est à fond perdu, faute de fonctionner ou d’atteindre le résultat optimal convenu.

Grégory Rouland
Docteur en Droit et Avocat
gregory.rouland chez outlook.fr

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