Les avantages de la mise en place d’un plan d’épargne d’entreprise, par Vincent Collier, Avocat

Avocat à la Cour
Conseils Réunis
Société d’avocats au Barreau de Paris
79 avenue de Villiers - 75017 PARIS
v.collier chez conseilsreunis.com

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Explorer : # plan d'épargne d'entreprise # avantages fiscaux # fonctionnement

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Actuellement, seule une minorité des salariés bénéficie d’un Plan d’épargne d’entreprise (P.E.E.) ou d’un plan équivalent. Dans ce contexte, le P.E.E. peut encore beaucoup se développer et il appartiendra à tous les acteurs susceptibles de déclencher sa mise en place ou d’aider à le faire fonctionner de se mobiliser davantage, qu’il s’agisse des chefs d’entreprise, des salariés, des banquiers, des avocats et experts-comptables, voire des administrations (signalons à cet égard l’existence de quelques sites internet dévolus en tout ou partie à cette question, tels que " www.epargnesalariale.minefi.gouv.fr " ou " www.epargne-salariale.fr " ou " www.PEE-conseil.com ", liste évidemment non exhaustive).

Notons par ailleurs que la loi portant réforme des retraites adoptée le 24 juillet 2003 (JO 24.08.2003), a prévu, depuis le 1er janvier 2004, le remplacement du P.P.E.S.V. (plan partenarial d’épargne salariale volontaire, qui peut continuer à fonctionner pendant trois ans) par le P.P.E.S.V.R. (plan partenarial d’épargne salariale volontaire pour la retraite). Et tous les salariés peuvent aujourd’hui adhérer aux P.E.R.P. (plan d’épargne retraite populaire) récemment créés. Ces nouveaux plans ne sont pas étudiés ici pour des raisons de commodité et de clarté.

Concernant le P.E.E. proprement dit, dans un premier temps, il conviendra d’expliquer les règles de mise en place et fonctionnement des Plans d’Epargne d’Entreprise, en en rappelant également les avantages fiscaux, avant de présenter quelques observations sur le rôle de l’avocat en cette matière.

I/ Les P.E.E. : mise en place et fonctionnement :

A/ Création des P.E.E. :

- Toute entreprise (ou groupe d’entreprises) quels que soient sa taille, ses effectifs et sa forme juridique peut créer un P.E.E., et la loi institue très clairement une obligation dans les entreprises de négocier chaque année avec les représentants du personnel la mise en place éventuelle d’un dispositif d’épargne salariale, tant qu’il n’en a pas été mis un en place.

Pour les plans communs à plusieurs entreprises (plans d’épargne inter-entreprises - P.E.I.), à défaut d’accord collectif au niveau professionnel ou territorial, un vote de l’ensemble du personnel de l’entreprise nouvellement adhérente à la majorité des deux tiers suffit pour ratifier la décision de création d’un P.E.E., en l’absence de comité d’entreprise.

Par ailleurs, le P.E.E., sous réserve de consulter les représentants du personnel, peut être mis en place à la seule initiative de l’employeur, notamment pour faire face à une revendication salariale des employés.

Le bénéfice du P.E.E. peut être limité à une condition d’ancienneté du salarié dans l’entreprise (ou dans une autre entreprise du même groupe) de 3 mois au maximum (ce délai est applicable de plein droit même aux accords existants).

- D’autre part, la loi étend le champ d’application des dispositifs d’épargne salariale aux chefs d’entreprise eux-mêmes ou aux mandataires sociaux.

Plus précisément, les chefs d’entreprise (commerçants, artisans, professions libérales) de un à 100 salariés, ainsi que dans les sociétés les présidents, directeurs généraux, gérants (même minoritaires) de sociétés et membres du directoire, peuvent désormais bénéficier des P.E.E., même en l’absence de tout contrat de travail.

Leurs versements sur un P.E.E. ne sont toutefois admis que dans la limite de 25 % de leur revenu professionnel (soumis à l’impôt sur le revenu) de l’année précédente.

Mais attention : la loi interdit très clairement de prévoir (dans le règlement du P.E.E.) des règles distinctes suivant les catégories de bénéficiaires du P.E.E. ; ainsi, par exemple, si un mandataire social souhaite profiter d’un abondement égal à 300% de ses versements volontaires (c’est le maximum légal), il ne peut prévoir un abondement de 100% seulement pour ses employés...

L’on notera par ailleurs que les anciens salariés retraités peuvent demeurer adhérents au P.E.E. et continuer d’y affecter des versements (mais l’entreprise ne pourra abonder le P.E.E.).

- En tout état de cause, le règlement du P.E.E. devra être déposé auprès de l’inspection du travail.

B/ Fonctionnement et abondement des P.E.E. - quels supports bancaires ?

1/ Fonctionnement et abondement :

Le P.E.E. est le réceptacle destiné à recueillir les sommes versées par l’employeur au titre de la participation ou de l’intéressement, mais aussi les versements volontaires du salarié prélevés sur son salaire (c’est en cela que le P.E.E. est assez proche des fonds de pension) et les versements complémentaires de l’entreprise (l’on notera que cet abondement est obligatoire, à moins que l’entreprise ne souhaite seulement prendre en charge les frais de gestion du portefeuille).

Toutefois, les versements des salariés ou des chefs d’entreprise / mandataires sociaux adhérents sont limités à 25% au maximum de la rémunération salariée (en fonction du salaire du début d’année civile, ou en fonction du salaire réactualisé effectif, s’il est plus élevé) ou du revenu professionnel annuel brut.

Cette limitation est néanmoins peu contraignante, car peu de salariés peuvent se permettre de mettre de côté sur un support d’épargne à long terme plus de 25% de leur rémunération annuelle...

En effet, les sommes versées sont ensuite bloquées pendant cinq ans à compter de l’acquisition des parts ou titres.

Il n’est pas possible de rependre son épargne avant ce délai, même en renonçant aux avantages fiscaux.

A moins bien entendu de pouvoir invoquer l’un des motifs autorisés de retrait avant terme, à savoir un mariage, P.A.C.S., divorce, cessation du contrat de travail, création ou reprise d’une entreprise, achat de sa résidence principale, surendettement, invalidité, naissance d’un troisième enfant...

Quant à l’abondement du P.E.E. par l’entreprise en plus des versements du salarié ou du dirigeant, il peut être au plus égal au triple (300%) de la somme versée par l’employé ou le dirigeant, dans la limite toutefois de 2.300 Euros par an et par bénéficiaire salarié ou dirigeant (ce seuil est porté à 3.450 _ - ou à 4.140 _ à compter du 1er janvier 2006 - si les fonds sont investis dans les titres de l’entreprise - notamment lors d’une augmentation de capital - pour encourager l’implication du salarié dans la vie de sa propre entreprise).

Mais attention : la loi interdit à l’employeur de substituer l’abondement à un élément de rémunération du salarié, ni de lier le montant de l’abondement au niveau de la rémunération du salarié ou du dirigeant.

En tout état de cause, cet abondement facultatif du P.E.E. par l’entreprise est librement fixé par l’employeur, de sorte que 40% environ des salariés ne bénéficient d’aucun versement complémentaire... Toutefois, selon l’article L 443-7 du Code du Travail, la " modulation " éventuelle des sommes versées ne peut résulter que de l’application de " règles générales " (mais définies par l’employeur...), et non en fonction de l’appréciation portée sur le travail d’un salarié en particulier.

Enfin, il n’est pas inutile de noter que les fonds placés sur un P.E.E. peuvent être transférés (le P.E.E. d’origine est alors clos) sur un autre P.E.E. d’une autre entreprise en cas de changement d’employeur, si le salarié ne souhaite pas faire libérer son épargne. En ce cas, des frais de transfert (généralement faibles) peuvent être prélevés par l’ancien gestionnaire du P.E.E..

Le salarié doit alors recevoir un état récapitulatif sur les sommes versées, lui-même inséré dans un " livret d’épargne salariale ". Il est tenu compte pour le calcul du délai d’indisponibilité (5 ans) de la durée de détention précédente et les sommes transférées ne sont pas prises en compte pour apprécier la limite maximale des versements du salarié ou dirigeant (25% de la rémunération annuelle).

2/ Quels supports bancaires ?

S’agissant du portefeuille sur lequel sont investies les sommes placées sur le P.E.E., il doit s’agir de titres de SICAV, parts de FCP (composés de valeurs diversifiées de sociétés ayant leur siège dans un état membre de l’Espace Economique Européen) ou de titres de l’entreprise ou d’une autre entreprise du même groupe. Des obligations minimales de liquidité des placements du P.E.E. sont également prévues dans certains cas.

Actuellement, les opérateurs mettent en avant la nécessaire diversification des valeurs et fonds sur lesquels le P.E.E. portera, et déconseillent tout choix forcé pour le salarié.

Plus généralement, comme pour toute épargne, il conviendra de la ventiler prudemment entre les placements actions (75 % au moins), diversifiés (jusqu’à 50 % d’actions), obligataires ou monétaires. De même, il sera utile d’examiner les performances des fonds sur un an ou cinq ans.

Il est en effet rappelé la particulière volatilité des supports actions.

S’agissant des coûts de fonctionnement du P.E.E., un PEI - plan d’épargne inter-entreprises constitué entre des sociétés se regroupant volontairement ou après une négociation collective dans une branche professionnelle ou une région - sera plus avantageux, car les frais seront partagés entre plusieurs entreprises.

En général, selon les offres des établissements bancaires ou assimilés, proposant de gérer et faire fructifier des P.E.E., les frais d’entrée sur les versements sont de l’ordre de 1 % à 4 % (taux négociable), sans compter les frais de tenue de compte, ce qui correspond peu ou prou aux frais d’acquisition de parts de SICAV ou F.C.P..

Pour plus d’information, il est évidemment souhaitable de bien étudier les différentes offres disponibles sur ce marché en expansion. La plupart des banques et acteurs du secteur consacrent une partie de leur site internet à ces produits d’épargne.

II/ : Les P.E.E. : quels avantages fiscaux ?

A/ Pour l’entreprise ?

Pour l’entreprise, le P.E.E. présente un avantage considérable.

En effet, les sommes affectées au P.E.E. sont déductibles des bénéfices de l’entreprise imposables à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu (comme les rémunérations proprement dites) mais également ne supportent pas de cotisations sociales ou assimilées, y compris la taxe sur les salaires (à l’inverse des rémunérations "classiques"), sauf la CSG et la CRDS qui sont précomptées par l’employeur (sans préjudice d’un abattement de 3 %).

Dès lors, à titre d’exemple, alors qu’une augmentation de salaire de 100 Euros net représenterait une charge réelle de 175 Euros environ pour l’employeur, l’abondement d’un P.E.E. à hauteur de 100 Euros ne lui coûterait que 110 Euros (compte non tenu des frais de mise en place et fonctionnement du P.E.E.). De même, si l’on compare le montant net perçu d’une prime exceptionnelle brute de 1.500 _ environ après paiement des charges et taxes et l’abondement sur un P.E.E., le taux d’efficacité est de 44% seulement dans le premier cas, et de 92 % dans le second (calcul sur la base de charges patronales de 50 % et salariales de 15 % plus taxes).

Quant aux mandataires sociaux et chefs d’entreprise, eux aussi éligibles au P.E.E., ils peuvent déduire du résultat de leur entreprise jusqu’à 2.300 Euros pour le P.E.E..

Enfin, pour les entreprises de moins de cent salariés ayant conclu un accord d’intéressement, il est possible de constituer en franchise d’impôt une provision pour investissement égale à 50 % du montant de l’abondement versé par l’employeur.

B/ Pour les salariés ?

Pour les salariés, les avantages découlant du P.E.E. sont également non négligeables.

En effet, l’abondement reçu de l’employeur par le moyen du P.E.E. (versements complémentaires de l’entreprise dans la limite de 300% des versements du salarié) et les sommes issues de l’intéressement investies sur le P.E.E. (intéressement collectif - dans la limite de 50 % du plafond de la sécurité sociale -, ou participation sans limite), ainsi que les dividendes, intérêts et plus-values que procurent les sommes placées sur le P.E.E., sont exonérés d’impôt (mais pas de CSG-CRDS - sans abattement de 3 % -, ni du prélèvement social de 2% et de la contribution additionnelle, soit 2,3 % pour ces deux dernières taxes), à condition que ces produits soient réinvestis sur le P.E.E. jusqu’à l’échéance du délai d’indisponibilité du principal.

Il n’en est évidemment pas de même en matière de salaires (taxés suivant le barème progressif de l’impôt sur le revenu), de dividendes (sous réserve de l’abattement de 1.220 _ - personnes seules ou de 2.440 _ - personnes mariées ou pacsées) et de plus-values mobilières "classiques" (taxation proportionnelle de 16% + 10% de prélèvements sociaux, sauf en dessous du seuil d’exonération des plus values fixé à 15.000 Euros pour 2004 - montant des cessions).

De la même façon, les sommes versées au titre de l’intéressement "classique" hors P.E.E. sont déductibles du bénéfice de l’entreprise mais sont imposables pour le salarié (mais il est vrai qu’elles sont immédiatement disponibles).

Par contre, les versements volontaires des salariés sur le P.E.E. ne sont pas déductibles de l’impôt sur le revenu (sauf les fonds qui proviennent des primes d’intéressement - dans la limite de 50% du plafond de la sécurité sociale - ou de la participation) et supportent la CSG-CRDS (après abattement de 5 %).

III/ Mise en place et fonctionnement des P.E.E. : le rôle de l’avocat :

Quel rôle l’avocat peut-il jouer lors de la création, de la gestion et de la cessation du P.E.E. ?

Tout d’abord, le chef d’entreprise ou éventuellement un groupe de salariés peut être amené à consulter spontanément un avocat conseil pour clarifier certains points de droit, se faire expliquer le processus de mise en place du P.E.E. ou connaître les seuils et avantages fiscaux applicables.

De même, l’avocat peut être conduit à intervenir à la demande de l’un des intervenants lors d’un litige entre l’entreprise et ses employés, ou bien entre eux et l’administration fiscale ou, plus rarement, avec l’organisme bancaire chargé de la gestion des fonds.

Toutefois, en dehors et au-delà de ces conseils ou procédures ponctuels, il appartiendra à notre avis à l’avocat, dans une optique de suivi plus général du bon fonctionnement d’une entreprise :

- en amont, de conseiller la mise en place d’un P.E.E., même si l’employeur ou les salariés n’en ont pas l’initiative, peut-être par crainte de difficultés qui leur sembleraient trop pesantes,
- lors de la création du P.E.E. et de son fonctionnement, de veiller au respect de l’ensemble des procédures de mise en place et des règles de versement et de gestion (abondement, choix des supports d’épargne, règles d’indisponibilité, etc...),
- lors du départ d’un salarié ou de la fermeture d’un plan, de contrôler le respect de la loi et d’assister ou représenter l’entreprise ou le salarié lors d’un litige éventuel (à cet égard, l’avocat pourra aussi avoir un rôle de médiation).

Mais, bien évidemment, ces missions de l’avocat à différents stades du fonctionnement du P.E.E., ne doivent pas exclure celles d’autres professionnels du droit ou/et du chiffre, tels que juristes d’entreprise ou fiscalistes, experts-comptables, banquiers, conseils en épargne et patrimoine, etc...

C’est ainsi l’ensemble des intervenants du secteur qui doivent se mobiliser pour diffuser encore davantage (mais dans le plein respect des conditions juridiques et fiscales fixées par la loi) un produit d’épargne privilégié par les pouvoirs publics mais parfois encore trop souvent réservé de fait aux grandes ou moyennes entreprises.

Auteur : Vincent COLLIER

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Activités : Droit des affaires - Droit social - Droit fiscal

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