Le changement de régime matrimonial : une mutabilité contrôlée.

Par Morgane Hansebout, Avocat.

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Explorer : # changement de régime matrimonial # intérêt de la famille # homologation judiciaire # acte notarié

A l’origine, les conventions matrimoniales étaient régies par un principe d’immutabilité :
une fois choisie, l’enveloppe matrimoniale ne pouvait plus être modifiée.

Il en allait d’une protection d’ordre public, bénéficiant tant aux membres de la cellule familiale qu’aux tiers à celle-ci.

La loi du 13 juillet 1965 a rendu possible la modification conventionnelle du régime matrimonial, laquelle a été facilitée par les évolutions législatives postérieures : notamment les lois du 23 juin 2006 et du 5 mars 2007.

L’intervention du Juge est alors limitée à deux hypothèses :
- la présence d’enfant(s) mineur(s)
- l’opposition d’un créancier ou d’un enfant majeur, lesquels sont obligatoirement tenus informé du changement de régime.

-

I. Les conditions présidant au changement de régime matrimonial

Le changement de régime matrimonial est traité par l’article 1397 du Code civil et les articles 1300 à 1303 du Code de procédure civile.

1) Une condition temporelle

La condition première est la durée d’application du régime matrimonial choisi initialement : elle doit être de deux ans, avant qu’il ne puisse être affecté d’un changement.

2) Une condition de fond

La seconde condition tient à la raison d’être de ce changement, motivé par l’intérêt de la famille.

Cet "intérêt" fait l’objet d’une appréciation d’ensemble de la part du Juge.

Ainsi l’intérêt de la famille ne peut pas être limité à celui d’un de ses membres.

L’intérêt fiscal peut motiver un changement de régime, s’il ne va pas de pair avec la mise en œuvre d’une fraude, ou l’organisation d’une insolvabilité.

En pratique cependant l’intérêt du conjoint pourra motiver valablement le changement de régime matrimonial.

Il en va ainsi du changement au profit d’une communauté avec clause d’attribution intégrale, s’inscrivant dans une perspective de protection du conjoint survivant.

A l’inverse, un changement au profit d’un régime de séparation sera effectué si l’un des époux se lance dans une activité entrepreneuriale, libérale. Une séparation de bien pourra épargner les biens du conjoint d’une éventuelle action des créanciers de l’époux entrepreneur.

3) Un acte volontaire

Le changement de régime matrimonial suppose la volonté des deux parties : réunies lors de la signature de l’acte notarié.

Ce consentement doit subsister lors de l’homologation de la Convention par le Juge, si elle est nécessaire.

II. Le changement de régime matrimonial : en principe conventionnel, sous réserve des deux cas d’homologation judiciaire

1) Un changement de régime déjudiciarisé

Dans l’hypothèse la plus simple, le seul professionnel du droit habilité à effectuer le changement de régime matrimonial est le notaire. Tout changement de régime suppose l’établissement d’un acte authentique.

Si les époux substituent à un régime communautaire (communauté légale, communauté universelle) un régime de séparation de biens, le notaire devra effectuer une liquidation de la communauté.

Si le changement vise l’adoption d’une communauté universelle et que des immeubles propres deviennent à ce titre commun, les formalités de publication au bureau des hypothèques devront être effectués.

Quelque soit le régime adopté à l’occasion du changement de régime, le Notaire en informera :
- les enfants majeurs par lettre recommandée avec accusé de réception et
- les créanciers par voie de publication dans un journal d’annonces légales.

2) L’intervention du Juge dans deux cas de figure

Le législateur a souhaité maintenir le contrôle du Juge, et ce dans deux hypothèses :

- en cas de minorité d’un enfant ;
- en cas de l’opposition d’un enfant majeur ou d’un créancier, qui a été informé du changement dans le délai de trois mois dévolu à cet effet.

Dans ces hypothèses, la convention devra être homologuée par le Juge.

La représentation par avocat est ici obligatoire.

Il saisira le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal de grande instance du domicile des époux par voie de requête.

Celle-ci contiendra :
- l’acte notarié visant la modification du régime matrimonial ;
- une justification relative à l’intérêt de la famille présidant au changement de régime ;
- diverses pièces jointes au dossier : livret de famille, état des emprunts, situations des comptes bancaires, titres de propriété, déclarations d’impôt sur le revenu, preuve de l’information des enfants majeurs.

III. Les conséquences du changement de régime matrimonial

1) La prise d’effet du changement de régime matrimonial

Dans les rapports entre époux, le nouveau régime s’appliquera :
- à la date de la signature de l’acte notarié portant modification du régime matrimonial ;
- à la date de l’homologation de la convention par le juge, c’est à dire lors de l’audience.

A l’égard des tiers, le nouveau régime matrimonial sera effectif trois mois à compter de la mention portée en marge de l’acte de mariage.

2) Les recours

Des recours peuvent être formés :

- contre la convention modificative : par la mise en œuvre d’une action en nullité pour fraude, pour dissimulation d’enfant, d’une action en nullité fondée sur un dol.

- contre l’état liquidatif : par la mise en œuvre d’une action paulienne.

- contre le jugement d’homologation : par la voie de l’appel ouvert aux tiers auxquels le jugement a été notifié.

Morgane Hansebout
Avocat

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