Les clauses de non-concurrence post-contractuelle (ou de non-réaffiliation) dans les contrats de distribution et notamment en matière de franchise, par Michaël Amado, Avocat

31379 lectures 1re Parution: Modifié: 4.79  /5

Explorer : # clauses de non-concurrence # contrats de distribution # droit de la concurrence # franchise

-

1°) Règles générales de validité des clauses de non-concurrence :

La jurisprudence considère que pour être licites, les clauses de non-concurrence doivent remplir les conditions suivantes :

- définir un critère géographique ou temporel. Néanmoins, une clause limitée dans le temps et l’espace dans un contrat de franchise peut ne pas être proportionnée par rapport à l’objet du contrat (Cass. com., 12 mars 2002, Sté Troc de l’Île c/ Sté Nicolas : Juris-Data n° 2002-013658).

- être conformes, voire nécessaire, aux intérêts légitimes de l’entreprise dans le but, notamment de protéger son savoir-faire, des informations confidentielles, ou encore l’identité du réseau de distribution. La protection de la clientèle n’est plus un intérêt légitime susceptible d’être invoqué par le franchiseur depuis que la jurisprudence a reconnu que cette clientèle appartenait au franchisé à propos du statut des baux commerciaux (Cass. 3e civ., 27 mars 2002, Trévisan : Bull. civ. 2002, III, n° 77 ; D. 2002, p. 2400, note H. Kenfack ; JCP G 2002, II, 10112, note F. Auque).

- ne pas apporter une restriction trop importante à la liberté du débiteur de la clause afin de ne pas lui empêcher toute activité professionnelle.

Notons qu’à ce jour, et contrairement aux obligations en Droit du travail, la jurisprudence n’oblige pas les clauses de non-concurrence à prévoir ni accorder au débiteur de non-concurrence une contrepartie financière.

2°) Règles de validité au regard du droit français de la concurrence :

Au regard du droit de la concurrence, les clauses de non-concurrence peuvent être constitutives d’ententes (Article L 420-1 du Code de Commerce) voire d’abus de position dominante (Article L 420-2 du Code de Commerce) ayant pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence, notamment si elles sont stipulées à titre principal et ne sont pas l’accessoire d’une convention principale et ont pour objet ou effet d’opérer un partage du marché entre opérateurs qui s’interdisent mutuellement de se faire concurrence (CA Paris, 3 nov. 1982, SCI de la rue du Paradis : D. 1985, inf. rap. p. 219, obs. Ch. Gavalda et Cl. Lucas de Leyssac ; Cons. conc., déc., 23 févr. 1978, Abribus et mobilier urbain, BOSP 1er avr. 1978, p. 138).

Il en est de même si elles ne sont pas nécessaires à l’exécution de la convention principale (CA Paris, 5 janv. 2000, SA Hachette distribution services c/ BHV : Petites affiches 19 juill. 2000, p. 23).

Enfin, pour être licite, la clause de non-concurrence ne doit pas comporter de restrictions excessives de concurrence, devant être strictement proportionnée à la fonction qu’elle remplit (Cass. com., 4 mai 1993 : Juris-Data n° 1993-000789 ; Bull. civ. 1993, IV, n° 172).

La disproportion peut tenir au fait que la clause est stipulée pour une durée trop longue ou s’étendre à un territoire trop important (Cons. conc., déc. n° 92-D-20, 10 mars 1992, Distribution de boissons, Rapp. pour 1992, p. 46).

Elle peut être disproportionnée par rapport à l’objet du contrat car elle va au-delà de ce qui est nécessaire (Cass. com., 9 nov. 1993 : Bull. civ. 1993, IV, n° 399 ; D. 1994, jurispr. p. 399, note M. Lombard et somm. p. 220, obs. Y. Serra. – CA Paris, 5 janv. 2000 : Petites affiches 19 juill. 2000, n° 143, p. 23 et nos obs.)(in JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 110, Lexis Nexis).

3°) Règles de validité au regard du droit communautaire de la concurrence :

Le Règlement communautaire n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999 applicable aux accords de distribution dispose en Article 2 que : « Conformément à l’article 81, paragraphe 3, du traité, et sous réserve des dispositions du présent règlement, l’article 81, paragraphe 1, du traité est déclaré inapplicable aux accords ou pratiques concertées qui sont conclus entre deux ou plus de deux entreprises dont chacune opère, aux fins de l’accord, à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution, et qui concernent les conditions dans lesquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens ou services (ci-après dénommés « accords verticaux ») ».

L’Article 5, (b) dudit Règlement dispose que : « L’exemption prévue à l’article 2 ne s’applique à aucune des obligations suivantes contenues dans des accords verticaux : toute obligation directe ou indirecte interdisant à l’acheteur, à l’expiration de l’accord, de fabriquer, d’acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services, sauf si cette obligation :

- concerne des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou services contractuels et
- est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a opéré pendant la durée du contrat et
- est indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur,

à condition que la durée d’une telle obligation de non-concurrence soit limitée à un an à compter de l’expiration de l’accord ; la présente obligation ne porte pas atteinte à la possibilité d’imposer, pour une durée indéterminée, une restriction à l’utilisation et à la divulgation d’un savoir-faire qui n’est pas tombé dans le domaine public ».

Ainsi, le principe est qu’aucune clause de non concurrence post-contractuelle n’est exemptée du champ d’application des ententes (contrairement aux clauses de non-concurrence durant le contrat dont la durée est limitée à cinq ans).

La seule exception concerne les clauses de non-concurrence qui sont cumulativement limitées :

- aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a opéré pendant la durée du contrat,
- à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur,
- et, à une durée ne devant pas dépasser un an à compter de la durée de l’expiration de l’accord.

Certaines dispositions sont particulières à certains secteurs. Ainsi en est-il en matière de distribution automobile au titre de laquelle le Règlement communautaire CE n° 1400/2002 du 31 juillet 2002 en matière de distribution automobile, en son Article 5-1-d interdisait toute obligation directe ou indirecte empêchant le distributeur de produire, d’acheter, de vendre des véhicules automobiles après la résiliation du contrat. Le Règlement (CE) n° 1400/2002 de la Commission, du 31 juillet 2002, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile prévoit en son Article 5 qu’en ce qui concerne la vente de véhicules automobiles neufs, de services de réparation et d’entretien ou de pièces de rechange, l’exemption ne s’applique à aucune obligation directe ou indirecte de non-concurrence qui serait contenue dans des accords verticaux, ni à toute obligation directe ou indirecte empêchant le distributeur ou le réparateur agréé, après résiliation de l’accord, de produire, d’acheter, de vendre ou de revendre des véhicules automobiles ou de fournir des services de réparation ou d’entretien.

4°) Applications récentes par la Cour de cassation :

La Cour de cassation, par un arrêt du 17 janvier 2006, (jugeant certes sous l’empire de Règlement CE n° 4087/88 de la Commission du 30 novembre 1988, aujourd’hui obsolète), avait décidé que ce texte permettait d’imposer au franchisé l’obligation de ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité commerciale similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y compris le franchiseur, dans la mesure où cette obligation est nécessaire pour protéger des droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l’identité commune ou la réputation du réseau franchisé. Elle concluait que la clause de non réaffiliation qui n’interdisait pas la poursuite d’une activité commerciale identique et se trouvait limitée dans le temps et dans l’espace ne violait aucune règle d’ordre public (Cass. com., 17 janv. 2006, SARL Varassedis c/ Sté Prodim : Juris-Data n° 2006-031799 ; Contrats, conc. consom. 2006, comm. 67, note M. Malaurie-Vignal).

La Cour de Cassation vient de préciser par un arrêt du 9 juin 2009 (Cass. Com., 9 juin 2009, Distribution Casino c/ Perrosdis, Pourvoi n° 08-14301) que le bénéfice de l’exemption prévue à l’article 5 b) du règlement 2790/1999 (aujourd’hui applicable) en faveur des clauses de non-concurrence post-contractuelles est réservé uniquement à celles, d’une durée d’un an, qui sont :

- limitées aux locaux et aux terrains à partir desquels celui qui l’a souscrite a opéré pendant la durée du contrat
- et qui sont indispensables à la protection du savoir-faire qui lui a été transféré par son cocontractant.

Cass Com 9 Juin 2009
Cass. Com., 9 juin 2009, Distribution Casino c/ Perrosdis, Pourvoi n° 08-14301

Cette jurisprudence est parfaitement conforme au texte communautaire et il convient donc, d’une part, d’être vigilant dans la rédaction des clauses de non réaffiliation et notamment dans la description du territoire ou secteur contractuel (« locaux et terrains »), et, d’autre part, en cas de contentieux, de pouvoir apporter les moyens de preuve nécessaires afin de justifier du caractère « indispensable à la protection du savoir-faire ».

Michaël AMADO, Avocat à la Cour, Paris

http://www.avocats-amado.net/index.html

Michael.amado chez avocats-amado.net

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

197 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs